G.H.C. Bulletin 91 : Mars 1997 Page 1906

MELVIL-BLONCOURT le communard marie-galantais ?

L'amnistie

     En janvier 1879, le sujet de l'amnistie ou non occupe 
la Presse. Mais les divers projets s'élaboraient dès  juin
et juillet 1878. Le 2 août 1878, Melvil-Bloncourt écrivait 
de Genève à son frère : "Cher vieux frère, bonne réception 
du  numéro  de  La  Lanterne  contenant  l'annonce   d'une
décision  gracieuse du Chef de l'Etat concernant  MM. Elie
et Elisée Reclus, Lachâtre, Brisson et  moi.  j'ignore  ce
qui a pu être fait de gracieux en faveur de ces messieurs, 
mais, en ce qui me concerne, cette  nouvelle  n'est  qu'un
gros  canard  couvé par quelque petite  oie  de  l'immonde
Presse Française."

     Le projet de loi longtemps attendu par l'opinion  fut
enfin voté par 312 voix contre 136. La commission  sénato-
riale le repoussa ! Le 10 juillet 1880 une  grâce-amnistie
gracia tous les condamnés. Mais, Melvil-Bloncourt,  malgré
la répulsion qu'il éprouvait à s'abaisser devant la magna- 
nimité rétive du pouvoir, sera amené a  résipiscence  pour
des raisons de santé. Il accepte une "grâce" en mars 1879. 
Il écrira : "Il est bien certain, que si je  pouvais  plus
longtemps supporter le climat homicide de Genève  ou  être
certain de gagner ma vie sous un ciel plus clément, jamais 
je n'accepterais de passer sous les fourches  caudines  de
ces bourgeois féroces."

     Avec l'amnistie, Melvil-Bloncourt rentre  en  France,
passe les mois de juin et juillet à Paris, puis,  retourne
à Genève le 12 août pour régler son déménagement.
Il reviendra à Paris pour s'installer définitivement au 59 
de la rue des Batignoles, immeuble qui existe encore.
     Amnistié,  Melvil-Bloncourt  est  ipso  facto  devenu
éligible : sa candidature est de  nouveau  sollicitée.  De
Genève il écrivait le 29 avril 1879 : "...si les électeurs 
de Guadeloupe ne reprenaient pas leur ancien représentant, 
ils se rendraient implicitement complices  des  misérables
qui l'ont envoyé à la mort."

     Lisons à présent un extrait  de  la  proclamation  de
Melvil-Bloncourt, laquelle est une  sorte  d'autoportrait,
parue dans "L'Echo de la Guadeloupe", journal des intérêts 
coloniaux, n° 66, mardi 19 août 1879.
Paris le 13 juillet 1879 - A messieurs  les  électeurs  de
Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) signataires de  l'adresse  qui
m'a été envoyée.

      "Mrs et chers compatriotes
    C'est avec la  joie  la  plus  grande  que  j'ai  reçu
l'adresse par  laquelle  vous  me  faites  l'inappréciable
honneur de m'offrir la députation de la Guadeloupe,  notre
chère et commune patrie; je vous en remercie de toute  mon
âme, et à tout jamais je vous en serai reconnaissant.
    Permettez-moi de ne point faire de profession de foi : 
ma vie et mes actes sont connus,  parlant  mieux  et  plus
haut que tous les vains écrits,  toutes  les  fallacieuses
promesses. Je n'ai été si impitoyablement  frappé  par  la
réaction triomphante que parce qu'elle  avait  reconnu  en
moi un républicain indomptable et éprouvé, un démocrate de 
vieille date, un continuateur constant, sinon brillant, de 
notre immortelle Révolution."

Fin de sa carrière politique

     Mais la carrière politique de Melvil-Bloncourt  était
terminée au moins en filigrane, avant même son  entrée  en
lice, le 31 août 1879. Au  premier  tour,  il  obtint  628
voix, au second... 140. Non seulement son  passé  d'ancien
communard avait joué à son détriment,  mais  la  botte  de
Jarnac lui avait été décoché  par  un  bretteur  des  plus
inattendus : Victor Schoelcher ! D'une  correspondance  de
ce dernier du 4 avril 1879, on lit :  "En  dehors  de  mes
sentiments personnels qui, par suite de l'étrange inimitié 
que lui et son frère m'ont portée, ne lui sont pas du tout 
favorables, j'estime  que  le  choix  de  Melvil-Bloncourt
serait très funeste à notre cause. Il  a  trempé  dans  la
Commune..."

   L'une des raisons de cette volte-face peut être trouvée 
dans l'opinion de Lissagaray, mémorialiste insigne  de  la
Commune  :   "Les   autres,   Ledru-Rollin,   Louis-Blanc,
Schoelcher, etc., l'espoir des républicains sous l'Empire, 
étaient rentrés d'exil,  poussifs,  cariés  de  vanité  et
d'égoïsme, irrités contre la  nouvelle  génération  socia-
liste qui ne se payait plus de systèmes." Peut-être qu'aux 
yeux de Melvil-Bloncourt, également, celui qu'il  appelait
le Roi des Iles, était devenu, pour évoquer des événements 
contemporains, un Quarante-huitard reconverti !  Au  vrai,
nous ignorons la  raison  de  cette  inimitié  dont  parle
Schoelcher, lui un familier des Bloncourt. Monsieur Gaston 
Bloncourt nous a dit garder le souvenir  du  piano  offert
par Victor Schoelcher à sa grand-tante, Catherine, décédée 
en 1929. 

Melvil-Bloncourt et la Commune

     Il nous semble que l'on ne saurait clore nul essai de 
biographie de Melvil-Bloncourt  sans  esquisser  un  para-
graphe qui pourrait s'intituler : Melvil-Bloncourt  et  la
Commune. Qui étudie, en effet,  sa  vie,  est  surpris  de
découvrir que celui qui était livré par  la  Presse  à  la
vindicte populaire sous le terme infamant de Communard, et 
par les plus bienveillants, de collaborateur de haut  rang
de la Commune par sa fonction et ses relations, ne  figure
dans aucun  ouvrage  consacré  par  les  Mémorialistes  du
Mouvement; à Lissagaray près :
"Un ancien membre de la Commune,  Ranc,  avait  été  nommé
député par Lyon, on le condamna à mort; de même, un  autre
député, Melvil-Bloncourt, attaché à  la  délégation  à  la
guerre..."
("Histoire de la Commune de 1871", P.-O. Lissagaray).

     Accessoirement, nous découvrons Melvil-Bloncourt à la 
rubrique "Communards" photographié en  pied  au  catalogue
d'une exposition consacrée  à   Etienne  Carjat  au  musée
Carnavalet. Pour avoir mieux, il nous faut encore  revenir
à une enquête du 25 avril 1874 (cote 77),  adressée  à  la
1ère division militaire :  "Monsieur  le  Commissaire,  je
suis chargé de suivre contre le nommé  Bloncourt  (Melvil)
député de la Guadeloupe, et j'apprends  que  cet  inculpé,
domicilié pendant la Commune  rue  de  Navarin,  19,  chez
Martel, artiste dramatique, a donné là, pendant la période 
insurrectionnelle, des soirées auxquelles étaient  invités


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Révision 20/01/2005