G.H.C. Bulletin 87 : Novembre 1996 Page 1786
Pedro LABATUT, général de l'armée brésilienne
(1776-1849)
André Labatut
"Eu Pedro Labatut, Marechal de Campo do Imperial Exercito
do Brazil, natural de França e subdito brasileiro...".
Je ne suis pas le premier LABATUT qui ait cherché à
en savoir plus sur cet homonyme apparemment hors du
commun. Dans le passé, des LABATUT, capitaines au long
cours faisant escale à Salvador-de-Bahia, avaient été
intrigués par ce Pedro LABATUT, "héros national du pays
décédé en 1849". D'autres LABATUT poussèrent leurs inves-
tigations mais plus prudemment, sous un nom de plume, car
sait-on jamais ? Et en effet, le seul LABATUT présent au
début du XIXème siècle dans les registres matricules de
l'armée française s'avéra être un Pierre LABATUT,
lieutenant d'infanterie, "ivrogne et crapuleux". Puis il y
eut plus, les enquêtes officielles, demandées par les
autorités civiles et militaires brésiliennes. Rien n'y
fit : de Pedro LABATUT, avant son arrivée à Rio-de-Janeiro
en 1821, on ne savait rien d'officiel, ou si peu.
Aux lecteurs de GHC, je livre sur le personnage ces
informations recueillies grâce au concours d'Auguste M.
Cardozo, bibliothécaire de l'Instituto geográfico e histó-
rico da Bahia, et surtout de Pierre Baudrier, de Paris,
qui a beaucoup contribué à ce dossier et rassemblé une
abondante bibliographie, et que je remercie très vivement
de l'aide qu'ils m'ont apportée.
Ce Pierre LABATUT fut-il un officier de l'armée
napoléonienne, sorte d'agent provocateur, chargé à
l'occasion de missions plus ou moins secrètes aux Amé-
riques notamment, ou bien quelque aventurier mythomane
amoureux d'uniformes et de décorations ? Mais alors, d'où
tenait-il sa science militaire ?
1. Identité (1776-1849)
Pierre LABATUT
o Cannes (1) 18 b 21 11 1776, de sieur Antoine LABATUT,
bourgeois, et de demoiselle Geneviève ALLEGRE, son
épouse
x Marie Christine Ursule Claire MONTAGNIER (MONTAGNON ?)
2. Ses enfants légitimes
(au décès du père en 1849) (2) :
- Marie Conception (qui dit avoir 22 ans en 1835),
religieuse au Monastère de la Visitation à Marseille
(Soeur Emmanuelle LABATUT) (3)
o ca 1813 + Monastère de Tarascon 1887
- Emmanuelle x GIRARD
- Isabelle x Ursule SAISSE
- Emmanuel Antoine, célibataire, sujet brésilien.
Négociant à Salvador-de-Bahia en 1849 (cf. correspon-
dances consulaires) (4)
3. Une fille naturelle
- Januaria Constança
o Rio-de-Janeiro, ca. 1840
x un capitaine de l'armée brésilienne (2)
4. Passage à Corfou et Malte (1807-1808)
Pierre LABATUT a très peu écrit (5), et apparemment
rien sur ses campagnes napoléoniennes, mises à part une
lettre qu'on lira plus loin et la remarque ci-après :
"Sendo aprizionado em 1807 pela Fragata Ingleza "l'Unité".
Fait prisonnier en 1807 par la frégate anglaise "l'Unité",
alors que je retournais à Paris après le Traité de
Tilsitt, je fus traité tel un officier supérieur, avec
grande considération par l'amiral Alexandre BAL, gouver-
neur de l'Ile de Malte; ma parole d'honneur fut ma propre
prison dans ces lieux et ayant donné ma parole de ne pas
reprendre les armes pendant une durée d'un an, je fus
reconduit à Paris (6).
Le rapport de l'amirauté britannique est moins lyrique :
"Le 26 octobre 1807 fut capturé par la frégate H.M.S.
"Unité" (40 canons) au large de Corfou, à bord d'une
chaloupe, Pierre LABATUT enseigne de vaisseau". Prisonnier
sous le numéro 2788, ce dernier fut pris en charge par les
autorités à Malte le 25 décembre 1807, puis embarqué le 9
mars 1808 sur le transport de troupes "Constantine" à
destination de l'Angleterre (7).
Comme l'histoire de Pierre LABATUT n'est jamais simple,
on s'étonnera peu de ce que le livre de bord de la frégate
anglaise "Unité", fureteuse des côtes de l'Adriatique en
1807, fournisse quelques détails différents : "Capture
vers midi le dimanche 25 octobre (et non le 26) d'un
officier français et de cinq hommes d'équipage, à bord
d'un "trabaccolo" (caboteur à voile de l'Adriatique)".
Selon le "rôle d'équipage" de la frégate, cet officier
français a dit se nommer "Georges O. PAULE". Retenu
prisonnier à bord jusqu'au 24-25 décembre, il fut livré
par le capitaine de H.M.S. "Unité" aux autorités de Malte
sous le nom de "Peter LABATUT" (8), alias G.O. PAULE.
Quant à l'Amirauté française, on doute qu'elle détienne
dans ses archives un dossier sur Pierre LABATUT, enseigne
de vaisseau en 1807.
5. Passage à Philadelphie (fin août 1810)
Le 22 août 1810 se présente devant DOUZY, le vice-
consul de France à Philadelphie, un sieur Pierre LABATUT
que seuls ses prétentions à un grade élevé dans l'armée
française, son goût des médailles et de la fabulation,
permettent d'identifier à notre héros. Ce Pierre LABATUT
vient solliciter une aide pécuniaire pour rentrer en
France et rejoindre son corps militaire. Avis , le vice-
consul demande à LABATUT de rédiger une lettre "offi-
cielle" pour dépeindre sa situation.
Voici l'essentiel de cette lettre :
Pierre LABATUT, chef d'escadron du 2ème régiment d'artil-
lerie légère, aide-de-camp du maréchal Masséna et officier
de la Légion d'honneur, à Monsieur le Consul français à la
Résidence de Philadelphie.
"... Le 14 juin 1808, je fus fait prisonnier à Cadix par
les Insurgés espagnols... (Le) 26 de juin dernier, ayant
fait un nouvel effort pour m'épargner les menaces révol-
tantes dont l'ennemi nous accablait gaiement, en nous
faisant part du dessein où ils étaient de nous envoyer aux
mines d'Amérique, je suis parvenu, à l'aide du sieur
FURLEY, capitaine commandant le Brig "l'Eliza", de Phila-
delphie, à me soustraire aux angoisses des prisons
pénibles et humiliantes où ils (sic) tiennent renfermés
indistinctement tous ceux que le sort de la guerre fait
tomber en leurs mains... Je dois vous avertir, monsieur le
Consul, que j'ai aussi sauvé avec moi M. Augustin ANDRèS,
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