G.H.C. Bulletin 83 : Juin 1996 Page 1645
Cultures aux Antilles : Évaluations et rendements
En ce qui concerne le rendement à l'hectare, Hayot (2),
pour la seconde moitié du XIXème siècle (vers 1870-1880),
rapporte (p. 168) cette réflexion d'un vivrier : "J'ai des
cafés superbes, me disait un habitant de la montagne du
Vauclin... mais que de peines; que de soins aussi quelles
récoltes ! Je fais dans sept hectares 35 barils" (p.
168)".
Gingembre
Cette culture ayant été pratiquée autrefois à une
échelle non négligeable, en particulier au XVIIème siècle,
nous transcrivons ici ce que nous en dit Petitjean Roget
(4) (p. 639) "On admet à l'heure actuelle qu'aux Antilles
un hectare donne entre 1 et 2,5 tonnes de gingembre et
qu'il faut 4 à 6 kg de racines fraîches pour obtenir 1 kg.
de gingembre sec".
Manioc
Les données sur cette culture vivrière, destinée essen-
tiellement à la consommation locale (esclaves et
"habitants"), sont peu nombreuses. Les superficies étaient
souvent restreintes, éparses, et la culture se faisait,
selon la modalité de "l'ichali" caraïbe, puis du "jardin
créole", en association avec d'autres plantes vivrières
(ignames, bananiers, pois d'Angole...), ce qui en rend
toujours l'évaluation difficile et hasardeuse.
Très tôt le gouvernement central s'est préoccupé des
problèmes d'approvisionnement local dans les îles, et une
ordonnance du 6 décembre 1724 faisait obligation à tout
propriétaire d'entretenir 500 fosses de manioc.
En ce qui concerne les débuts de la colonisation,
Petitjean Roget (4) signale (pp. 562-563) : "Les abatis,
jamais très étendus, sont exploités pendant trois ans,
permettant de récolter, au bout d'un an, environ 5 tonnes
à l'hectare au cours de la seconde année, de 3,5 à 5
tonnes/ha la troisième".
Pour le XIXème siècle et la première partie du XXème
siècle, nous disposons de quelques indications. Lors de
son audition par la Commission d'Enquête sur les Sucres
(1), Monsieur de JABRUN, pour la Guadeloupe, en 1829,
indique : "Le produit moyen d'un carreau de terre planté
en manioc varie beaucoup. Dans mon habitation, il rapporte
25 à 30 barils de cent litres chacun et, à la Grande-
Terre, il ne donne que 15 barils".
- Pour la Martinique, vers 1940, Revert (5) évalue le
rendement à 15 à 20 tonnes à l'hectare. Étant donné que
les procédés culturaux ne s'étaient pas beaucoup améliorés
par rapport au XIXème siècle, l'estimation est, sans
doute, "rétroprobable" pour le passé, en minorant quelque
peu.
Ignames et racines
Nous venons de signaler la difficulté qu'il y a à
évaluer les "vivres". Pour une plantation homogène, HAYOT
(2) écrit ceci, vers 1870-1880, pour la Martinique : "Le
petit cultivateur primé s'enfonçant de jour en jour dans
le protectionnisme, qui le fait descendre à produire 500
francs par hectare en racines payées 20 centimes le kilo,
c'est-à-dire 2.500 kg à l'hectare, lorsque le paysan
français produit 25.000 kg à 2 centimes" (p. 158). Plus
loin, il précise (p. 169) : "A 20 centimes le kilogramme,
2.500 kg d'ignames donnent tout autant (que le café). Or,
il est normal d'obtenir 80.000 kg d'ignames à l'hectare".
Canne à sucre
Étant donné l'importance prise par cette culture à
partir de la fin du XVIIème siècle, les informations sont
notablement plus nombreuses mais parfois aussi diver-
gentes. L'information la plus ancienne est celle établie
par Petitjean Roget (4) pour la Martinique : "La moyenne
des productions, établie pour l'ensemble des habitations
de 1671 par carreau planté, a donné 80 livres pour le
pétun, 4.200 livres de sucres pour les cannes sur la base
de 1,25 livre de pétun pour 1 livre de sucre, les 800 L.S.
feraient 1.000 L.P. par carreau, ce qui est normal".
- Pour la Guadeloupe, Lasserre (3), rappelle : "Le Père
Labat estimait qu'un carré de cannes donnait 12 à 16
barriques de sucre brut ou 150 formes de sucre blanc,
chacun de 25 livres "(p. 357). Pour la première moitié du
XVIIIème siècle, après avoir détaillé les superficies en
canne de la Guadeloupe, il commente ainsi : "Ces chiffres
méritent attention : 20.000 carrés (de Guadeloupe) cela
fait une moyenne sensiblement égale à 50 tonnes de cannes
pour ravitailler le moulin et l'installation industrielle.
En prenant un rendement agricole de 40 tonnes à
l'hectare et un taux d'extraction de 5 %, cela fait au
maximum une moyenne de cent tonnes de sucre par habitant".
L'enquête sur les sucres (1) permet de savoir ce
qu'il en était au cours du premier tiers du XIXème siècle.
L'audition de Monsieur de JABRUN, propriétaire à Trois-
Rivières, Guadeloupe, est la suivante.
- "Quel est le produit, en sucre, de votre carré de
cannes, année moyenne ?"
- "Cinq barriques faisant 2.500 kg, c'est là le produit
moyen provenant d'une récolte de la canne et 2 récoltes de
rejetons".
- "Combien de sirops obtenez-vous pour 2.500 kg de sucre
brut ?"
- "500 litres environ."
Monsieur de BEILAC, directeur des douanes de la Guade-
loupe, entendu à son tour, confirme : "A la Guadeloupe,
l'hectare ne rend, taux moyen, que 2.500 kg de sucre, et à
Porto Rico, il en rend 3.500 kg au moins".
- Pour la Guyane
Monsieur RONMY, à qui, lors de son audition par la
Commission (1), l'on demande si, à Cayenne, les terres
plantées en cannes sont fertiles, répond : "Extrêmement.
Il n'y en a peut-être pas de meilleures en Amérique. Elles
donnent jusqu'à 8.000 kg de sucre par carré et l'on peut
prendre 4.000 kg pour terme moyen".
- Pour la Martinique
Parlant du XIXème siècle, Revert (5) écrit : "... Il
en résulterait un rendement de 30 tonnes environ à
l'hectare, alors que les agronomes du temps l'estimaient à
40 ou 50 ... d'où on tirait 4 ou 5 barriques de sucre
brut" (p. 438).
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