G.H.C. Bulletin 91 : Mars 1997 Page 1899
MELVIL-BLONCOURT le communard marie-galantais ?
la clarification : "Melvil, Sainte-Suzanne, dit Melvil-
Bloncourt" ou encore "mieux connu sous le nom de Melvil-
Bloncourt". Mais l'enquêteur se fait plus précis quand il
nous livre un véritable extrait de naissance : "Il paraît
néanmoins établi, d'après des indications dignes de foi,
qu'il serait le fils naturel d'une Créole, Caillette-
Leblond (1) et d'un comte de Moyencourt et que son nom
aurait été constitué avec la dernière syllabe des noms de
son père et de sa mère."
Ces précisions sont, de nos jours encore, attestées,
quant à cette double filiation parentale, devenue et
restée Bloncourt, tant par des descendants que par le
Grand Armorial de France, pour l'origine nobiliaire du
géniteur originel de la lignée ainsi que par son implan-
tation territoriale.
"La famille Vaultier de Moyencourt était originaire de
Picardie. Elle portait : d'azur à un croissant d'argent,
accompagné de neuf mouchetures d'hermine rangée en orle.
Devise : mieux vaut mourir que salir (Mëller).
Elle remonte à Nicolas de Vaultier, archer de la garde du
roi, époux de Françoise de Confite. Il est mentionné avec
sa femme, dans une bulle du cardinal Saint-Pierre ès liens
(probablement le futur Jules II) du 25 août 1499."
Cette famille s'enracinera aux Iles d'Amérique,
Guadeloupe incluse, avec notamment, "Alexandre de
Vaultier, comte de Moyencourt, Chevalier de Saint-Louis,
Commandeur de Notre-Dame du Mont-Carmel, Lieutenant
général des Iles du Vent de l'Amérique, capitaine de
vaisseau du roi, amirante de Castille, époux de Marie-Anne
de La Croix".
Notons cependant que les documents consultés ne nous
ont pas permis d'identifier qui d'entre les comtes de
Moyencourt nés en Guadeloupe peut être considéré comme
l'ancêtre des Bloncourt. Une recherche plus approfondie
dans des archives privées ou notariales permettrait
sûrement de lever le voile sur un mystère qui n'est plus
très épais car cette paternité tenue pour vraie peut être
cernée par des détails, soit tirés de la tradition orale,
soit de l'un des prénoms de l'intéressé. En 1991, mademoi-
selle Yolande Bloncourt nous confiait que, enfant,
lorsqu'elle accompagnait sa mère au cimetière de Pointe-à
Pitre, celle-ci attirait affectueusement son attention sur
un buste-effigie érigé là, en lui précisant qu'il "repré-
sentait la famille de notre ancêtre".
(Cette même année, nous avons parcouru vainement ce cime-
tière. Vers quelle décharge ce buste ou stèle en déshé-
rence fut-il acheminé ?...)
Le prénom, Vicomte, retient l'attention car, hier
comme aujourd'hui, il ne nous semble pas avoir jamais eu
cours dans l'Ile. Par contre, Vicomte, dans la hiérarchie
nobiliaire est un titre de noblesse immédiatement infé-
rieur à celui de comte, et porté par les fils cadets du
comte et leurs descendants. Nous pouvons avancer cette
hypothèse : n'était-ce pas, pour la génitrice, une manière
codée de reconnaître une paternité, à tout le moins de la
suggérer ?
Dans une de ses chroniques littéraires de la "Revue du
Monde Colonial", (1864 Tome XII) "l'Edilité parisienne et
les Colonies françaises" p. 230-236, celui qui deviendra
tout uniment Melvil-Bloncourt, s'étonne de ne pas décou-
vrir aux façades des rues parisiennes les noms de ceux qui
ont été les grands serviteurs de l'Empire colonial
français; il cite, par exemple "l'Olive, le fondateur de
la Guadeloupe (1635), de Moyencourt, de Nolivos, deux
gouverneurs éminents de cette colonie" (p. 235).
N'était-ce pas, là aussi, façon de rendre un hommage
indirect à son aïeul ? Cette origine paternelle (presti-
gieuse et aisée) de Melville, Sainte-Suzanne, Vicomte,
Bloncourt nous permet également de mieux comprendre,
comment lui, jeune guadeloupéen de couleur, a pu pour-
suivre des études à Paris au Lycée Louis-le-Grand. En
effet ce ne sont pas les modestes revenus financiers de sa
mère qui lui auraient permis de payer son voyage, son
trousseau et ses études.
A Paris : l'étudiant militant
Dès lors, Melvil-Bloncourt commencera à battre le
pavé parisien, pour le meilleur et pour le pire. Avant
d'être l'homme politique de premier plan, et l'homme de
culture respecté qu'il fut, étudiant il se fit remarquer
par son militantisme. Un exemple, ce courrier adressé à J.
B. Delutre (ou Delatre) recueilli par Jules Clarétie pour
son "Liber Libro", parmi d'autres autographes.
Paris, le 19 avril 1866
Mon cher Concitoyen
J'ai l'honneur de vous adresser ci-inclus deux exem-
plaires de la liste de souscription pour les Affranchis
des Etats-Unis d'Amérique. Je vous serai fort obligé de
vouloir bien en remettre un pour moi à M. Marais quand
vous aurez l'occasion de le voir.
Veuillez mon cher Concitoyen, etc.
Cette souscription avait été ouverte dès 1865 par
Melvil-Bloncourt lui-même qui avait commencé son droit en
1845 et fondé, avec Ferdinand Gambion, Le "Journal des
Ecoles", organe radical de la jeunesse démocratique;
Il est également un des fondateurs de la "Conférence
Montesquieu" (1846) où se discutaient les questions de
législation et d'économie sociale. Il fut nommé en 1848
commissaire du Banquet des Ecoles à la tête duquel se
trouvaient Lamartine et Ledru-Rollin. Il semblerait qu'au
terme de son cursus scolaire il ait obtenu le grade
d'avocat.
("Nos députés à l'Assemblée Nationale", A-V Clerc, in 18°,
1872).
En 1850, il entreprit la publication de la "France
parlementaire, encyclopédie de la tribune française, de
1789 à nos jours". En voici la raison : "l'une des
conditions essentielles pour former l'éducation politique
dans le temps où nous vivons et pour édifier l'opinion sur
les grandes questions dont notre génération est préoc-
cupée, est de connaître la grande lutte parlementaire qui
a présidé aux institutions qui nous régissent; cette lutte
a cependant été laissée dans l'ombre; de là une immense
lacune dans l'histoire".
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