G.H.C. Numéro 77 : Décembre 1995 Page 1489

TRAHISON DES ROYALISTES GUADELOUPÉENS PAR LES ANGLAIS

Grande-Terre;  ceux de la Guadeloupe gardaient,  avec deux 
ou trois cents hommes de troupe, les avenues de la Grande-
Terre à la Baie Mahaut;  les frégates gardaient les  côtes 
et  rien  ne paraissait devoir s'échapper.  Deux fois  les 
Républicains avaient été battus,  ils avaient perdu  leurs 
meilleures  troupes,  ils  étaient découragés,  le  succès 
paraissait  certain,  mais la Providence en  avait  décidé 
autrement,  une  fausse  mesure a été de nouveau cause  de 
notre malheur.

     L'assaut  de  Fleur d'Epée  était  résolu;  le  morne 
Mascot  où  les Anglais étaient campés,  le  dominait,  le 
battait à portée de fusil et en chassait les Républicains; 
Fleur  d'Epée enfin ne tenait plus à rien,  on avait  qu'à 
s'y  montrer  pour s'en emparer et la ville  et  tous  les 
autres  postes  tombaient  de  même,  sans  l'inconcevable 
projet  de  partager les forces pour s'emparer  auparavant 
des magasins de la Pointe-à-Pitre et du commissaire HUGHES 
(8)  qui devaient nécessairement suivre le sort  de  Fleur 
d'Epée.

La fatale expédition de Pointe-à-Pitre

     Le général SYMES (9) conduit sa troupe à la Pointe-à-
Pitre;  deux  pièces  de  canons qu'il y traîne  dans  des 
chemins  très  difficiles retardent sa marche  jusques  au 
point du jour;  il surprend et s'empare des postes avancés 
et  ne met aucun mystère dans son expédition  puisqu'il  y 
fait  sonner du cor,  ce qui doit justifier les guides  de 
l'inculpation qui leur est faite. Il s'empare également de 
la  ville malgré le passage inévitable de la place où  une 
grêle de mitrailles pleuvait du morne du Gouvernement;  il 
y est blessé et on l'emporte hors de la ville.  Les autres 
officiers promènent leurs soldats dans les rues et sur les 
quais;  les  soldats entrent dans les maisons pour piller, 
le jour s'ouvre et l'on ne sait que faire;  les  officiers 
existants  n'ont  point reçu d'ordres;  ils  croient  leur 
perte  énorme  d'après le petit nombre de soldats qui  les 
entourent et qui ne s'étaient pas livrés au  pillage;  ils 
se décident à la retraite.

     S'ils eussent préféré de rester dans la ville,  ils y 
étaient  à couvert du feu du morne et de celui de la rade; 
ils  y étaient inexpugnables par la confusion qui  régnait 
parmi les Républicains;  Fleur d'Epée tombait à la  pointe 
du jour et la guerre était finie. Mais il fallait faire la 
retraite  en  plein jour et repasser sur la cruelle  place 
qui  avait  déjà été si fatale.  Le bruit de  la  retraite 
avait  rendu le courage aux patriotes,  ils firent un  feu 
terrible  de leurs canons chargés à mitrailles au  passage 
de  la place et tirèrent du fusil de plusieurs maisons  où 
ils  attendaient  en tremblant la mort  un  instant  aupa- 
ravant.  La  principale  perte des Anglais fut dans  cette 
retraite,  non seulement par les tués et les blessés, mais 
par  l'abandon que l'on fit en ville de tous ceux  que  le 
désir du pillage avait introduits dans les maisons.

     Le fruit de cette fatale expédition aussi malheureuse 
que  mal conduite et mal conçue fut un découragement total 
dans  l'armée;  au  point que,  le soir de  cette  funeste 
journée,  après une canonnade assez vive de Mascot,  Fleur 
d'Epée  fut  entièrement abandonné et que  l'armée  refusa 
d'en prendre possession, par la crainte des  embûches, par 
un manque absolu de confiance en les officiers.  La  levée 
du siège fut alors résolue et, par conséquent, la perte de 
la  colonie,  puisqu'il  fallait se tenir sur une  funeste 
défensive,   par  les  mortalités  inévitables  jusques  à 
l'arrivée  d'une  nouvelle armée qui  n'était  pas  encore 
demandée  en  Angleterre et que l'on donnait le temps  aux 
patriotes de se remettre de leur frayeur et de former  des 


soldats à volonté par le moyen de l'exécrable décret de la 
Convention  dans  les  colonies.   Un  instant  avant  les 
patriotes  avaient  vu leur perte certaine et la fuite  de 
presque toutes leurs bandes noires ne leur laissait  aucun 
espoir et cependant,  sans faire un mouvement,  sans tirer 
un  coup  de  fusil depuis ceux lâchés çà et  là  dans  la 
retraite  de  la  Pointe-à-Pitre,  au moment  même  qu'ils 
n'attendaient que la mort,  on les abandonne, on fait, aux 
yeux de la multitude de nègres qui observent, des héros de 
tous les patriotes et l'on leur prépare des  triomphes.  O 
jour de désolation, tu n'étais pas le dernier et des coups 
encore plus affreux nous attendaient !






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