G.H.C. Numéro 58 : Mars 1994 Page 995
Les frères MICHEL de la Martinique :
ces cousins méconnus de BELAIN d'ESNAMBUC
C'est pourquoi, le 2 mars 1644, la Compagnie réunie en
assemblée générale à Paris arrêtait "qu'il sera envoyé
commission à MICHEL de juge à la Gardeloupe" (22) en
remplacement de MAUGER destitué.
Il est probable que Jacques MICHEL n'eut pas le temps de
prendre possession de sa charge, car le 3 mars 1645 (23)
une commission de lieutenant général civil et criminel à
la Guadeloupe était en fait expédiée au nom d'un certain
Antoine MARIVET. En échange, Jacques MICHEL recevait, le 2
juin suivant (24), une commission de juge à "La Pointe de
Sable et Capesterre" de Saint-Christophe, pour une durée
de trois ans et moyennant 2.000 livres de gages par an.
C'est probablement sur sa demande que Jacques MICHEL sera
allé exercer sa charge dans l'île même où il possédait une
habitation, et non à la Guadeloupe, comme on le lui avait
proposé initialement.
Les frères MICHEL et le Commandeur de POINCY
De quelle nature furent à Saint-Christophe les relations
entre les frères MICHEL et le commandeur de POINCY ?
Le Père Dutertre est resté muet sur ce sujet mineur, mais
par contre il n'a pas manqué de signaler (25) les mauvais
traitements qu'il fit subir à leurs parents précédemment
cités.
Rappelons les faits :
Le 14 novembre 1645 débarquait à la Martinique un gentil-
homme de la Reine, Noël PATROCLES de THOISY, nouvellement
nommé en remplacement de POINCY. Mais blessé dans son
amour-propre, le commandeur refuse alors obstinément de
céder la place à son successeur. Deux clans se forment et
prennent les armes.
Les trois cousins de Jacques DYEL, Jacques MAUPAS de
SAINT-AUBIN, Pierre et Jean LECOMTE, alors capitaines dans
l'île, se déclarent partisans de THOISY. Ils seront
bastonnés comme des manants. Une insulte terrible fuse
même de la bouche du commandeur : "beaux gentilshommes de
neige". Dans ces conditions, les cousins se voient
contraints de fuir à la Martinique. Là, les loyalistes se
regroupent autour de THOISY que les principaux officiers
reconnaissent comme lieutenant général du Roi. Parmi ceux
qui prêtent serment se trouve le sieur de la RENARDIERE
(26), alias Louis MICHEL, qualifié alors de lieutenant de
milice. Il faut donc croire que Jacques et Louis MICHEL,
persécutés dans Saint-Christophe (27) comme partisans de
THOISY, avaient, eux aussi, préféré se réfugier à la
Martinique. Ainsi, le Gouverneur du PARQUET pouvait
compter sur l'union et le dévouement de tous ses cousins.
Mais curieusement, près de 4 mois seulement après avoir
prêté serment, Louis MICHEL allait se parjurer. Le 15
janvier 1647, en effet, il ralliait à la Martinique
quelques mutins peu scrupuleux qui n'avaient pas hésité à
capturer THOISY pour l'offrir pieds et poings liés à
POINCY en échange de Jacques DYEL, prisonnier à Saint-
Christophe (28). Envers et contre tout, la fidélité au
chef et cousin bien-aimé avait donc prévalu. Il s'agissait
ni plus ni moins d'un échange d'otages : procédé peu
surprenant, à vrai dire, en ces temps de fronde et de
guerre civile. C'est ainsi donc que le sieur du PARQUET
pourra regagner son île et reprendre en mains son gouver-
nement et ses affaires.
Louis et Jacques MICHEL à la Martinique
De retour à la Martinique, Jacques DYEL aura la bonne idée
de saisir une opportunité exceptionnelle. Il se porte
acquéreur de cette île que la Compagnie en faillite est
contrainte de brader pour payer ses créanciers.
Lorsque le 13 mars 1651 le Sieur du PARQUET prend offi-
ciellement possession de son île en qualité de seigneur-
propriétaire, parmi les officiers qui font allégeance (29)
se trouve, bien entendu, son cousin, le Sieur de la
RENARDIERE. Mais les jours de Louis MICHEL étaient
désormais comptés. Quelques mois plus tard, il allait
s'embarquer sur un navire hollandais qui faisait voile
pour Dieppe (30). Il ne pourra, hélas, jamais revoir sa
Normandie, car il mourra en mer au mois d'août 1652.
N'ayant pas contracté d'alliance, Louis MICHEL laissait
pour seuls héritiers ses trois frères : Etienne, Jacques
et Guillaume.
A Montivilliers, c'est l'oncle maternel des frères MICHEL,
Olivier de CASTILLON, écuyer, sieur de la MONTAIGNE (31),
qui allait s'occuper de faire liquider la succession du
défunt :
L'habitation que Louis MICHEL possédait à la Case-Pilote
devait échoir à Jacques, qui résidait déjà sur place.
Guillaume, de son côté, était délégué pour aller récupérer
à Dieppe "les marchandises et denrées de bonne valeur" que
Louis avait fait embarquer à la Martinique. Bien que les
documents notariés le désignent parfois comme "bourgeois
du Havre", il semble que Jacques MICHEL se soit alors
consacré exclusivement à son habitation de la Martinique.
Au début de l'année 1654 (32), il faisait expédier, à
Vlissingen en Zeeland, du pétun, du gingembre et du
canéfisse. Les navires français faisaient défaut aux îles
à cette époque et c'est donc sur "La Levrette" (De
Windhond), de Rotterdam, qu'il fit charger ces marchan-
dises. Il n'est pas impossible d'ailleurs que Jacques
MICHEL se soit lui-même embarqué sur ce navire, car dès le
mois de septembre suivant (33), il était de passage à
Rouen. Des affaires personnelles (de coeur, espérons-le !)
l'appelaient au pays. En effet, le 13 septembre 1654 (34),
Jacques MICHEL convolait avec une jeune femme de
Montivilliers, Marie MOREL, fille de défunt Guillaume, un
ancien "Conseiller eschevin en l'hostel de ville du Havre
de grace", et de Barbe LEMASSON. Il ne semble pas que
Marie MOREL ait suivi son époux à la Martinique. Les
devoirs conjugaux auront toutefois été accomplis (35) à
l'occasion de l'un ou l'autre des nombreux voyages que fit
Jacques MICHEl en Normandie.