G.H.C. Bulletin 98 : Novembre 1997 Page 2100
Adolphe BELOT, romancier, dramaturge et... éropraticien 1829 - 1890
Willy Alante-Lima
Ce personnage, homme de lettres célèbre dans le seconde
moitié du XIXème siècle, originaire de Guadeloupe, m'était
inconnu il n'y a pas si longtemps. Un hasard de lecture
m'a conduit jusqu'à lui : un mémoire consacré par mademoi-
selle Sandra Lima aux auteurs de romans policiers du
siècle dernier. Dans la bibliographie figurait le nom
d'Adolphe Belot ainsi que le titre d'une de ses oeuvres
dans le genre : "Le drame de la rue de la Paix".
Je décidai alors de l'approcher en consultant l'Ency-
clopédie du XIXème siècle ainsi que le Dictionnaire de
Biographie Française. Surprise : je m'étais toujours
imaginé,(d'autres avec moi sans doute) que la Guadeloupe
n'avait jamais compté dans les rangs de ses écrivains un
auteur d'oeuvres érotiques. Adolphe Belot vint m'en
apporter le démenti. Ce fut une célébrité en la matière
car il semble illustrer à merveille le dicton : on ne
prète qu'aux riches. On le crédite d'oeuvres érotiques qui
semblent ne pas être de sa plume, c'est dire !
Présentons donc ce natif de Guadeloupe en suivant le
fil conducteur de son acte de naissance : Louis Marc
Adolphe Belot est né le 6 novembre 1829, à huit heures du
soir au 63 rue d'Arbaud (1) à Pointe-à-Pitre, déclaré le
lendemain par son père, Jean Jacques Adolphe Belot avoué
près du Tribunal de première instance de Pointe-à-Pitre.
L'un des témoins, Adrien Edmond Belot, âgé de 33 ans, est
également avoué en cette ville. Louis Marc Adolphe descend
de la robe et de la banque. Son grand-père, Marc Antoine
Belot, de son vivant fut banquier à Paris.
Nous ignorons comment ou en quelle occasion, Adolphe
Belot passa de la Guadeloupe en France. D'après le
Dictionnaire de Biographie Française, "il fit en France
ses études de droit et fut inscrit au barreau de Nancy.
Après un voyage au Brésil et aux Etats-Unis, il débuta
dans les lettres avec un court récit "Châtiment" (1855) et
une comédie jouée au Vaudeville le 27 avril 1857 : "A la
campagne". "Le testament de César Girodot" joué à l'Odéon
le 30 septembre 1859, allait tirer son nom de l'obscurité.
La pièce, écrite en collaboration avec Edmond Villetard et
qui aurait été esquissée dès les bancs du collège, fut
représentée près de deux cents fois à l'Odéon, passa à la
Comédie Française et resta au répertoire."
Dès lors, l'on peut dire que la Fortune venait de
frapper à sa porte, pour sustenter les frasques d'homme à
bonne fortune qu'il devait être, filon qu'il exploitera à
travers sa production littéraire. Il était homme également
à taquiner la fortune, car il était un amoureux des tables
de jeu. Aussi fut-il contraint d'être un auteur proli-
fique, et... habile.
"Belot a exploité à outrance sa grande facilité, tirant
des pièces de ses romans, et parfois même des romans de
ses pièces. L'énumération de ses ouvrages remplit quinze
colonnes de la Bibliothèque Nationale..."
(Il ne s'agit pas d'une figure de style. L'on peut
vérifier l'assertion.)
"De constants besoins d'argent contraignirent Belot à
écrire des feuilletons interminables, s'engendrant l'un
l'autre et formant cycles : Les Etrangleurs de Paris
(1879); La Grande Florine (1879); Les cravates blanches
(1886)."
Pourtant, Belot fut ce que l'on nomme un auteur
heureux. Ainsi, son roman policier, "Drame de la rue de la
Paix", fut traduit en anglais et en espagnol, comme bien
d'autres de ses ouvrages.
S'il connut une très grande notoriété par son théâtre, il
le fut davantage, et de façon cruciale, par la publication
en 1870 dans Le Figaro (2) de "Mademoiselle Giraud, ma
femme". "Le feuilleton fut interrompu sur la réclamation
de lecteurs effarouchés et le succès en librairie fut
d'autant plus grand." Cette veine sera également exploitée
à outrance. "Plusieurs des livres qui se vendent sous le
manteau, et que garde l'Enfer des bibliothèques, le
réclament avec beaucoup de vraisemblance pour auteur."
A telle enseigne que de nos jours ses oeuvres érotiques ou
celles que l'on lui prête, sont controversées comme "Les
stations de l'amour" réédité en l987; de celui-ci
l'éditeur écrit (3): "Pascal Pia, le grand spécialiste des
éditions érotiques juge peu vraisemblable qu'Adolphe Belot
soit l'auteur de ce livre. Il pense que le romancier, s'il
eût composé des ouvrages destinés à être débités sous le
manteau, n'eût pas négligé d'en tirer parti." Ce n'est pas
sûr, commente l'éditeur. Nous le pensons également, à
cause de minces indices.
En effet, ses oeuvres attestées révèlent un auteur à la
langue sûre, où l'humour ne perd jamais ses droits. Ce que
confirme "Les stations de l'amour". L'on pourrait même
dire que les métaphores érotiques employées par lui ont
une saveur rare et demeurent encore inédites.
Adolphe Belot qui avait toujours besoin d'argent fut
un littérateur également inspiré (déjà !) par les moeurs
éditoriales de son temps. Un précurseur du marketing
littéraire. Dans "Le drame de la rue de la Paix", il fait
dire à son protagoniste, Dumouche : "Je veux faire du
roman, du roman-feuilleton, du roman judiciaire. La mode
est en ce moment à ce genre de littérature. Au bas des
journaux s'étalent des titres comme ceux-ci : Le Dossier
1007, Le Crime de Granval, L'Affaire Lenoir, M. Ducocq. Eh
bien ! moi aussi j'inventerai un petit crime."
Le commentateur du "Testament de César Girodot" écrit
(4) : "M. Belot est un de ces écrivains qui, ayant encore
moins de réputation que de talent, gagnent à attendre
qu'on les discute."
Adolphe Belot, ce joueur et écrivain célèbre, alors
qu'il s'apprêtait à se rendre sur la Côte d'Azur, est
frappé d'une congestion pulmonaire, compliquée d'une
congestion cérébrale : il mourut en trois jours, le 17
décembre 189O à 61 ans.
La Guadeloupe perdait un de ses fils qui avait voué
son art aux muses des lettres et de la scène ainsi qu'au
dieu Eros.
Nota : Pierre Bardin a fait les recherches d'état civil.
(1) S'il existe encore le Champ d'Arbaud à Basse-Terre, le
nom de cette rue de Pointe-à-Pitre nous est inconnu.
(2) Les Editions Pauvert donnent 1869 pour l'année du
scandale, quand le 22 décembre Le Figaro dut arrêter la
publication. Celui-là perdura sans doute jusque l'année
d'après...
(3) Ed. J-J Pauvert & Cie, Les stations de l'amour.
(4) Grand dictionnaire universel du XIXe siècle.
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Révision 27/01/2005