G.H.C. Bulletin 87 : Novembre 1996 Page 1787

Pedro LABATUT, général de l'armée brésilienne

chirurgien de 3ème  classe  des  armées  françaises,  fait
prisonnier à la bataille de Baillem  (=  Bailén)  sous  le
commandement du général DUPONT... Le marché que j'ai passé 
avec  ledit  capitaine  pour  l'enlèvement  de  nos   deux
personnes est de 300 gourdes (9) sur laquelle somme je lui 
ai compté d'avance et de mes fonds celle de  132  gourdes,
de sorte, monsieur, qu'il ne  lui  revient  que  celle  de
cent-soixante-huit gourdes et la bienveillance du  courage
qu'il a déployé pour nous soustraire à la tyrannie  anglo-
mane (sic) et espagnole. Monsieur, en fixant  mes  regards
sur ce territoire, je ne doutais nullement des secours que 
j'avais  droit  d'en  attendre  des  représentants  de  Sa
Majesté Impériale et Royale  Je vous prie de nous assigner 
ceux qu'il est en notre pouvoir de nous fixer  jusqu'à  ce
que nous puissions rejoindre nos corps respectifs. Avec la 
plus haute considération (10)".
En outre, en aparté, LABATUT confie au  vice-consul  qu'il
était "par alliance cousin du maréchal Masséna" (11).

   Avant de s'exécuter cependant, le vice-consul, toujours 
circonspect, demande  à  son  supérieur  hiérarchique,  M.
ARCAMBAL, consul général de France près les États-Unis, en 
résidence à Baltimore, "ses sages instructions". Celles-ci 
arrivent fin août. "Il est on ne peut plus juste que  nous
venions au secours de  M.  LABATUT  et  de  son  compagnon
d'infortune". Et M. ARCAMBAL de fixer des sommes à ne  pas
dépasser mais qui doivent satisfaire  tout  le  monde.  Il
serait bon, et même essentiel, précise le consul  général,
que M.  LABATUT  et  son  compagnon  s'embarquent  sur  le
"Catherine Ray" qui doit appareiller de New-York le dix de 
septembre. Il ne resta plus au vice-consul de Philadelphie 
qu'à régler à chacun, le capitaine américain et  les  deux
officiers français, son dû pour un total de 429 dollars 91 
cents (10).
     Hélas, la réponse du Ministère de la  Guerre  arriva,
péremptoire : "Il n'a point existé  et  il  n'existe  dans
l'artillerie aucun officier du nom de LABATUT" (12).

     Nous avons, d'autre part, grâce  à  la  diligence  de
Pierre Baudrier,  le dossier militaire  d'Augustin  ANDRÉ.
Augustin ANDRÉ, débarqué à Lorient le 20 octobre  1810  du
navire américain "Catharina Rey", était  chirurgien  major
au 2ème régiment  d'artillerie  à  pied  envoyé  à  Saint-
Domingue,  puis  "dissous  avant  l'évacuation".  Augustin
ANDRÉ SE serait alors réfugié de  Saint-Domingue  à  Cuba,
serait passé de là aux  États-Unis,  d'où  son  retour  en
France le 20 octobre 1810.  Une  version  postérieure  des
états de services du même propose un itinéraire différent. 
Le sieur ANDRÉ, attaché le  4  mars  1808  en  qualité  de
chirurgien (sous-aide ?) au corps d'observation des  côtes
de l'Océan, a été ensuite  employé  à  l'ambulance  de  la
cavalerie légère du 1er  corps;  a  été  suspendu  de  ses
fonctions, le 16  juillet  1809  et  a  eu  sa  commission
retirée par l'intendant général de l'armée d'Espagne.
Le 12 août 1809, le Ministre a prononcé, sur plaintes,  le
licenciement de cet officier de santé (10).
Vu ces rapports de l'autorité militaire, le récit fait par 
Pierre LABATUT ne devient-il pas sujet à caution ?

