G.H.C. Bulletin 88 : Décembre 1996 Page 1802
R E L A T I O N


DE L'ESTABLISSEMENT
DES FRANCOIS

depuis l'an 1635

EN L'ISLE DE LA MARTINIQUE

l'une des Antilles de l'Amérique.
Des meurs des Sauvages; de la situation, et des
autres singularitez de l'isle.

A MESSIEURS

DE LA COMPAGNIE
des isles de l'Amerique.
   M E S S I E U R S,

     Depuis le temps que je fis dessein, à  la  gloire  de
Dieu, de vous servir aux fonctions de ma  profession  dans
l'une de vos isles de l'Amerique,  j'ay  creu  vous  estre
tellement acquis, que  je  ne  devrois  rien  desirer,  et
procurer plus ardemment, que vostre contentement et satis-
faction en l'assistance que je rendrois à vos subjets pour
leur salut. C'est à cette fin que j'ay rapporté ce peu que
j'ay taché de faire par delà durant quelques mois; C'est à
ce dessein que j'ay repassé les mers; que je suis icy;  et
que j'ay pris resolution de  donner  au  public  ce  petit
narré sous vostre nom. Je ne le puis presenter à  d'autres
sans préjudicier à vos droicts; et comme  il  est  tout  à
vous, j'espère aussi qu'il  recevra  de  vous  un  accueil
favorable. On cognoistra bien à son langage qu'il vient du
pays des Sauvages, puis qu'il ne parle pas beaucoup  mieux
françois  qu'eux;  mais  neantmoins,  tel  qu'il  est,  il
pretend paroistre pour vostre service; desabusant ceux qui
ne peuvent croire qu'il y ait maintenant tant de  bien  en
cette isle, que  vos  soins  et  vostre  pieté  y  en  ont
procuré, et tant d'esperance qu'il croisse à l'advenir  au
poinct qu'il croistra, Dieu aydant, par les mesmes  moyens
qui luy ont donné commencement. S'il fait voir ces veritez
aux ignorans, il croira  avoir  fait  quelque  chose  pour
vostre service; puis qu'il vous est important qu'on  sache
que vous avez tant fait par le passé, et voulez tant faire
par cy apres en ces pays, que ceux qui les  décrient  pour
n'y avoir pas trouvé  leur compte, ne les blament  pas  si
justement, qu'on peut  et  doit  blamer  leurs  fautes  et
malversations, veritables causes du  desordre  où  ils  se
trouvent. Il vous est aussi important que les autres qui y
veulent aller, apprennent qu'ils peuvent  avec  raison  se
promettre ce qu'ils peuvent legitimement desirer pour leur
profit et  spirituel  et  temporel.  Que  si  j'ay  marqué
quelques defauts et necessitez, comme  les  choses  de  ce
monde n'ont pas toutes leur perfection dans  leur  commen-
cement, c'est pour  faire  voir  combien  vous  acquererez
d'obligations sur les habitans de ces  isles,   continuant
d'employer tant de soins, et faire tant de  despense  pour
les mettre à leur aise : Et que  pour  moy,  puis  que  je
prends, comme je dois, tant de part à leurs interests,  je
demeureray aussi obligé de vous estre toute ma vie,       

 M E S S I E U R S,
                       Tres-humble et obéïssant serviteur,
                             JACQUES BOUTON, de la
                                 Compagnie de JESUS.

                Per mission du R.P. Provincial.

     Je JACQUES DINET Provincial de la Compagnie de  JESUS
en la Province de France : Suivant le privilege qui nous a
esté octroyé par les Roys Tres-Chrestiens  Henry  III.  le
20. Mai 1583. Henry IV. le 10.  Decembre  1605.  et  Louys
XIII. à present regnant, le 14. Fevrier 1612.  par  lequel
il est defendu à tous Libraires d'imprimer aucun livre  de
ceux  qui  sont  composez  par  quelqu'un  de   nostredite
Compagnie sans permission des Superieurs d'icelle. Permets
à SEBASTIEN CRAMOISY Marchand Libraire et imprimeur  ordi-
naire du Roy en la ville de  Paris,  de  pouvoir  imprimer
pour X ans,  la Relation de l'establissement des  françois
depuis l'an 1635 en l'isle de la Martinique,  qui m'a esté
envoyée par le R.P. BOUTON, de nostre mesme compagnie.    
En Foy dequoy  j'ay  signé la présente. A Tours ce 6. jour
d'octobre 1640.
                              JACQUES DINET

TABLE DES CHAPITRES
contenus en ce livre.

Nostre embarquement, et les dangers que nous           
courûmes sur mer.                            Chap.I page 1
De la situation de l'isle de la Martinique.  Chap.II    27
Entrée et establissement des François en cette isle.      
                                             Chap.III   34
Des commoditez que l'isle peut fournir.      Chap.IV    43
Continuation du mesme sujet, des commoditez de l'isle.    
                                             Chap. V    58
Des choses de cette isle qu'on peut transporter ailleurs. 
                                             Chap. VI   80
Incommoditez de l'isle.                      Chap.VII   88
Des François qui habitent l'isle, et des Nègres esclaves. 
                                             Chap.VIII  95
Des sauvages du pays nommez Caraïbes.        Chap.IX   105
Continuation du mesme sujet des Sauvages.    Chap. X   120
Du fruict spirituel qu'on peut esperer de cette isle.     
                                             Chap. XI  130


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Révision 28/12/2004