G.H.C. Numéro 77 : Décembre 1995 Page 1500

Gabriel JOUVEAU DUBREUIL archéologue du sud de l'Inde
Yvain Jouveau du Breuil

     Né en Indochine,  Gabriel JOUVEAU DUBREUIL (1)  passa 
une  très grande partie de sa vie en Inde,  à  Pondichéry, 
mais n'en resta pas moins un Guadeloupéen d'origine et  de 
coeur.

     Son père,  natif de Pointe à Pitre,  était médecin de 
la  Marine nommé en poste à l'hôpital de Mytho en  Cochin- 
chine  en 1883.  Il avait quitté son poste en  avril  1885 
soit  4 mois après la naissance de Gabriel.  En effet,  ce 
dernier  vit le jour à Saïgon le 1er janvier 1885  et  fut 
baptisé  à Paris,  paroisse Saint François de Sales le  14 
juin suivant.
     La  famille retourna à la Guadeloupe en juillet 1885, 
le  père étant alors nommé médecin régisseur de  l'hospice 
des aliénés du Camp Jacob.

   Gabriel passa une partie de son enfance à la Guadeloupe 
et  à  Paris.  Il  retourna à la  Guadeloupe  lors  de  sa 
douzième  année  et revint à Paris à la fin de ses  études 
secondaires.  En  1903,  il fut reçu  au  baccalauréat  de 
l'enseignement  secondaire  avec mention  Assez  Bien,  et 
s'inscrivit  à la Faculté des Sciences de Paris,  dont  il 
sortit avec une licence ès-sciences (physique et  chimie), 
en 1908.  Il avait manifesté de très précoces dispositions 
pour  la physique et la chimie auxquelles il consacrait la 
plus  grande  partie de ses vacances.  Pendant  les  trois 
premières années de ses études,  il fut employé au  minis- 
tère des Finances. 

     Nommé  officiellement comme professeur de Sciences au    
collège français de Pondichéry (alors collège colonial  de 
Pondichéry),  le  10 octobre 1909,  il semble être  arrivé 
dans la colonie quelques mois plus tôt.                 
Pourquoi  Pondichéry ?  Jean Renault émet  l'hypothèse  de 
relations  familiales : sa  cousine Madame  Valmary  était 
l'épouse  du chef de service de l'Instruction Publique qui 
devait  paternellement le soutenir et le conseiller à  ses 
débuts. 
     Dès  son arrivée,  il entama une visite méthodique du 
Deccan  et  du  Sud  de l'Inde ce  qui  lui  permettra  de 
soutenir sa thèse de doctorat  à l'Université de Paris sur 
"L'archéologie  du Sud de l'Inde" en 1912 au cours de  son 
premier  séjour  métropolitain.   Par  la  suite,  il  fut 
présenté par MM. Sénart et Foucher (2), et sera élu membre 
de  la Société Asiatique lors de la séance du 8 mai  1914. 
Il  avait  découvert les fresques Pallavas de Sittanavâsal 
près de Puddukottai. 

     En 1914, il est mobilisé pour Saïgon, où il restera 2 
mois,  mais  sera réformé à cause de sa forte  myopie.  Il 
revint alors à Pondichéry et le 29 juin 1916 il termine le 
premier  volume  "Les Antiquités  de  l'époque  Pallavas". 
C'est  la première fois,  qu'une étude générale des  anti- 
quités  de l'époque Pallava,  basée sur la comparaison  de 
toutes les inscriptions et de toutes les sculptures, était 
faite.   Il  démontrait  ainsi qu'à chaque époque  corres- 
pondait  un  style  d'architecture  différent,  que  l'art 
dravidien  est un art indépendant, "qui a changé  de  lui-
même...par voie d'évolution naturelle."
     Ceci  l'amène à étudier et à publier un an après "Les 
Pallavas",  premier panorama historique de cette dynastie. 
     Il  terminera  la seconde partie "Les  Antiquités  de 
l'époque Pallavas" fin 30 décembre 1917.  Et en juin 1919, 
il achève "l'Histoire Ancienne du Deccan" de 261 av.J.C. à 
610 ap.J.C., d'Asoka à Pulakesin II".

     En  1920  il est en métropole,  en mars  à  Paris  et 
repart  de Bordeaux  pour Pondichéry le 5 avril et reprend 
ses fouilles.
     En 1921-22,  il met à jour les sites de  Mohenjo-Daro 
et de Harâppa-Hanté.  Parallèlement,  il écrit en 1921, un 
roman  historique,  sous le titre "l'Inde et les Romains", 
dans  lequel il imagine le voyage d'un  commerçant  vivant 
vers l'an 30 avant J.C., de Rome jusqu'à Kolkhoi, ville du 
roi  de  Madura,  en passant par Bérénice,  port  d'embar- 
quement sur la Mer Rouge. 

     Il  est  désigné  par la commission du  ministère  de 
l'Education  nationale  pour  la prospection  du  site  de 
l'antique Kapiça dans la vallée de Kaboul,  découvert  par 
Foucher en 1924 et dont la France avait obtenu le monopole 
des  fouilles.  A peine arrivé en Afghanistan,  une  révo- 
lution éclata et il dut revenir sans avoir pu atteindre le 
lieu  des  fouilles.  Il  avait déjà sollicité d'aller  en 
Afghanistan  en  1914,   pour  visiter  le  Laghman   dans 
l'intention d'y étudier des grottes bouddhiques. L'autori- 
sation  lui avait été refusée à cause de l'état  politique 
du  pays.  Malgré  cet échec qui lui laissera  une  grande 
déception:  "Lorsque je suis venu en Afghanistan, la révo- 
lution  n'était pas inscrite au programme...  Mon  honneur 
m'oblige à dire que si je n'ai rien pu faire,  c'est parce 
que mes forces ont été brisées par des causes étrangères à 
l'archéologie.",  il  recevra,  du  directeur  de  l'Ecole 
Française  d'Extrême-Orient,  un hommage pour son  travail 
ébauché, ses efforts et sa parfaite correction.
 
     Latiniste  de  formation,  Gabriel  Jouveau  Dubreuil 
était  devenu indianiste sans avoir pu approfondir l'étude 
du  monde intermédiaire,  indo-européen,  ancien  iranien, 
dont il ressentait pourtant l'attrait. 

     Il s'intéressa également à l'histoire de Pondichéry.
En  1929,  il avait exhumé les vestiges du Fort  Louis  de 
Pondichéry,  sur  la place du Gouvernement.  Ce fort avait 
été rasé par les anglais.  Il écrit plusieurs articles sur 
ce  sujet  dans "Le Semeur" de 1931 à  1939,  ainsi  qu'un 
guide de Pondichéry en avril-juin 1936.
     Renou et Filliozat écriront dans "l'Inde  Classique": 
(3)  "Il  (Ptolémée)  place un "marché" de Podouké  en  un 
point qui peut répondre à l'actuelle Pondichéry,  près  de 
laquelle  a été trouvé récemment un gisement  considérable 
de vestiges d'époque romaine (dont une intaille d'Auguste) 
attestant la présence d'une sorte de factorerie  (Jouveau-
Dubreuil)" 

     Il  étudia  la  politique de Dupleix  sur  lequel  il 
écrivit trois ouvrages dont seulement deux seront  édités. 
L'étendard de Dupleix, qui faisait partie de la collection 
du  Musée  de  la France d'Outre-Mer a  été  retrouvé  par 
Dubreuil et son disciple et ami Pattabiramin.           
     Dés 1932,  sa réputation est bien établie dans l'Inde 
et dans les milieux universitaires anglais et français.






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