G.H.C. Bulletin 86 : Octobre 1996 Page 1746

A propos du "Champ d'Asile" et des Créoles

exploitants agricoles, de leurs schémas habituels. Certes, 
en France même, les  demi-soldes  se  sont  souvent  faits
paysans (environ la moitié  des  20.000),  mais  tous  les
autres, hormis le millier  qui  sombrera  dans  la  margi-
nalité, seront volontiers  agronomes  (et  non  pas  agri-
culteurs) ou industriels, agents d'assurances, voyageurs. 

     Ainsi  s'expliquerait  cette  alliance  de  nostalgie
politique  et  d'esprit   d'entreprise   qui   caractérise
l'histoire des Antilles dans la  seconde  moitié  du  XIX°
siècle. Les  Grands-Blancs  sont  réputés  réactionnaires.
Augusta Caille, la grand-mère de Saint-John Perse  (encore
lui), était passionnément légitimiste, et Ernest  Souques,
le maître de l'économie et du jeu politique en  Guadeloupe
avant Légitimus, se disait monarchiste. Le Second  Empire,
s'il a été aussi réactionnaire que  la  Monarchie  sur  le
plan politique, n'en était pas moins une époque de progrès 
et de prospérité sur le plan  économique.  Sous  Napoléon,
les Usines centrales ont remplacé les modestes moulins  du
père Labat. La III° République au contraire verra  éclater
des crises sucrières à répétition, ce qui a contribué,   a
posteriori, à embellir la période précédente. Sans compter 
que les nostalgiques du Second Empire  avaient  beau  jeu,
sous la République, de  lui  reprocher  l'instauration  du
suffrage universel, considéré comme la  cause  des  crises
politiques de la fin du XIX° siècle, en parfait  contraste
avec l'ordre qui régnait auparavant.
     Les anciens du "Champ d'Asile" ont pu contribuer à la 
pérennité de la nostalgie impérialiste partout où ils  ont
essaimé.

Un premier indice qui en appelle d'autres

     Encore faudrait-il trouver des indices qui  attestent
de la présence d'anciens colons du  "Champ  d'Asile"  dans
les îles. Je crois pouvoir attester du souvenir de l'aven- 
ture du "Champ d'Asile" en Guadeloupe, à une date  relati-
vement récente, mais à partir d'un  unique  indice.  C'est
maigre mais d'autres peut-être suivront.

     Il a existé jadis, en Guadeloupe, sur la  commune  de
Goyave, un "Champ d'Asile". Dans le volume de ses "Oeuvres 
complètes" (1972),  Saint-John  Perse,  dans  une  de  ses
"Lettres de jeunesse", adressée à Francis Jammes, en  fait
mention (mais écrit "Asole") : le curé de Goyave,  sur  la
demande d'Alexis Leger, après quelques recherches, y avait 
retrouvé la tombe de Jean-Baptiste Jammes,  le  grand-père
du poète d'Orthez. C'était en 1905.
     La présence d'un "Champ  d'Asile"  en  Guadeloupe,  à
Goyave, me semble appuyer  la  thèse  selon  laquelle  les
anciens du "Champ d'Asile" du Texas se sont répandus  dans
toute la zone,  en  l'occurrence  en  Guadeloupe.  Peut-il
s'agir d'une coïncidence ? Après tout, un  cimetière  peut
bien être appelé un "champ d'asile", la  formule  peut  ne
pas renvoyer au Texas. Mais ce "Champ d'Asile" n'était pas 
d'abord un cimetière mais une  "habitation",  c'est-à-dire
une exploitation agricole, même si Jean-Baptiste Jammes  a
choisi de s'y faire inhumer  :  Daniel  Marie-Sainte,  son
premier biographe, nous  apprend  que  le  nom  de  "Champ
d'Asile" avait été donné par lui à son habitation quand il 
en fit l'acquisition en 1842. Le nom lui aurait  seulement
plu,  parce qu'il "avait quelque  chose  de  singulier  et 
seyait parfaitement à la retraite, à l'asile campagnard de 
M. Jammes", écrit Daniel Marie-Sainte. Soit. 
     Mais cette formule  singulière,  il  ne  l'avait  pas
inventée. "Champ d'Asile" était le nom d'une  autre  habi-
tation,  située  au  quartier  Sainte-Rose,  qu'il   avait
achetée en 1831, en association avec un  certain  Bertrand
Cestia, lequel finalement l'exploitera seul, à  moins  que
ce ne soit un autre Cestia,  prénommé  Pierre  (4).  C'est
cette piste qu'il faudrait remonter pour préciser la  date
de la première mention d'une habitation "Champ d'Asile"  à
Sainte-Rose, et  pour  préciser  la  personnalité  de  son
propriétaire d'alors. Comme on aimerait qu'il ait un  lien
avec le Texas, et soit arrivé en Guadeloupe vers 1820.
     Existe-t-il d'autres lieux  appelés  "Champ  d'Asile"
dans le monde ? S'il s'en trouvait quelques-uns  dans  les
Antilles...  C'est  en  croisant  et  en  multipliant   de
semblables indices qu'on  établira,  peut-être,  la  thèse
d'un lien spécial entre les Antilles et le premier  "Champ
d'Asile", avec toutes les conséquences que  ce  lien  peut
avoir induites.
    A suivre, mais sans garantie de résultat. Le problème, 
quand on part à  la  pêche,  avec  l'idée  d'attraper  tel
poisson (d'où le choix du lieu, du matériel, de  la  tech-
nique mise en oeuvre), c'est qu'on ne sait jamais ce qu'on 
va rapporter. Ni si on rapportera quoi que ce soit.  Ainsi
de nos recherches. 

NOTES
(1) Voir la biographie inédite des de Leyritz  par  Eugène
Joubert aux Archives Départementales de la Guadeloupe.
(2) Le nom de l'oncle ? Stephen Girard (1750-1831), ancien 
marin, puis armateur. Il fonda la banque qui porte son nom 
en 1812, laquelle deviendra la deuxième banque d s  États-
Unis en 1816. Il consacra sa  fortune  à  la  création  du
"Girard College "de Philadelphie qui ouvrit en 1848.  Quel
rapport avec Just Girard ? Celui-ci existerait donc bien ? 
Qui saurait tirer cette affaire au clair ?
(3) Ceci ne semble pas le cas aux Antilles. (B. et Ph. R.)
(4) D.-E. Marie-Sainte,  "Jean-Baptiste   Jammes,  docteur
médecin et maire de Goyave au XIX° siècle", "Bulletin   de
la Société d'histoire de la Guadeloupe", n° 69-70,  3°  et
4° trimestre 1986 (en réalité septembre 1988),  p.  30  et
suivantes.

COOPÉRATION

d'Eugène Bruneau-Latouche : LITTÉE et PAUTRIZEL (pp. 573
et 683)

Le contrat de mariage reçu par Me  Petit,  notaire  à  St-
Pierre, en date du 17 février 1783, de Michel LITTÉE  avec
Claire Angélique THYRUS de PAUTRIZEL, précise que l'épouse 
est fille de Jean Baptiste Gabriel et de  Marie  Angélique
de THILORIER.


à Roger Touton et à Lucienne et Fernand Chatin (p. 1705)

Merci pour l'article sur "Les Rétais et le  Nouveau-Monde,
Saint-Domingue", dont  nous  avons  gardé  un  exemplaire,
envoyant l'autre à Renée Overholser, aux Etats-Unis.


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Révision 28/12/2004