G.H.C. Bulletin 86 : Octobre 1996 Page 1736
Testament de Françoise dite Fanchon négresse, 1748, Paris
(Minutier central, ét. LXXXIII, trouvé par Pierre Bardin)
"Fut présente Françoise ditte Fanchon, négresse libre
native de Léogane isle et coste Saint Domingue, fille du
nègre nommé Houëlcom et de la nommée Cathau aussy negresse
ses père et mère qui appartenaient à feu M. PETIT;
elle cydevant au service de la Dame de BRANDA avec
laquelle elle est venue en France en l'année 1744,
demeurant actuellement à Paris chez M de KERNIZAN rue
Neuve des Petits-Champs vis-à-vis l'hôtel de Pontchartrain
paroisse St-Roch, trouvée dans un fauteuil dans une
chambre au troisième étage ayant vue sur la dite rue,
malade de corps, saine d'esprit et entendement, ainsi
qu'il est apparu au notaire par ses discours et la netteté
de ses expressions".
- catholique, recommande son âme à Dieu et prie le sr de
Kernisan de prendre toutes dispositions utiles pour les
prières de son enterrement;
- lègue à la nommée Geneviève, actuellement de garde à la
dite testatrice, 30 livres;
- lègue à Saint-Louis, cocher du sr de Kernisan, sa
"montre à boeste et chaisne d'argent";
- lègue à la nommée Rose, négresse au service de la dame
DESPERRIERES actuellement à Paris, ses boucles d'oreille
de diamants;
- "prie le sr de WALDECK de vouloir bien accepter le legs
qu'elle lui fait de son goblet d'argent comme une forte
marque de tout son attachement pour luy";
- "déclare lad. testatrice qu'elle a cydevant achetté de
lad. dame de Branda les nommés Louis et Charlotte, frère
et soeur de lad. testatrice, nègres, actuellement à St-
Domingue, ausquels elle accorde la liberté et les
affranchit purement et simplement pour par eux jouir de
leur liberté ainsy que les autres affranchis";
- prie le sr de Kernisan d'employer ce qui appartiendra à
lad. testatrice au jour de son décès "à acheter la liberté
et affranchissement d'un frère nommé Baptiste et d'une
soeur nommée Victoire, tous deux frère et soeur de lad.
testatrice et actuellement au service de M. le marquis de
PREMONT sur son habitation à Léogane, et à Rose, autre
soeur de lad. testatrice, négresse appartenant au sieur
SAINTARD" et de fournir à eux cinq "quelques secours".
Exécuteur testamentaire, le sieur de Kernisan.
Fait l'an 1748, le 14 juin, sur les quatre heures et demie
de relevé, et a déclaré ne savoir écrire et signer, de ce
enquis suivant l'ordonnance.
Analyse du document (Bernadette Rossignol)
On remarquera le caractère exceptionnel de ce testament
par la qualité de la testatrice, le lieu, la date, la
nature des articles et ce qu'il laisse entrevoir des
relations humaines au milieu du XVIIIe siècle en milieu
"esclavagiste".
Qui connaîtrait les personnes citées, et en particulier de
sieur de WALDECK ? Voici ce que nous avons trouvé, dans
les registres de Léogane et dans l'inventaire de la série
Colonies E :
- Pierre HAMON de KERNISAN, conseiller au conseil
supérieur du Petit-Goave séant au Port-au-Prince, natif de
Guingamp en Basse-Bretagne, décède le 30 janvier 1753,
ayant reçu avec édification tous les sacrements, âgé
d'environ 50 ans.
- série E : de KERNISAN, lieutenant de juge à Léogane
(1735-1737) (E235).
- Le 1er octobre 1730, M. Claude BRANDA, conseiller au
conseil souverain du Petit-Goave, natif de la paroisse St-
Rémi, ville et évêché d'Amiens en Picardie, fils de feu
Pierre Robert Branda de Monnin, avocat en parlement et
directeur général des francs fiefs de Bordeaux, et de
Marie LE QUIEN, épouse delle Marie PRUNIèRE, native de la
paroisse St-Sauveur, ville et évêché de La Rochelle en
Aunis, fille de feu Jean Pierre, marchand, et Marie
RICHER.
- Jean PRUNIER, natif de Bordeaux, marchand au bourg de
Léogane, y meurt en effet le 26 septembre 1710, à 46 ans.
- Marie Anne PRUNIèRE, fille de Jean et donc soeur de
Marie se marie deux fois (à moins qu'il ne s'agisse de
Marie elle-même, qui aurait donc épousé Claude Branda en
3èmes noces) :
- le 27 novembre 1711 avec René LAFFITTE, capitaine
commandant la frégate "Le Galant" de Nantes, fils de
feu René et Marie LEGER;
- le 25 juillet 1719, avec François Gérard MANEM.
- série E (à Aix !) : procès, en 1740, de Marie Josèphe de
SOREL, veuve de Nicolas PETIT, conseiller honoraire au
conseil supérieur de Léogane depuis 1719, contre Claude
BRANDA, conseiller au conseil supérieur de Léogane (E335).
Rappelons que les parents de Fanchon appartenaient au
sieur PETIT et elle-même à Madame BRANDA... Il serait
intéressant de consulter les pièces du procès car il est
probable que les Branda ont racheté biens et esclaves des
Petit.
- Pas d'autre trace du nom de Branda sauf, le 29 avril
1768, le décès de Marie Rose BRANDA, négresse libre,
environ 70 ans : une des soeurs de Fanchon, celle qui
appartenait au sr Saintard ?
SAINTARD : dans la série E plusieurs SAINTARD, plus
tardifs que l'acte ci-dessus, sauf Jérôme Bonaventure
SAINTARD de BÉQUIGNY, aide major au Petit Goave en 1741
(E363 bis).
Mais les registres du Petit-Goave ne sont conservés
que depuis 1763 ! Heureusement, on trouve une généalogie
de SAINTARD par le colonel Arnaud dans le cahier 27 du
CGHIA (mars 1989). Le sieur SAINTARD pourrait effecti-
vement être Jérôme Bonaventure, né au Petit-Goave, aide
major à Léogane puis commandant des milices au Petit-Goave
(+ Petit-Goave 1777), ou son frère Louis Pierre Gédéon de
SAINTARD d'HOEURGIVAL, né au Petit-Goave et conseiller à
Léogane de 1746 à 1766, puis au Port-au-Prince (+
L'Arcahaye 1766).
PETIT (propriétaires des parents de Marie Françoise) :
Nous trouvons là les plus anciens "Dominguois" des
personnes citées dans le testament puisque, le 14 décembre
1722, à Léogane, Messire Nicolas PETIT, conseiller au
conseil supérieur de Léogane et habitant, fils de feu
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Révision 28/12/2004