G.H.C. Bulletin 94 : Juin 1997 Page 1992
Louis Adolphe ROLLIN (1836 - 1909)
Rodolphe Marie-Emile Enoff
Ce colon du milieu du XIXème siècle a vu le jour à
Corny (aujourd'hui Corny-sur-Moselle), le 18 Août 1836. La
Monarchie de Juillet qui a débuté en 1830 sévit en France,
sous la direction de Louis Philippe.
Malgré la Révolution qui s'est manifestée, la
bourgeoisie a son monarque, certes avec le drapeau trico-
lore, la diminution du cens, mais l'esclavage continue de
sévir aux Antilles Françaises. En Guadeloupe on assiste
dans cette période, à des révoltes sur diverses
propriétés, ces manifestations provoquent des mesures
d'assouplissement en faveur de l'émancipation de certains
esclaves.
ROLLIN quitte sa Lorraine natale pour la Guadeloupe
vers 1855. A Paris l'exposition universelle bat son plein.
Le Second Empire a la main mise sur la France et ses
Colonies, après le coup d'état du 2 décembre 1851 fomenté
par le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte.
La seconde République qui s'était installée en 1848 fut
confisquée. Elle avait favorisé les masses laborieuses et
en particulier aboli l'esclavage dans les colonies
françaises. Certes le régime qui avait mis à mal la
seconde République n'a pas osé rétablir l'esclavage mais,
sous la pression des colons, a recherché un compromis pour
faire face à la crise qui menace. Sous cette contrainte le
conseil général de la Guadeloupe organise l'immigration de
différentes ethnies venant d'Afrique, de l'Inde, d'Europe,
même de Chine. ROLLIN arrive, le premier contingent est là
depuis un an; pour faciliter cette immigration, le conseil
général vote des subventions (4 novembre 1854).
On peut s'interroger sur les mobiles qui ont entraîné
notre lorrain vers les rives de l'Ile d'Émeraude : les
facilités offertes aux futurs colons ? Est-ce le fait
qu'étant le dernier de la famille, la propriété de son
père Jean Nicolas ROLLIN ne peut plus nourrir toutes les
bouches ? Il arrive au moment où le gouverneur en place,
le capitaine de vaisseau BONFILS, décide d'accorder une
prime de 1000 F à tout individu qui aurait défriché et
planté en caféiers, au moins 5 hectares (la Guadeloupe
dans I'histoire. de O. Lara, page 246); ce qui est surpre-
nant, ce jeune homme de 19 ans, au bout de six ans arrive
à se faire une petite fortune et fait l'acquisition de
terres dès juillet 1861. A-t-il reçu un pécule de son père
en partant ? Il achète six propriétés en sept ans, elles
sont réparties entre Vieux-Habitants et Saint-Claude. Ces
acquisitions faites, ce fils de la Moselle se lance dans
la culture du café et du roucou (1). II se fixe au pied du
massif montagneux de Karukéra, cet environnement est
propice à ce genre de culture. Il semblerait que sa rési-
dence était le Matouba, commune de Saint-Claude, ainsi il
faisait ses tournées à cheval.
Nous verrons par la suite qu'il a réservé l'essentiel de
son action d'homme public à Vieux-Habitants, peut-être à
cause d'une liaison affective.
L'homme politique
Ce nouveau propriétaire terrien devient un notable;
alors que le maire se nomme ITHIER-LAVERGNEAU, ROLLIN est
adjoint au maire à Vieux-Habitants (2) en 1864 et en 1870
il devient maire de la commune, nommé par le gouverneur,
M. Gabriel COUTURIER. En septembre 1870 nous assistons à
l'effondrement du Second Empire, après le désastre de
Sedan. La République est réinstallée avec sa cohorte de
consultations électorales. Le suffrage universel est
rétabli; faut-il rappeler que Napoléon III l'avait
supprimé aux colonies, de ce fait la Guadeloupe n'avait
pas de représentation parlementaire. Cette décision a été
prise en 1852; il est vrai qu'avant cette date on y
trouvait des représentants comme SCHOELCHER, que le
prince-président a expulsé de France, et PERRINON, le
militaire républicain qui a refusé de prêter serment à
I'Empereur.
Les élections à tous les niveaux se déroulent. Le 29
Janvier 1871 ROLLIN est élu conseiller général pour Vieux-
Habitants-Baillif. Il sera par la suite plusieurs fois élu
président de l'Assemblée départementale (1879-1889-1890)
(d'après les archives du Conseil Général de la Guade-
loupe). La 3ème République est en place, on trouve à sa
tête THIERS (2ème Président de la République).
Mais l'ascension de l'homme public ne s'arrête pas là, il
est devenu un homme politique; notre colon lorrain
s'engage dans la bataille des législatives, se place et se
déclare candidat dans le journal "Le Commercial" du 11
Mars 1871, sachant que l'élection de SCHOELCHER est
acquise dans le département de la Seine : "la nomination
de notre illustre concitoyen Victor SCHOELCHER à la repré-
sentation de Paris étant un fait accompli, il y a lieu de
porter nos voix sur un autre candidat".
"Je me substitue à M. SCHOELCHER dans la combinaison
libérale représentée par lui et par M. MELVlL-BLONCOURT
auquel je suis uni par mes principes et mes convictions".
(d'après O. Lara - La Guadeloupe dans l'Histoire).
ROLLIN et MELVIL sont élus au second tour le 9 Avril
1871 (2756 et 3322 voix). A l'Assemblée Nationale, ROLLIN
s'installe à gauche de l'assemblée, ses interventions sont
remarquées et parfois vigoureuses, celle lors de la
discussion du budget de la Marine et des Colonies le 27
mars 1872 est à retenir : "Il semble qu'on veuille faire
déclarer par la représentation nationale que les colonies
sont des charges pour la mère Patrie.
"Sans aucun doute, les frais de souveraineté coûtent
toujours beaucoup, et plus que tout autre, le régime qui
vient de s'écrouler a prouvé qu'il pouvait coûter à une
ration non seulement ses trésors, mais encore son honneur"
"Je rappellerai avec un certain orgueil qu'alors que
tous rejetaient en France l'idée des augmentations
d'impôts, chacun en ce qui le concernait, seules les
colonies n'ont pas élevé la voix contre la surtaxe énorme
qui frappait leurs denrées à l'entrée en France (appro-
bation à gauche)".
"Depuis près de trois siècles, les colonies ont subi
en silence la situation souvent intolérable qui leur était
faite de par l'influence des mandataires des ports de
mer..."
"L'établissement de l'octroi de mer, qui semble avoir
tant blessé le patriotisme de notre collègue, honorable M.
ANCEL, n'est autre chose en définitive que la représen-
tation des Impôts qui s'établissent tous les jours de
ville à ville".
"Il convient de parler, avant de terminer, d'un
passage du rapport de l'honorable M. ANCEL contre lequel
votre devoir est de protester énergiquement".
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Révision 22/01/2005