G.H.C. Bulletin 83 : Juin 1996 Page 1659
Les ROUSSEAU DU SAULOY et DU TILLOY de Goyave
leur titre, contrairement aux Du SAULOY. Seul l'un des
fils d'Amédée ROUSSEAU (qui eut sept enfants dont deux au
moins moururent très jeunes) fut déclaré sous le patronyme
de "Rousseau Dutilloys". C'était à Petit-Bourg, le 22 août
1821. L'enfant se prénommait Ferdinand.
Amédée ROUSSEAU fut commandant civil et militaire de
son quartier. Ce créole au coeur généreux, aux manières
distinguées, orateur talentueux, fut aussi membre du
Conseil colonial auquel il porta, avec une verve incisive,
le tribut de ses lumières et de son patriotisme marqué par
un amour farouche de son pays. Sa mort, survenue à Goyave
le 31 octobre 1839, répandit le deuil dans toute la
colonie, et toutes les classes de la société le pleu-
rèrent, confondues dans une même douleur. On garde en
mémoire le plaisir que l'on prenait à conduire chez lui
les "étrangers" de marque afin de leur offrir "réunies
dans leur plus haute expression, l'hospitalité créole et
l'urbanité française", et l'accueil qu'il fit sur son
habitation de la Goyave, le 16 avril 1838, au prince de
Joinville, fils du roi Louis-Philippe.
"Dutillois" fut aussi un prénom. Celui porté par un
petit-fils d'Amédée. Dutillois ROUSSEAU avait pour père
Henri. Celui-ci avait épousé en 1838 une jeune fille de 15
ans, native de Basse-Terre, Élisabeth Charlotte CHABERT de
la CHARRIèRE. La disparition d'Amédée ROUSSEAU le porta à
assumer les nombreuses affaires de l'habitation sucrière
Forte-Isle, son jeune frère Ernest étant encore mineur.
A 30 ans, Henri ROUSSEAU connut une fin tragique. Il
se donna la mort en se jetant à la mer, le 1er février
1844, à quatre heures du matin, alors qu'il était passager
sur le navire "La France", qui se trouvait à ce moment en
plein océan, entre les côtes d'Amérique et les Açores.
L'officier de quart avait tenté de l'arrêter en le
saisissant par la robe de chambre dont un morceau lui
était resté dans la main, ainsi qu'un de ses souliers. Les
dettes considérables laissées par son père, le tremblement
de terre de février 1843 qui anéantit la maison principale
de l'habitation, reconstruite en maçonnerie après
l'incendie qui, en 1830, l'avait déjà consumée en entier,
le mal qui affectait son esprit - lors de son embarquement
à Basse-Terre il paraissait atteint de folie et était
accompagné d'un gardien chargé de le veiller - tendent à
expliquer son geste malheureux. Son frère Ernest épousa sa
veuve, douze ans plus tard, le 28 octobre 1856, et l'un de
ses fils, Amédée André Ferdinand, entra dans les ordres
sacerdotaux.
En 1860, Ernest ROUSSEAU donna à bail l'habitation
Forte-Isle à son cousin et beau-frère Hippolyte ROUSSEAU
DU SAULOY, alors propriétaire de l'habitation "l'Aiguille"
et maire de la commune de Goyave, et alla s'installer au
Baillif où vivait sa belle famille.
Hippolyte ROUSSEAU du SAULOY fut, dans sa localité,
la première victime de la grande épidémie de choléra qui
envahit la Guadeloupe en 1865. Il fut emporté, le 21
novembre, le jour même de l'invasion de la maladie dans la
commune. Son épouse, Caroline ROUSSEAU, au demeurant sa
cousine, fille d'Amédée, qu'il avait épousée à Capesterre
le 10 juillet 1833, le suivit dans la tombe quelques jours
après.
Le maire de Goyave venait d'être fait chevalier dans
l'ordre impérial de la Légion d'Honneur par décret du 11
août 1865 pour "30 années de services gratuits". Hippolyte
ROUSSEAU, en effet, s'était depuis longtemps impliqué dans
les affaires publiques de sa commune à la tête de laquelle
il avait déjà été placé en 1838.
Son fils, Adolphe ROUSSEAU du SAULOY, avait 32 ans en
1866 quand ses fonctions de percepteur des contributions
l'appelèrent à Capesterre. C'est le dernier ROUSSEAU de
Goyave.
L'habitation Forte-Isle fut mise en adjudication en
1868 et 1869, puis saisie par le Crédit Foncier Colonial
sur la veuve BOUVIER, en 1891. Devenue un immense champ
d'herbes, elle passa dans plusieurs mains inhabiles à la
relever avant que Robert NESTY, distillateur, n'en fasse
l'acquisition en 1897. Là se fabriqua jusqu'en 1973 le
"rhum Fort'Ile".
Le malheur qui ainsi frappa comme nous l'avons vu,
les ROUSSEAU, hommes et biens, ne peut tout ôter du
prestige ni faire oublier l'influence dominante de cette
famille de planteurs qui donna à Goyave, à diverses
époques, son chef local et y imprima sa marque durable.
NOUS AVONS REÇU
de Guy Stéhlé la photocopie des pages de la :
"Gazette française" comprenant le compte rendu fait le 4
thermidor an II par Victor HUGUES de la prise de la
Grande-Terre et de Pointe-à-Pitre (cf GHC 77, pp. 1486 à
1494, la lettre de BOYER L'ETANG) : n° 986 (27 fructidor
II ou 13 9 1794) et 987 (28 fructidor); ainsi que la
première page des n° 1178 (27 3 1795) et 1234 (18 5 1795),
extrait des papiers anglais sur la Martinique et Ste-
Lucie.
C'est dans sa lettre du 4 thermidor II (22 7 1794) que
Victor HUGUES annonce , après avoir fait le récit de la
prise de Pointe-à-Pitre : "J'ai cru devoir consacrer la
mémoire de cet événement en changeant le nom de Pointe-à-
Pitre en celui de Port de la Liberté, Isle Guadeloupe,
parce que c'est en effet le premier port où nous avons
apporté à nos frères ce grand bienfait de la convention
nationale. J'ai aussi changé le nom du fort du gouver-
nement en celui de Fort de la Victoire, bien mérité et
bien acquis dans la célèbre journée du 14."
Dans les papiers anglais écrits à la Martinique nous
relevons (8 1 1795) que "les bandits viennent de brûler de
détruire les magnifiques habitations de MM HOSTEIN,
DESBROSSES et d'HERS"; et (25 2 1795) "Le 7 février on a
amené ici une prise; c'est un corsaire de 14 canons et 67
hommes. Il était parti de la Guadeloupe avec un plus petit
qui s'est échappé. Les Français ont des pirates de toute
grandeur et de toute force. Un d'eux monté de 2 pierriers
et de 12 hommes, a pris un sloop presque sous les
batteries du fort de la Trinité." Puis : "Un corsaire de
32 canons croise maintenant à la hauteur des Barbades. Il
vient de prendre un grand bâtiment Africain de Liverpoold
(sic), allant à la Jamaïque, et un sénau de Corke avec des
vivres pour nos troupes."
Page suivante
Retour au sommaire
Révision 28/12/2004