G.H.C. Numéro 58 : Mars 1994 Page 997
Les frères MICHEL de la Martinique :
ces cousins méconnus de BELAIN d'ESNAMBUC
Adrien MICHEL était établi au Macouba où il commandait, en
qualité de capitaine de milice, quand il fit connaissance,
en 1694, de ce nouveau venu, ce curé un peu atypique dont
il allait devenir l'ami.
Mais laissons parler le fameux dominicain :
"Je puis assurer, et je suis obligé de rendre cette
justice aux habitants de la paroissse de Macouba, que je
n'ai jamais vu des gens plus disposés à faire du bien à un
curé, ni qui le fissent de meilleure grâce. M. Adrien
MICHEL, capitaine du quartier, fut un des premiers à venir
me rendre visite et à m'offrir sa maison, et tout ce qui
dépendait de lui, et quoique dans la suite mon devoir
m'ait quelquefois obligé de le faire souvenir du sien,
cela n'a jamais empêché qu'il ne m'ait été très affec-
tionné, et qu'en toutes les occasions il ne m'ait donné
des preuves d'une sincère amitié". (50)
Dès après la première grand'messe du Père au Macouba,
Adrien MICHEL décidait de faire agrandir le presbytère. A
cet effet et pour donner l'exemple aux autres paroissiens,
il fit don de 49 écus et promit le bois nécessaire. Mais
pour l'heure, Adrien MICHEL offrit le gîte et le couvert à
son curé. On se retira donc sur l'habitation qui était
sise au quartier du Potiche.
Madame MICHEL, née Jeanne GUILLON LA CHARUELLE, que sa
grossesse avait empêché d'assister à la messe, se fit
pardonner en servant le dîner. Parmi les hôtes, ce
dimanche 14 février 1694, se trouvait le marguillier, un
normand de Morsalline en Cotentin, nommé Gilles DAUVILLE.
Le lendemain matin, Adrien MICHEL fit visiter son habi-
tation à son invité et lui montra sa sucrerie. Puis les
jours suivants, c'est encore grâce à lui que le Père LABAT
fut initié à ces singularités de la Martinique que
pouvaient être, pour un Européen nouvellement arrivé, la
pêche des tortues marines et la chasse aux iguanes.
C'est au Macouba toujours que le Père, apparemment, fit
connaissance avec les vicissitudes de l'esclavage. Pour
lui faire plaisir, Adrien MICHEL avait un jour offert à
son ami un jeune nègre originaire du Royaume de la Mine,
âgé de 12 à 13 ans. Mais le pauvre garçonnet, frappé de
mélancolie, se mit à manger de la terre jusqu'à en mourir,
croyant qu'il pourrait par ce moyen revoir le pays de ses
parents. Après dix mois passés à la Martinique, le Père
LABAT se désolait de n'avoir toujours pas rencontré
d'Indiens caraïbes. Une fois encore, Adrien MICHEL allait
lui donner satisfaction. L'occasion se présenta au mois de
novembre 1694, lorsque près d'une cinquantaine de Caraïbes
vint faire sa traite sur l'habitation d'Adrien MICHEL.
C'est là que le Père LABAT découvrit le marché de dupes
qu'on avait coutume de pratiquer avec les Indiens. Il ne
manquera pas d'ailleurs d'en profiter personnellement. En
effet, grâce à l'intervention d'Adrien MICHEL et moyennant
quelques babioles (des couteaux, de la grosse toile et une
calebasse d'eau de vie), le père LABAT pourra se procurer
deux belles émeraudes d'Amazonie.
Les enfants d'Adrien MICHEL
Par chance, les registres paroissiaux du Macouba (51) nous
ont été conservés et nous savons ainsi quels furent les
enfants d'Adrien MICHEL et de Jeanne GUILLON LA CHARUELLE.
1 Ange MICHEL
o 26 1 b 11 2 1691; p Pierre Croquet; m Anne Lebrument
2 Charles-Adrien MICHEL
o 5 b 16 5 1694 par le Père LABAT lui-même (52);
p Charles Ricord; m Marie-Madeleine Guillon, épouse de
M. Croquet, capitaine
3 Pierre MICHEL
o 28 7 b 12 8 1697; p Joseph Michel; m Luce Sainte-Begue
4 Luce-Rose MICHEL
o 24 b 25 2 1699; p Claude Pocquet; m Catherine Roy,
fille de Jean
5 Louise-Jeanne MICHEL
o 18 8 1701 b 22 5 1702; p Jean Dyel, lieutenant de
Roi, commandant à la Capesterre; Louise-Elisabeth de
Cacqueray, épouse de M. Bègue
6 Nicolas-Auguste MICHEL
o 3 b. 20 1 1704; p Nicolas-Michel de Clermont, juge à
la Guadeloupe; m Madeleine Fournival
Le Père LABAT nous a fait connaître la présence au Macouba
d'un autre jeune homme nommé MICHEL. Josué MICHEL, nous
dit-il, était le cousin germain d'Adrien MICHEL et était
âgé de 17 ans seulement en 1694. Il fut présenté au Père
pour apprendre l'histoire, la géométrie et l'arpentage. Ce
cousin reste à identifier. Il était peut-être le fils de
Guillaume MICHEL, sur qui nous ne savons pas grand' chose.
Le registre paroissial du Macouba mentionne bien le décès,
le 25 décembre 1747, d'un Josué MICHEL, mais âgé de 76
ans !
Les recherches généalogiques n'ont pas été poussées plus
avant. La limite chronologique fixée était la fin du
XVIIème siècle.
Notes :
(1) Margry, Pierre. Origines transatlantiques - Belain
d'Esnambuc et les Normands aux Antilles. Paris, 1865
(2) Anthiaume, A. (Abbé). Cartes marines, constructions
navales, voyages de découverte chez les Normands.
Paris, 1916.
(3) Anthiaume, A. op. cit., tome II, p. 533.
Adrienne BELAIN, soeur aînée de Pierre BELAIN, avait
épousé en 1589 Pierre DYEL, écuyer, sieur de VAUDROQUE
(4) Nommé gouverneur de la Martinique par Pierre BELAIN
son oncle, en 1638, Jacques DYEL restera en fonctions
jusqu'à sa mort en 1658. Il fut seigneur-propriétaire
de l'île par acquisition en 1651.