G.H.C. Numéro 58 : Mars 1994 Page 994

Les frères MICHEL de la Martinique :
ces cousins méconnus de BELAIN d'ESNAMBUC

Jean-Christophe Germain

     Les origines normandes, à Allouville en Pays de Caux, 
et la famille de Pierre BELAIN d'ESNAMBUC (1585-1637) sont 
connues depuis la publication par Margry,  en 1865, de son 
étude biographique (1) devenue aujourd'hui introuvable.

On savait par ailleurs depuis Anthiaume (2)  que,  lorsque 
le  fondateur  des colonies françaises des Antilles  avait 
pris possession de l'île de Saint-Christophe en  1627,  il 
était  accompagné  de plusieurs parents  proches  :  René, 
Nicolas et Adrien DYEL, originaires de Cailleville-en-Caux 
(3).  C'est  son  propre  neveu,  Jacques  DYEL  (le  fils 
d'Adrienne BELAIN),  écuyer, sieur du PARQUET (1606-1658), 
qui, comme on sait, se rendra célèbre à la Martinique (4).

Dans  l'entourage  de Jacques DYEL aux Antilles,  le  Père 
DUTERTRE  (5)  avait  encore  mentionné  la  présence   de 
plusieurs parents ou alliés : Charles DELAFORGE (son beau-
frère),  écuyer et lieutenant, époux de Suzanne DYEL; Jean 
LECOMTE, gouverneur de l'île de la Grenade en 1649; Pierre 
LECOMTE,  son frère; Jacques MAUPAS, sieur de SAINT-AUBIN, 
lieutenant-général de la Martinique en 1651; et enfin Jean 
HACQUET,  qui  sera gouverneur de l'île de Saint-Lucie  en 
1656.

Personne n'avait signalé, je crois, que les frères MICHEL, 
dont le nom apparaît aussi bien dans les documents  marti- 
niquais  que  dans  "l'Histoire  générale  des  Antilles", 
appartenaient,  eux aussi,  à la famille des BELAIN et des 
DYEL.

Les MICHEL, originaires de Rolleville en Pays de Caux.

En effet, de Jean BELAIN, écuyer, sieur de la PINCHONNIERE 
(oncle  paternel  de Pierre et d'Adrienne BELAIN),  et  de 
Madeleine de CAUMONT son épouse,  était née,  entre autres 
filles (6),  Madeleine BELAIN.  A une date inconnue, cette 
dernière  s'était alliée à un roturier de la  paroisse  de 
Rolleville,  près du Havre,  Guillaume MICHEL, sieur de la 
RENARDIERE (7).

     De  ce Guillaume I MICHEL,  décédé à Rolleville le 13 
octobre 1638 (8) et de Madeleine BELAIN (9) sont issus  au 
moins  quatre  fils  qui tous ont séjourné  aux  Antilles. 
L'aîné seul aura fait souche, semble-t-il, à la Martinique 
(10).

1 Etienne MICHEL,  capitaine de milice à Saint-Christophe, 
  puis à la Martinique
  b Rolleville 7 10 1610 (11)
  + Prêcheur (Martinique) 6 5 1665 (12)
  x Anne LEFEBVRE
  d'où postérité.

2 Louis MICHEL, dit SAINT-MICHEL, sieur de la RENARDIERE,
  habitant  de  Saint-Christophe,  puis de la  Martinique. 
  Lieutenant de milice à la Martinique.
  b Rolleville 18 3 1613 (13)
  + en mer à son retour en France 8 1652.
  Sans postérité

3 Jacques MICHEL,  dit BENOUVILLE,  avocat au Parlement de 
  Normandie.  Habitant,  puis  juge à Saint-Christophe  en 
  1645. Plus tard habitant à la Case-Pilote (Martinique).
  b Rolleville 4 5 1615 (14)
  + ca 1680
  x Cm Montivilliers (Seine Maritime) 13 12 1654
     Marie  MOREL,  fille de Guillaume  (15),  conseiller-
     échevin du Havre, et Barbe LEMASSON

4 Guillaume II MICHEL, dit BELLEFONTAINE,
  marchand chapelier à Saint-Christophe,  puis  lieutenant 
  de milice à la Martinique.
  x Marie PREUDHOMME (de Montivilliers).
  Postérité non connue.

Les frères MICHEL à Saint-Christophe

Il n'a pas encore été possible d'établir avec certitude si 
les  frères  MICHEL  sont passés ou non aux  îles  (16)  à 
l'époque de leur cousin d'ESNAMBUC.  Cela paraît  pourtant 
vraisemblable.

Les premières mentions connues de Jacques et Louis MICHEL, 
cités  comme  "habitants  de l'isle  de  Saint-Christophe" 
datent, en fait, de 1638, soit plus d'un an après le décès 
de Pierre BELAIN.  Le 1er mars de cette année-là (17),  un 
certain  Romain HAUGHEL avait recruté au Havre un  dénommé 
Robert ROUMAIN, engagé pour Saint-Christophe au service de 
Jacques  MICHEL,  pour  "faire petuns,  cotons  ou  autres 
marchandises..."  (18).  Dix jours plus tard  (19),  Louis 
MICHEL,  lui aussi, faisait engager au Havre un serviteur, 
Charles  DESMONTS,   originaire  de  Montivilliers   (20). 
ROUMAIN  et  DESMONTS  devaient passer aux  îles  dans  le 
navire du Capitaine Pierre PEPON du Havre.

En 1640,  Romain HAUGHEL,  déjà cité, expédiait du linge à 
Jacques  MICHEL (21) :  "18 chemises de lin,  6 paires  de 
caleçons,  6  paires  de bas de chausse,  6  mouchoirs,  4 
coiffes,  10  aunes  de  toile d'étoupe  et  3  paires  de 
souliers...".  Une  telle  quantité de vêtements laisse  à 
penser que Jacques MICHEL avait alors plus de deux engagés 
à  son service.  Les marchandises étaient confiées à  Jean 
VARIN du Havre, qui allait s'embarquer en personne dans le 
navire de Geffin MORIN,  sieur DES ORMEAUX,  capitaine  de 
Honfleur.

Par recoupement d'actes notariés,  il apparaît que l'habi- 
tation  des frères MICHEL était située au quartier de  "La 
Petite  Savanne",  à  la Basse-Terre de  Saint-Christophe. 
Mais l'année précédente (1639) avait vu l'arrivée à Saint-
Christophe,  en remplacement de BELAIN d'ESNAMBUC  décédé, 
d'un  nouveau  lieutenant  général  du  roi,  Philippe  de 
LONVILLIERS,  dit  le  Commandeur  de  POINCY.  Personnage 
controversé,  le Commandeur aura bien du mal à susciter de 
la  sympathie  chez  ces aventuriers que  sont  alors  les 
habitants  des  îles.  Entre autres abus  de  pouvoir,  la 
Compagnie  des Iles d'Amérique,  souveraine en ces  lieux, 
aura à lui reprocher la révocation intempestive des juges, 
telle celle de Matthieu MAUGER, le juge de la Guadeloupe.





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