6. Pedro LABATUT et la Légion d'honneur
     Selon  ses biographes brésiliens (13),  Pedro LABATUT 
portait  l'insigne  de la Légion d'honneur  et  d'ailleurs 
deux médailles figurent à l'inventaire  des  biens  de  sa
succession en 1849 (2). Cependant, aucun décoré de ce  nom
ne se trouve dans "Fastes de la Légion d'honneur" (14).

7. Petit intermède, de 1808 à 1812
     Peut-être n'est-il pas superflu de rappeler ici  que,
quelques semaines avant le moment où Pierre  LABATUT  nous
dit être capturé par les Espagnols  et  entamer  ses  deux
années de captivité à Cadix,  Murat  "d'après  les  ordres
secrets de son maître, fit embarquer (à  Bayonne  ?)  cent
cinquante grenadiers d'élite avec  un  colonel,  un  grand
nombre d'officiers de plusieurs armes, mais principalement 
d'artillerie. Ce détachement débarqua à Laguaira. 
"Napoléon arrivé à Bayonne, fit partir de cette ville pour 
Laguaira un brick armé  "le  Serpent"  dont  le  capitaine
était porteur d'instructions secrètes,  de  proclamations,
etc. pour le capitaine général don Juan de CASAS (15).
     Voilà, en tout cas, qui nous conduit au Venezuela.

8. Premières aventures venezueliennes (1811-1812 ?)
     Francisco MIRANDA, "El Precursor", dès sa  nomination
comme général en chef  des  armées  de  la  République  du
Venezuela avait procédé au recrutement d'officiers  merce-
naires dans les Antilles françaises  et  anglaises  "C'est
ainsi que s'intégra dans ces armées Sir Gregor McGregor... 
Il y eut aussi des Français : du CAYLA,  LABATUT,  Raphaël
CHATILLON, etc. (16)

9. La reddition de La Guayra (31 juillet 1812)
     Lors de la prise de "La Guayra", le 31 juillet  1812,
au cours de laquelle Francisco MIRANDA fut fait prisonnier 
par les Espagnols, Pierre LABATUT, nous dit-on, réussit  à
s'échapper : selon Larrazabal (17), cité par Jules Mancini 
(18), "Pierre LABATUT, ex-capitaine de la Garde  impériale
au service du  Venezuela,  parvint  à  s'échapper  de  "La
Guayra" le 31 juillet 1812 sur  une  petite  goélette  "La
Mathilde" commandée par l'ancien timonier  de   la  marine
française, CHATAING (...) En septembre 1812, à Carthagène, 
Pierre LABATUT prend le commandement  des  milices  de  la
ville..." (18)

10. Aventures  colombiennes : de Carthagène à Santa-Marta 
    (novembre 1812 - mars 1813).
     Novembre 1812. Après avoir organisé une flottille  de
galiotes, canonnières, Pierre LABATUT, qui avait été nommé 
commandant-en-chef des milices de la ville par le  gouver-
nement de Carthagène, se rend maître de la navigation  sur
le bas Magdalena (18). Bolivar, dont le grade  de  colonel
avait été confirmé, se trouve donc placé sous  les  ordres
de LABATUT, commandant-en-chef. Bolivar  ne  tarde  pas  à
passer outre aux ordres de LABATUT et ce, notamment,  lors
des opérations de Ténériffe et Mompox (décembre 1812).
"LABATUT fut assez mal venu de réclamer la  traduction  de
Bolivar devant un  conseil  de  guerre.  Le  Président  du
gouvernement de Carthagène, Manuel TORRUES, qui peu  aupa-
ravant avait élevé au grade de colonel Bolivar à  l'insti-
gation de Pierre LABATUT (15), fit la sourde oreille,  et,
envoyant ses  félicitations  au  vainqueur  (Bolivar),  le
releva de sa subordination à l'officier français (16).
Allant de victoire en victoire,  Pierre  LABATUT  s'empara
enfin de la ville de Santa Marta dont il fut nommé gouver- 
neur. Le peuple se soulève. Le 13 mars  1813  il  se  voit


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