G.H.C. Bulletin 91 : Mars 1997 Page 1898

MELVIL-BLONCOURT le communard marie-galantais ?
Willy Alante-Lima

A ma mère, en hommage à ses 90 soleils,
lui souhaitant, selon notre locution familière,
de tenir la cape encore longtemps.

A feue Mademoiselle Yolande Bloncourt,
A Monsieur Gaston Bloncourt.

    Melvil-Bloncourt fut une des grandes figures intellec- 
tuelles parisiennes de la seconde moitié du XIXe siècle.
    Le 12 novembre 1880,  un  billet  du  "Petit-Parisien"
annonçait : "Un homme de coeur, un courageux soldat de  la
démocratie, un  savant  est  mort  avant-hier  à  Paris  :
Melvil-Bloncourt."
L'échotier voulait sans doute dire, un érudit.
Pour mieux situer celui-ci, nommons simplement  ses  pairs
et amis  :  Charles  Baudelaire,  le  photographe  Etienne
Carjat, Alphonse Daudet l'indicible traître (nous  verrons
plus loin pourquoi), Alfred Delvau,  Delescluze,  Cluseret
premier délégué à la guerre de  la  Commune,  le  comédien
Martel de la Comédie française, l'écrivain  Henri  Murger,
Félix Pyat, Alexandre Privat d'Anglemont son  compatriote,
le fidèle Nadar, Elisée Reclus l'écrivain-géographe, selon 
la terminologie de l'autorité militaire, Victor Schoelcher 
le  parjure  (nous  verrons   aussi   pourquoi),   Antonio
Watripon, poète et compagnon de plume.  Pour  ses  admira-
tions, citons son maître durant trois années au Collège de 
France, Edgard Quinet, et, le premier de tous, Voltaire et 
son Siècle.

     Voici, de Jules  Levallois,  mémorialiste  sagace  et
mesuré, un  proche,  son  témoignage  des  liens  qui  les
unissaient à Charles Baudelaire : "Quand il avait  composé
une nouvelle pièce de vers, il nous  réunissait  en  petit
cénacle, dans quelque crémerie de la rue  Saint-André  des
Arts ou dans quelque modeste  café  de  la  rue  Dauphine,
Melvil-Bloncourt, Antonio  Watripon,  Gabriel  Dentragues,
Alfred Delvau; je passais par-dessus  le  marché  en  tout
petit compagnon".

Sa naissance

   Où est né Melville, Sainte-Suzanne, Vicomte, Bloncourt, 
dit Melvil-Bloncourt ? 
Le lecteur s'interroge probablement à propos du  caractère
dubitatif ou interrogatif du titre de l'étude que nous lui 
consacrons. En rigueur, il  ne  peut  en  être  autrement.
Voici pourquoi et pour une double raison : celle  relevant
de l'état civil, et celle d'écrits communs.
     D'abord l'état civil : le 31 Juillet  1848,  Hortense
Bloncourt, âgée de 24 ans, fait enregistrer un jugement du 
tribunal de première instance de Pointe-à-Pitre,  daté  du
25 novembre 1847, faisant suite à une enquête demandée par 
Mme Creuillette Leblond "le tout sans aucuns frais à cause 
de l'état d'indigence dûment constaté", lui  donnant  acte
de la naissance, donc  de  l'existence,  de  cinq  enfants
Bloncourt, dont Melville (sic) le 5 juillet 1821 à  Pointe 
à-Pitre. Les dates de naissance des 5 enfants  entre  1813
et 1831 devaient être portées en marge  des  registres  de
l'état civil conservés au greffe. L'exemplaire sur  micro-
film se trouvant aux Archives nationales ne  porte  aucune
mention.

     Dans les documents que nous avons  pu  compulser  par
ailleurs, si le lieu de naissance demeure le même  (à  une
exception près) les dates divergent : d'après le "Diction- 
naire des contemporains" de Vapereau (1873)  c'est  le  23
octobre 1825;  le  "Dictionnaire  des  Parlementaires"  de
Robert Bourloton et Cougny donne le 23 novembre  1823,  et
une enquête de police le 23 octobre 1823.
Un rapport, (cote 105) transmis  à  la  première  division
militaire, précise : "Son état civil n'a pu  être  indiqué
d'une façon authentique, l'extrait de casier  le  mention-
nant tout simplement sous le nom  de  Melvil-Bloncourt  et
les recherches faites aux  bureaux  de  la  Chambre  ainsi
qu'au ministère de la Justice n'ayant permis de  découvrir
aucun renseignement officiel à cet égard."

     La vérité, à notre avis, se  trouve  chez  le  Guade-
loupéen, Oruno Lara, dans son livre  "La  Guadeloupe  dans
l'Histoire". Pourquoi ?  Pour  deux  raisons  également  :
Oruno Lara, né  en  1879,  a  dû  posséder  des  documents
probants, ou apprendre par la commune Renommée, le lieu de 
naissance exact de celui à qui il a consacré un très  long
article.  Il  écrit  "Melvil-Bloncourt  né  à  Grand-Bourg
(Marie-Galante), en 1825, était venu fort jeune  à  Paris,
où il fit ses études".
Ajoutons à ceci, pour conforter notre intuition, que, vers 
1919, Oruno Lara se liait d'amitié  avec  Max  Clainville-
Bloncourt,  neveu  de  Melvil-Bloncourt.  Il  termine  son
ouvrage en 1921. On peut supposer qu'Oruno Lara,  pointois
lui-même, n'avait  aucun  intérêt  à  privilégier   Marie-
Galante.

     Voici encore qui pourrait subsidiairement, corroborer 
notre sentiment sur la validité de sa déclaration :
"Pendant ses  quelques  années  de  législature,   Melvil-
Bloncourt trouva moyen de doter la ville de Pointe-à-Pitre 
d'une  bibliothèque  communale,  par  l'envoi  de   livres
obtenus du ministère  de  l'Instruction  publique  et  des
Beaux-Arts. Il fit de même pour la commune de Saint-Louis, 
Marie-Galante" (p. 272).
    Cette ultime précision nous porte à croire que Melvil 
Bloncourt  devait avoir  des  liens  privilégiés  avec  le
maire et conseiller général,  Monsieur  Raiffer,  ou  tout
simplement avec l'île de Marie-Galante,  en  leur  rendant
ainsi hommage à sa manière. Le prénom d'un de ses  frères,
Saint-Louis, évoque au surplus le nom  de  cette  commune.
C'est dire que l'ampliation déjà évoquée est à  considérer
avec beaucoup de réserves, car la liste des enfants qui  y
figurent serait incomplète. Les frères et soeurs Bloncourt 
furent au nombre de dix. Ce  sont  :  Octave  (1807),  Zoé
(1808), Plaisir (1812?), Irène (1813), Saint-Louis (1815), 
Melfort (1817), Melville (1821), Hortense (1823), Clermont 
ou Clairmont (1825), Clainville (1829).
Notre parti pris semble donc fondé.

Origine du patronyme

     Il s'agit d'éclaircir à présent, une seconde interro- 
gation : le patronyme bicéphale adopté,  MELVIL-BLONCOURT.
D'où vient le choix de ce  tandem  patronymique  considéré
comme le patronyme  véritable  de  celui  qui  en  a  fait
élection ? L'extrait  du  rapport  déjà  cité  (cote  105)
adressé à la première division militaire peut en permettre 


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Révision 20/01/2005