G.H.C. Bulletin 79 : Février 1996 Page 1545
Les CELLON, d'Embrun (Hautes-Alpes) à la Guadeloupe :
les médecins, le héros et le bigame
Catherine Marguerite était la deuxième de leurs trois
enfants, née en 1738 et donc orpheline de bonne heure.
C'est probablement la famille de sa mère, REYNAL de SAINT-
MICHEL, qui prit en charge les trois orphelins Cette
famille tenait sa noblesse d'un capitoul de Toulouse dont
un fils, Laurent Michel, passé à la Martinique, s'était
enrichi dans la flibuste puis avait fait enregistrer ses
titres de noblesse et s'était établi à Marie-Galante.
Quant au début et à la suite de l'histoire de Joseph
CELLON, c'est d'Embrun qu'elle nous vient, racontée par M.
DONGEOIS, le maire qui lui succéda, après sa mort en
charge en février 1806, et ce à la requête du préfet du
département des Hautes-Alpes (cotée A); elle est complétée
par une note (cotée C), par un autre récit non daté (vers
1803) sur son action aux îles qui accompagne une sollici-
tation des "bontés du gouvernement" (cotée B; nous en
corrigeons l'orthographe) et enfin par une fiche biogra-
phique (cotée D) établie au début du XXe siècle par l'abbé
Guillaume, alors archiviste départemental des Hautes-
Alpes; nous reconstituons l'ordre chronologique à partir
de ces quatre documents. Le lecteur pourra apprécier les
différences dans la présentation des faits et le style :
(A) "Né d'un médecin qui appartenait à une des familles
les plus considérables de cette ville, son père le
destinait à la même carrière mais son courage l'appelait à
l'état pénible et brillant des armes. Il fit plusieurs
campagnes en Amérique, en qualité d'officier de marine; il
rapporta des divers combats les marques honorables de sa
bravoure."
(B) "M. Joseph CELLON, étant capitaine des milices
bourgeoises à la Guadeloupe, fut nommé en 1754 commandant
d'un corps de trois mille nègres, pour s'opposer à la
descente des Anglais dans cette colonie; on lui donna à
défendre un endroit nommé le Vieux Fort L'Ollive, isle
Basse-Terre Guadeloupe. M. Cellon répondit à la confiance
du chef de la colonie, qui lui avait donné le commandement
de ces trois mille hommes, et repoussa avec vigueur les
troupes anglaises qui vinrent l'attaquer; il perdit à la
vérité beaucoup de monde; il fut lui-même blessé mais ne
se rendit point et les Anglais ne purent jamais effectuer
leur descente dans cette partie de la colonie qui lui
avait été confiée.
Ayant appris que les Anglais avaient effectué leur
descente sur différents autres points de cette île et ne
voulant pas se rendre, il engagea plusieurs de ses cama-
rades et amis, qui servaient sous ses ordres, d'aller
attaquer et s'emparer d'une petite île nommée la Désirade,
dont les Anglais s'étaient déjà emparé et dans laquelle
ils avaient laissé une centaine d'hommes pour la garder.
Ses amis, ayant confiance en lui, consentirent à le suivre
et furent effectuer la prise de cette île, qui ne résista
pas longtemps à leur attaque.
Les Anglais, instruits de ce événement, jurèrent la perte
de M. Cellon; ils consignent même dans leurs papiers
publics qu'il serait donné deux mille guinées à ceux qui
apporteraient la tête de M. Cellon et quatre mille à ceux
qui l'amèneraient vivant. Cet ordre si violent prévint
(sic) de ce que le général anglais avait un de ses neveux
à la Désirade qui avait péri en voulant défendre cette
petite île contre M. Cellon et sa troupe. Ce général
anglais envoya, en conséquence, beaucoup de forces pour
attaquer la Désirade, qui fut longtemps défendue; mais,
étant forcés de céder au nombre, et ne voulant pas abso-
lument se rendre aux Anglais, quoiqu'ils ignorassent
l'ordre cruel qui avait été donné contre M. Cellon, ils
partirent pendant la nuit sur un petit bâtiment et se
rendirent à Saint-Eustache, île hollandaise, où ils ache-
tèrent un bâtiment qu'ils armèrent en guerre. Là, M.
Cellon fut nommé commandant du corsaire et il fut convenu
entre lui et le reste de ses amis qui n'avaient point péri
à la Désirade que, dans aucun cas, ils ne se rendraient
aux Anglais.
Alors, ils mirent à la mer et, depuis ce moment jusqu'à
celui où les colonies des Iles du Vent furent rendues à la
France, M. Cellon et ses amis tinrent les mers, contrai-
gnirent les Anglais et leur firent tout le mal qu'ils
purent. Ils ont eu, pendant ce long intervalle de temps,
plusieurs affaires avec des frégates anglaises, où M.
Cellon a reçu plusieurs blessures et où il a vu périr, à
côté de lui, la majeure partie de ses amis mais jamais on
n'a pu parvenir à les prendre.
Lorsqu'ils surent que les Anglais avaient rendu à la
France les Iles du Vent et qu'ils les avaient abandonnées,
M. Cellon, et le peu de ses frères d'armes, revinrent à
l'île Guadeloupe où ils ont resté.
En 1776, il existait à Saint-François Grande-Terre île
Guadeloupe, du nombre de ses braves, un nommé M. ROIVIN
(sic; BOIVIN ?), dont le plaisir était de raconter tous
les événements qui leur étaient arrivé en mer et faire un
éloge pompeux du courage et du sang-froid de M. Cellon
dans les différents combats qu'ils avaient essuyés
ensemble (1).
En 1768, M. Cellon se maria à Marie-Galante, île à peu de
distance de la Guadeloupe, et repassa en France avec son
épouse en 1769."
(A) "Sa réputation, sa conduite, ne pouvait qu'intéresser;
un militaire distingué de Marie-Galante s'empressa de luy
accorder sa demoiselle, qui joignait aux qualités qui font
l'ornement de son sexe une fortune considérable.
L'amour de ses proches et de sa patrie le ramena dans son
pays natal, où il se fixa avec son épouse dont il fit le
bonheur.
(D) "Le 11 juillet 1769, il achète le château des Crottes
à René Hyacinthe de RAVEL (1762-69) au prix de 60.000
livres. Il le revendit à Jean Louis François CRESSY.
Le 25 brumaire an 2 (15 novembre 1793), il est arrêté par
ordre des commissaires du Congrès de Marseille (ensuite
des arrêtés supposés de Barras et Fréron) et transféré
dans les prisons de Grenoble. Il faisait alors cultiver
son domaine, était âgé de 60 ans, veuf. Il avait un fils,
âgé de 18 ans, à l'armée du Bas-Rhin, un autre fils âgé de
8 ans et deux filles de 12 et 10 ans. Dans des dénon-
ciations, non signées, il était accusé d'avoir des
relations avec le ci-devant archevêque d'Embrun, avec le
commandant de la place d'Embrun, avec les officiers de la
garnison; d'avoir signé une pétition pour obtenir à Embrun
une église aux prêtres non-conformistes (insermentés),
d'être favorable aux aristocrates."
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Révision 28/12/2004