G.H.C. Bulletin 86 : Octobre 1996 Page 1748

Les églises, lieux de sépulture
Daniel-Édouard Marie-Sainte

     "Le 9 janvier 1690, j'ai enterré sous le premier banc 
du côté de l'autel à main gauche en entrant dans l'église, 
M. Charles DUPONT, âgé d'environ trente ans,  mort  de  la
verette après avoir confessé".

     "Le 22 décembre 1691, j'ai enterré Pierre DUFAUD, âgé 
d'environ neuf mois, dans notre église  sous  le  banc  du
sieur Jean DUFAUD son père".

     "Le 6 novembre 1695, j'ai enterré dans  notre  église
et dans son tombeau qui est tout au devant de la  chapelle
du Saint-Rozaine, Mlle (1) Marie MOLLARD,  veuve  âgée  de
cinquante deux ans".

     Depuis la construction  vers  1675,  par  les  frères
prêcheurs, de la  nouvelle  église  de  la  Capesterre  en
Guadeloupe, et jusqu'à l'année 1710 où portent mes  inves-
tigations, 49 actes de sépulture mentionnent explicitement 
l'inhumation  d'hommes,   de   femmes   et   d'enfants   à
l'intérieur de l'édifice religieux, sous les  bancs,  dans
la nef, au pied des degrés du sanctuaire et dans les  deux
chapelles faisant la croisée...
     J'ai aussi consulté les registres de la paroisse  des
Vieux-Habitants  où,  de  1712  à  1724,  75  corps   tant
d'adultes que d'enfants furent inhumés dans l'église, soit 
quatre à cinq décédés sur dix.
     Pareilles sépultures données à des personnes  n'ayant
pas eu forcément rang notoire dans la  société,  comme  on
pourrait le croire, se poursuivent  ainsi  jusqu'en  1753.
Cette année-là  un  premier  règlement  fut  pris  portant
défense d'inhumer des morts dans les églises eu égard  aux
dangers  et  inconvénients  qui  en  résultaient  sous  ce
climat.

     On peut alors remarquer  à  Capesterre  et  à  Vieux-
Habitants la fin d'une pratique,  ou  plutôt  une  volonté
très manifeste d'en limiter strictement l'usage à quelques 
rares notabilités. Ainsi, de  1753  à  1756,  l'église  de
Capesterre n'offrit le dernier repos  qu'à  trois  décédés
sur seize : une femme de 66 ans, un ancien  capitaine  des
troupes du détachement de la marine, et un  religieux,  le
R.P. Jean CLIMAQUE,  capucin,  curé  des  Vieux-Habitants,
mort des suites d'un vomissement  continuel.  L'église  de
Vieux-Habitants justement, dans cette même période, fut le 
tombeau de sept des soixante-trois personnes  ayant  rendu
l'âme à Dieu.

     Le 28 septembre 1767, une  ordonnance  du  gouverneur
NOLIVOS et de l'intendant de MOISSAC rappelait les  dispo-
sitions du règlement du 22 décembre 1753. "Son inexécution 
dans  quelques  paroisses  laisse  subsister   les   mêmes
dangers; la mauvaise odeur occasionnée par  la  corruption
des corps nouvellement enterrés, capable  de  nuire  à  la
santé; notre attention à prévenir,  autant  qu'il  est  en
nous, toutes espèces de contagion, pour en  préserver  les
Habitants, nous engage à renouveler les dispositions dudit 
Règlement, à lui  donner  une  nouvelle  publicité,  et  à
imposer des peines sévères, capables  d'empêcher  qu'on  y
contrevienne".
     Etaient donc faites très expresses défenses, à toutes 
personnes,  de  quelque  qualité  et  condition   qu'elles
soient, de faire inhumer dans les églises leurs parents ou 
alliés, et aux curés de permettre ou  souffrir  la  chose.
Néanmoins, ceux qui disposaient de titres de fondation  ou
de concession en  faveur  de  l'église,  de  la  paroisse,
pouvaient prétendre à ce privilège, à condition  qu'il  en
soit ainsi statué par un acte de l'Intendant, après  véri-
fication desdits titres.

     Mais voilà qu'une ordonnance du Roi prise un an  plus
tard, le 20 septembre 1768, vint réglementer avec moins de 
rigidité  cette  question,  et  accorder   aux   habitants
l'autorisation d'être enterrés dans les églises  moyennant
un droit au profit  de  la  fabrique.  "Sa  Majesté  étant
informée que la plupart  des  habitants  désiraient  avoir
leur sépulture dans les églises, elle a jugé convenable de 
leur  accorder  cette  distinction  en   la   restreignant
néanmoins à un très petit nombre à cause  du  mauvais  air
que  les  sépultures  trop  fréquentes  dans  les  églises
pourraient occasionner ..."

 Les personnes pouvant prétendre de droit à une inhumation 
dans une église étaient ainsi désignées :
le gouverneur  particulier,  le  commandant,  l'aide-major
général, l'ordonnateur, le procureur  général  du  conseil
supérieur, les conseillers titulaires et  honoraires,  les
juges et procureurs du roi, les curés des  paroisses,  les
commandants  et  majors   de   milices,   les   capitaines
commandants qui mourront dans leurs fonctions et dans leur 
paroisse. A l'égard des personnes n'ayant pas ces qualités 
et qui voudraient être enterrées dans les églises ou  pour
lesquelles la demande en serait faite par les familles, il 
fut  ordonné  qu'il  serait  payé  au  marguillier  de  la
paroisse, avant l'enterrement, et seulement pour  l'ouver-
ture de la fosse, 2.400 livres à la  Guadeloupe  et  1.500
livres à Marie-Galante.
     L'ordonnance spécifiait que de la chaux vive  jusqu'à
l'épaisseur d'un pied devait être jetée sur les corps.

    Il y eut en 1784 une histoire au sujet de l'inhumation 
dans l'église du Carmel, à Basse-Terre, "de messire Marie- 
Louis de MARTELLY CHANTARD, âgé de 49 ans,  brigadier  des
armées du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire  de
Saint-Louis, colonel du régiment de la  Guadeloupe,  natif
de Lauriol en Provence, diocèse de Toulon".

     Le 2 octobre 1784, cinq mois  très  exactement  après
l'enterrement de M.  de  MARTELLY,  le  gouverneur  CLUGNY
écrivait au ministre :
"L'ordonnance sur les  enterrements  qui  détermine  d'une
manière précise les places  dont  les  titulaires  ont  le
droit d'être enterrés dans les églises,  sans  payer  pour
l'ouverture  de  la  fosse,  ne  fait  nulle  mention  des
colonels des régiments  en  garnison  dans  les  colonies.
Cette  ordonnance  réserve  à  tous  les  particuliers  la
faculté de se faire enterrer dans l'église  en  payant  la
somme de 2.400 livres. M. de MARTELLY, colonel du régiment 
de la Guadeloupe, étant mort, ses parents voulurent  qu'il
fût enterré dans l'église,  sauf  à  payer  aux  religieux
Carmes la somme de 2.400 livres qu'ils demandaient.  M. de 
MARTELLY n'avait pas, en sa qualité de colonel,  le  droit
d'être enterré dans l'église sans payer les  2.400  livres
fixées par l'ordonnance. Nous  pensons,  Monseigneur,  que
les héritiers de M. de MARTELLY doivent payer la somme qui 


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