G.H.C. Bulletin 87 : Novembre 1996 Page 1788
Pedro LABATUT, général de l'armée brésilienne
contraint de fuir et d'abandonner la cité. En conséquence
de quoi, il est déchu de son commandement et exilé aux
Antilles où il résida trois ou quatre ans." (18).
11. Pierre LABATUT et les Antilles ? (1813-1815)
Pierre LABATUT ne partit pas les mains vides. Le
gouvernement de Nouvelle-Grenade du Golfe du Mexique lui
avait attribué pour services rendus "hua pensáo vitalicia"
(une pension à vie mensuelle) "de cem pezos fortes",
pension qui lui fut servie jusqu'en 1815, précise-t-il
dans son testament de 1849 (2). On peut penser que le
paiement de cette pension de 1813 à 1815 correspond au
séjour de Pierre LABATUT aux Antilles. Il reste à trouver
des traces de ce séjour.
Reprenons Jules Mancini (18) : "Labatut résida trois
ou quatre ans aux Antilles, puis il revint en France où il
chercha vainement à reprendre du service. Il partit
ensuite pour le Brésil".
12. Pierre LABATUT à Paris (juillet-août 1815)
Claire LABATUT, épouse de Pierre, est à Bordeaux.
Elle réside rue Sainte-Thérèse au no.3. Le 18 novembre
1815, elle écrit - enfin fait écrire - au Ministre secré-
taire d'Etat de la Guerre la lettre suivante qui mérite
d'être lue in extenso pour les détails qu'elle fournit.
A son Excellence le Ministre Secrétaire d'État de la
Guerre
"Monseigneur,
Daignez pardonner à une épouse désolée la liberté qu'elle
prend d'écrire à votre Excellence pour lui demander des
enseignements sur son mari, le sieur Pierre LABATUT, natif
de Cannes, département du Var (sic), âgé de 37 ans,
colonel, officier de la Légion d'Honneur. Chargé d'une
mission importante dans les colonies espagnoles, il se
rendit à Paris en juillet dernier pour rendre compte au
Roi du résultat de son voyage et solliciter de ses bontés
la continuation de son grade dans la nouvelle organisation
de l'armée, ainsi que le payement de cinq années d'appoin-
tements qui lui sont dus. Dans sa dernière lettre en date
du 22 août, il disait : "Je dois revenir chez le Ministre
de la Guerre pour obtenir une prompte décision sur l'objet
de ma demande".
Depuis lors, il n'a plus écrit et il a été impossible
d'apprendre de ses nouvelles... Incertaine s'il existe
encore, son infortunée épouse vient supplier Votre Excel-
lence de vouloir bien faire faire dans ses bureaux des
recherches qui la fixent sur le sort de son malheureux
époux. Ne craignez pas de le lui apprendre quel qu'il
soit, Monseigneur. Sa qualité d'épouse, de mère de deux
enfants et votre humanité lui donnent lieu d'espérer une
prompte réponse.
En attendant cette faveur, elle est avec le plus profond
respect, Monseigneur, de votre Excellence, la très humble
et très obéissante servante".
Signé : Clairine LABATUT (12)
Si les détails de la lettre de "Clairine" LABATUT
sont le reflet de l'exacte vérité ("colonel", "légion
d'honneur", "chargé d'une mission aux Amériques"), le
Ministère de la guerre devrait aisément reconnaître Pierre
LABATUT comme l'un des siens, ce qui n'est pas le cas. La
lettre est chargée de notes marginales : "Inconnu dans nos
papiers", "c'est peut-être un officier d'État-major"... En
définitive, selon une autre note marginale, nous apprenons
que l'on répondit à Clairine LABATUT le 29 décembre 1815
qu'il fallait qu'elle fasse mieux connaître son mari...
A moins d'imaginer que quelques cartons jugés compro-
mettants ont été vidés de leur contenu ou bien l'exis-
tence de quelque dossier encore non mis à jour, il reste à
suggérer que Clairine fusse, elle aussi, comme les autres,
victime des impostures de son charlatan d'époux. Dans ce
cas, Pierre LABATUT aurait été à Paris en juillet/août
1815 pour d'autres raisons que celles qu'il disait...
Quoi qu'il en soit,les deux époux furent peu après réunis
car, rappelons-le, ils eurent quatre enfants et non deux !
13. Passage à Madrid (février 1816)
En février 1816, Pierre LABATUT réapparaît à Madrid.
Selon une lettre du Prince de LAVAL-MONTMORENCY, ambas-
sadeur de France à Madrid, adressée au duc de FELTRE,
ministre de la Guerre de la Restauration, "un M. LABATUT,
français, natif de Cannes (Var) s'est présenté à l'ambas-
sade. Il s'est présenté sous le titre et avec l'uniforme
de colonel attaché à l'Etat-major général de l'armée, et
en cette qualité il a réclamé les moyens de se rendre en
France. L'Ambassadeur ajoute : "La misère qu'il étalait
dans cette capitale, les égards dus à son grade m'ont
engagé à lui procurer une feuille de route du gouvernement
espagnol et à lui avancer 840 réaux (210 francs) tant pour
subsister ici pendant quelques jours que pour se rendre en
France... L'irrégularité de ses papiers, la variation de
ses projets contradictoires avec ses passeports, toutes
les inconséquences de sa conduite m'ont déterminé à lui
enjoindre de se présenter au général commandant à Bayonne"
(12).
La copie de cette lettre qui est citée par Herman Neeser
(13) porte en note marginale la formule traditionnelle que
LABATUT n'est pas connu des services du Ministère.
14. L'intermède de Haïti (septembre-décembre 1816)
Il faut placer ici le séjour de Pierre LABATUT à
Haïti et redire à cette occasion combien ce résumé doit à
Pierre Baudrier,
qui a mis à jour tant de références sur
notre héros, et notamment celles qui se trouvent dans les
deux ouvrages suivants :
a) VERNA Paul, Robert Sutherland, un amigo de Bolivar en
Haïti, Caracas, 1966 (GHC p. 1429) (19)
b) VERNA Paul, Petión y Bolivar : una etapa decisiva en la
emancipación de Hispanoamérica (1790-1830), Caracas, 3a.
Ed., 1980 (20).
Dans ce dernier ouvrage, Paul VERNA met en doute
l'information selon laquelle "le général Labatut serait
arrivé (fin 1816) à Port-au-Prince, venant de New-York,
avec trois goélettes chargées d'environ 3.000 fusils et de
poudre, pour joindre ses forces à celles du général
Bolivar et de l'amiral Brion". Il confirme bien,
cependant, la présence du colonel LABATUT à Port-au-Prince
en 1816, se donnant totalement à la réalisation de son
projet à lui, d'invasion de la Nouvelle-Grenade, et
profitant en même temps de l'hospitalité et aide amicale
de l'Anglais Robert SUTHERLAND, avec bien d'autres tels
que BOLIVAR, MacGREGOR, SOUBLETTE... Il semble qu'en cette
Page suivante
Retour au sommaire
Révision 28/12/2004