G.H.C. Bulletin 76 : Novembre 1995 Page 1455

Deux familles créoles :
Les DU BOURG de LA LOUBèRE à Saint-Domingue;
Les SAINTE-MARIE à la Jamaïque

     Un  dossier sur les créances de Jean VOGLUZAN  existe
E839,  1785,  aux  Archives d'Outre-mer (E  839-1785).  Il
mourut  à Mont-de-Marsan,  laissant comme unique héritière
Françoise FOURNIER, née DU BOURG.
     Le  21  avril 1761 ,  moins de huit  mois  après  son
second  mariage  et  peu avant la naissance  de  son  fils
Patrice,  Pierre  DU  BOURG signait à sa femme une  procu-
ration "pour régir et gouverner pendant toute son  absence
tous  ses  biens,  revenus et affaires de  son  commerce".
Pierre  DU BOURG partait pour un voyage au long cours vers
les îles.  Il y avait à Saint-Domingue bien des créances à
faire rentrer, bien des affaires de famille en souffrance.
Les  VOGLUZAN étaient,  en effet,  mariés à des filles  de
vieilles familles créoles du nord et du sud.  Ils  avaient
de  grands intérêts dans le quartier du Dondon,  dans  les
mornes du nord.

     Compte tenu des dates de naissance de ses enfants, on
peut imaginer un premier voyage de mai 1761 à janvier 1762
et  peut-être  un second de mars 1762 à février  1763.  De
toute façon, Pierre DU BOURG dut être de retour à Bordeaux
au début de 1763, puisque c'est en décembre qu'y naîtra sa
fille Françoise.  Mais c'est à Saint-Domingue que naît, en
février 1766,  Louis Valentin Guillaume.  L'arrivée des DU
BOURG  dans  l'île  se place dont entre  ces  deux  dates,
vraisemblablement au premier trimestre 1765.

3. L'oeuvre de Pierre DU BOURG à Saint-Domingue

     Tout  laisse à croire que c'est comme  négociant  que
Pierre DU BOURG s'installe au Cap Français.  Il y est,  en
effet,  bientôt  maître  d'une  grande maison à  usage  de
commerce, au coin de la rue de la Fontaine et de la rue du
Vieux Gouvernement. Cette dernière était toute occupée par
des maisons de commerce et par les magasins des capitaines
de navire.
     Cette maison se composait d'un magasin, faisant coin,
de  60 pieds (19,50 m.) de profondeur.  A  côté,  dans  le
fond,  une  grande dépendance et une cuisine sur la rue de
la Fontaine.  Sur la rue du Vieux Gouvernement, une grande
chambre,  une autre, une autre encore, faisant le coin des
deux  rues,  et  deux chambres à  la  suite,  la  dernière
formant un magasin qui se prolongeait à 60 pieds.  Le tout
était  entouré sur la rue d'un grand balcon en fer de  120
était  entouré sur la rue d'un grand balcon en fer de  120
pieds.  Au premier, un cabinet et deux chambres sur la rue
du  Vieux  Gouvernement,   puis  trois  chambres  et  deux
cabinets de l'autre côté.  Au total, une bonne douzaine de
pièces  principales,  le  premier  étage étant  réservé  à
Pierre  DU  BOURG.   Plus  tard,  un  deuxième  étage  fut
construit pour l'usage de son fils Louis,  ce qui fait  de
cette  maison l'une des rares demeures à deux étages de la
ville.  MOREAU  de SAINT MÉRY n'en dénombre que  trois  ou
quatre.

