G.H.C. Bulletin 91 : Mars 1997 Page 1907

MELVIL-BLONCOURT le communard marie-galantais ?

des officiers supérieurs insurgés.  Les  propos  les  plus
exaltés  y  auraient  été  tenus  et  on  aurait   entendu
Bloncourt s'écrier : "que la Commune n'avait pas de  leçon
à recevoir de Versailles."

L'on se demande si les Mémorialistes ont  voulu  seulement
considérer les membres de l'Etat-major communaliste  comme
les plus dignes d'être cités. Nul ne s'est avisé alors  de
dire quel fut  vraiment  son  rôle  près  de  Cluseret  ou
d'autres communalistes marquants, même après son départ du 
Ministère de la Guerre. Le Général Cluseret  lui-même,  si
prolixe dans ses Mémoires,  n'en  souffle  mot.  Mais,  de
Cluseret cela ne saurait étonner, car il  s'agissait  d'un
homme  à  la  personnalité  sinon  insaisissable,   disons
ondoyante pour  user  d'un  euphémisme,  si  nous  croyons
l'opinion de ceux qui l'ont côtoyé ou sévèrement jugé.
Ou bien, se chargeaient-ils de décerner des satisfecits  à
eux-mêmes ?
    Ainsi Rossel écrit, dans "Mon rôle sous la Commune" :
"Le personnel du Ministère de la guerre se  composait,  au
début, de Cluseret et de moi, avec deux ou trois  flâneurs
qui formaient la suite de Cluseret".

     Nous relevons, cependant, un détail qui ne semble pas 
manquer d'intérêt, dans le Tome I, page 131, des  Mémoires
de Cluseret : "tout  ce  travail  s'était  accompli  entre
Mayer et moi pour tout ce qui concernait l'organisation de 
l'infanterie.
L'agent dont je dois taire le nom pour ne pas le livrer  à
Versailles,  m'aida  puissamment  à  rendre   les   divers
services administratifs indépendants."

     Avec le professeur Marc Vuilleurmier nous pensons que 
la vie des nombreux communards proscrits en Suisse reste à 
écrire.

Le décès

     Après six années passées dans  la  Confédération,  et
peu de temps après son retour  à  Paris,  Melvil-Bloncourt
s'éteignit le 9 novembre 1880, mort probablement davantage 
des privations de  l'exil  que  de  l'ingratitude  de  ses
compatriotes et amis. Nous ne saurons jamais  ce  qu'il  a
dit à Nadar. Dans une lettre du  23  octobre  1880,  d'une
écriture déjà défaillante, il écrit : "Comme je puis (sic) 
bouger étant fort malade je te serai  obligé  si  tu  peux
disposer de quelques instants, de venir me  voir  au  plus
tôt car j'aurai besoin de causer avec toi."

     La Presse parisienne se fera l'écho  unanime  de  son
décès, de même la Préfecture de Police l'aura eu à  l'oeil
jusqu'à son ensevelissement.

"Dépêche télégraphiée. Préfecture de Police Municipale, le 
11 novembre 1880, 2h45, 17ème, à chef de la Police 
Municipale.
Enterrement de M. Melvil-Bloncourt rue des Batignoles, 59. 
Le monde commence à venir, mais en petite  quantité.  Tout
au plus 20 personnes  stationnent  dans  la  cour  et  aux
abords de la maison. Tout est calme. Signé : Pelardy."
Voici du journal "Marseillaise",  12  novembre  1880,  "Le
cortège s'est formé à la maison  mortuaire,  59,  rue  des
Batignoles, et de là, s'est dirigé par la rue Marcadet, au 
cimetière Saint-Ouen. Une couronne d'immortelles,  entouré
d'un ruban rouge, portait l'inscription :  "A  mon  mari".
Dans l'assistance nous avons remarqué les citoyens  Edmond
Lepelletier, Victor Simond,  et  L.  De  Perthou  (du  Mot
d'Ordre), Nadar, Carjat, Martel (de la Comédie-Française), 
Louis Dumoulin, Jaclard, Picchio, etc."

     Du "Rappel", novembre 1880, "Les obsèques  e  Melvil-
Bloncourt ont eu lieu hier au  milieu  d'une  foule  qu'on
peut évaluer à deux mille personnes.
Le deuil était conduit par MM. Arthur Arnould, Kuffner  et
Songeon. Dans l'assistance, on remarquait un  assez  grand
nombre d'anciens membres de la Commune et  des  rédacteurs
de journaux républicains.
Au cimetière un émouvant discours a été  prononcé  par  M.
Arthur Arnould. 
L'assistance s'est séparée aux cris de  :  Vive  la  Répu-
blique."

     S'il  fallait  faire  une  revue  de   cette   Presse
parisienne, ce serait un florilège de  panégyriques  à  la
mémoire du défunt dans lequel chacun, adversaire  ou  ami,
reconnaissait les qualités intellectuelles et  morales  de
Melvil-Bloncourt.

     Après sa mort il fut encore louangé. A. Becquet, dans 
ses "Profils de Communards", le 3 janvier  1881,  écrivait
dans l'Etoile  Française,  "Ce  libre-penseur  qui  a  été
enterré civilement, avait une admiration absolue du sans- 
culotte Jésus-Christ. Il n'a jamais fait de mal à 
personne, n'a eu de rancune contre personne, et ses mots 
contre les camarades que la fortune éloignait de lui, 
n'étaient que des satisfactions données à sa nature 
éminemment éprise d'aristocratie".
     Le 21 février 1887, "Le  19e  siècle"  rappelait  ses
lecteurs au souvenir de sa mémoire : "Melvil, ainsi que la 
plupart des hommes de la génération à laquelle  il  appar-
tenait, fut un républicain très sincère  et  très  ardent,
mais c'était surtout et foncièrement un homme de lettres."
     Laissons la parole au fidèle Nadar qui  décrit  ainsi
leur première rencontre dans le  jardin  du  Luxembourg  :
"Dans ce temps-là, le jardin du Luxembourg  appartenait  à
la petite bande bruyante et un  peu  despotique  que  nous
avions créée au milieu des diverses du Quartier Latin.
     Il y avait le journaliste Paul Crubailhes et tous les 
autres dont le  public  ignorait  complètement  les  noms,
Murger, de Banville,  Veyne,  Songeon  et  son  copain  de
collège, Baudelaire, Asselineau, et  dont  les  survivants
persistent à ignorer quelle peut être la différence  entre
le 5 et 3 % (7).
Melvil-Bloncourt devait venir à nous. Il  nous  fut  amené
par un grand diable de mulâtre qui vivait à côté de  nous,
Privat d'Anglemont."
     Et pour finir, ce médaillon : "Comme il était  préci-
sément le contraire de ces politiques qui se font de  leur
conscience une industrie, avec leurs opinions des  rentes,
Melvil-Bloncourt était dès lors  marqué  pour  l'éternelle
lutte,  pour  la  persécution,  la  pauvreté  :  pour   le
sacrifice".


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Révision 20/01/2005