     Les acquisitions de terre commencèrent dès l'arrivée,
en 1765.  Elles ont été lentes et ne constituèrent que peu
à  peu une grande plantation.  Mais leur suite traduit  un
plan  et  l'espoir d'installer une belle caféière dans  un
quartier de morne : celui du Haut du Trou-du-Dondon. c'est
le plus beau,  le plus étendu,  le plus fertile,  le  plus
riche des neuf cantons du quartier du Dondon.
Il  renfermait  quarante habitations et  produisait  1.700
tonnes  de  café par an.  On serait porté à penser que  la
tonnes  de  café par an.  On serait porté à penser que  la
première acquisition représentait les revenus du  commerce
de Pierre DU BOURG. Mais l'on connaît les usages de Saint-
Domingue :  on ne payait jamais comptant qu'une partie des
fonds, le tiers au plus à l'ordinaire, le reste se soldant
avec les produits du fonds,  lentement, quelquefois en dix
ans.
     On  peut donc imaginer que ce fut pour se payer d'une
grosse  créance  que Pierre DU BOURG se  rendit  acquéreur
d'une  première  place de  morne,  appartenant  à  Nicolas
DUBUISSON,  qui  couvrait  27 carreaux,  soit  environ  30
hectares.  Toutefois, l'acte notarial stipule que l'acqui-
sition  était  faite sous l'obligation de payer une  rente
viagère de 16.000 francs aux créanciers de  N.  DUBUISSON,
ainsi   qu'une   somme  en  capital  de  200.000   francs.
L'ensemble  paraît déjà bien gros et il  n'est  d'ailleurs
pas fait mention d'une créance de Pierre DU BOURG.  Tout a
été   ponctuellement  réglé  jusqu'en  1791,   époque   de
l'incendie qui a ravagé la propriété.

     Puis,  de 1765 à 1769, Pierre DU BOURG achète succes-
sivement plusieurs habitations :  Delisle, d'abord, appar-
tenant à la veuve DELISLE,  née DUBUISSON,  puis  Charest,
appartenant  à la veuve CHAREST née DUBUISSON,  qui  avait
épousé en premières noces M.  de MAULÉON,  représentant 53
carreaux.  L'habitation  Delisle  était  une  caféière  et
venait  d'un  DELISLE,  chirurgien en  1750.  Les  DELISLE
n'avaient vendu là qu'une partie de leurs terres.
     Pierre  DU  BOURG y ajoutait ensuite 36  carreaux  de
bois.  Cet  ensemble  de 116 carreaux (soit  130  hectares
environ) formait,  en 1769, la totalité de la propriété du
Bourg du Haut du Trou-du-Dondon.  Elle est relevée dans un
des  six volumes de l'indemnité de 1836 pour une valeur de
490.000 livres (argent de France).  Rappelons qu'une livre
de 1789 représentait un franc-or.

     De  1769 à 1777,  nous n'avons trouvé aucune  mention
d'achat de terres par Pierre DU BOURG. Il semblerait qu'il
ait alors voulu asseoir sa situation.  Et ce serait  grâce
aux revenus de sa maison de commerce,  plutôt qu'à ceux de
sa propriété du Haut du Trou qui doivent seulement couvrir
les  échéances de la vente,  que Pierre DU BOURG achète  à
Jean-Baptiste  ESCOT,  le 14 avril 1777,  un terrain de 15
carreaux situé à la rivière Marion.  Cette propriété avait
été acquise par ESCOT en 1774, à Me Valentin Lacassagne.
Le  terrain était bordé à l'est par la rivière  Marion  et
les  terrains  formant  l'habitation des héritiers  de  M.
DECRISOEUIL,  au nord et à l'ouest par les terrains de  M.
MEREY, au sud par le terrain de JOLICOEUR, nègre libre.
     La  vente  avait  été faite  devant  Me  Leudière  de
LONGCHAMPS. Le 17 Avril, devant le même notaire, Pierre DU
BOURG  afferme  la propriété à J.B.  ESCOT.  Mais  l'année
suivante, le 11 décembre 1778, il résilie le bail (Notaire
Me Briffault).
     Sur le terrain,  une grande case maçonnée, comportant
une salle,  deux chambres,  six cabinets et deux galeries,
une  remise,  un  poulailler,  un colombier,  un corps  de
bâtiments  de  12  chambres,  une  tonnellerie  avec  deux
chambres, un bassin à sirop, enfin une autre case. Le tout
pour  30.000 livres, dont 9.000 à payer en trois ans.



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Révision 24/12/2004