G.H.C. Bulletin 73 : Juillet-Août 1995 Page 1391
Il y a eu des POULLET en Guyane au XIXe siècle
André Barthélemi
Dans le n° 29 de GHC (juillet-août 1991), page 375,
Rolande Hlacia établit la généalogie de la famille POULET
(ou POULLET) à la Martinique depuis l'ancêtre Jean, né à
Brainville (France) en 1602, jusqu'en 1850. Parmi ses
membres se trouve une Marie Agathe POULLET BELLECOUR, qui
épouse à Gros-Morne le 22 avril 1788 son cousin Michel
Paul POULET. Or j'ai moi-même dans mes ancêtres un POULLET
BELLECOUR, régisseur d'habitation à Cayenne. Il est né à
la Martinique (sans précision de commune) vers 1802,
d'après son acte de décès, où il est dit avoir 55 ans. Il
se faisait appeler Pierre Jean François BEAUVILLE POULLET
BELLECOUR; il était le fils de François BOVILLE POULLET
BELLECOUR et de Julienne Céleste MORIN SOGRIN. Son père se
prénommait-il vraiment François ? Car j'ai trouvé au
Lamentin une Julienne Céleste MORIN SOGRIN épouse de
Michel qui ne s'appelait pas BOVILLE mais seulement POULET
BELLECOUR. J'aimerais savoir dans quelle commune de la
Martinique est né Pierre Jean François et à quelle branche
des POULET il se rattache.
Dans son article très humoristique de février 1992
(n° 35, p. 528) intitulé "L'amazone de Félix POULLET...",
Rolande Hlacia émet l'hypothèse, avancée par son grand-
père, que les POULLET sont d'origine anglaise. Ses
recherches lui ont permis de découvrir que le personnage
le plus célèbre de cette famille, installée en Angleterre
depuis 1202, est sir Amice POULET qui fut ambassadeur
d'Elizabeth en France et gardien de Marie STUART dans sa
prison. Mme Hlacia trouve cocasse que ce pourfendeur des
catholiques à Jersey ait pu avoir une descendance papiste.
Je puis proposer une autre cocasserie : ce lord et pair du
royaume, chancelier de l'ordre de la Jarretière, s'il est
bien l'ancêtre des POULET de la Martinique, a eu une
descendance d'origine servile.
En effet, Pierre Jean François épouse à Cayenne
Clémentine. Je n'ai pas trouvé la trace du mariage mais il
fut tardif car les premiers enfants de Clémentine, dits
"naturels", portent le nom de leur mère à leur naissance :
Marie Joséphine Eugénie en 1829, Charles Hypolite Wilfrid
en 1831 et Marie Elisabeth Léonine en 1834. Ce n'est
qu'avec la naissance de Pierre Oscar en 1840 que Pierre
Jean François, alors domicilié à Iracoubo, déclare que cet
enfant est de lui et de Clémentine (prénommée pour la
seule fois Marie), sans préciser "son épouse". Mais,
lorsque Pierre Oscar se marie en 1868, il est dit fils
légitime de Pierre Jean François. Lorsque ce dernier meurt
en 1857, il est dit époux de Clémentine. Enfin celle-ci, à
son décès en 1880, âgée de 72 ans, est dite veuve de
Pierre Jean François BEAUVILLE POULLET BELLECOUR.
"Clémentine", un prénom. Il est bien connu que les
esclaves n'avaient qu'un prénom, qui deviendra souvent le
nom de famille de leurs descendants. Lors du décès de
Pierre Oscar, le comparant est Jean Clément CLéMENTINE.
L'épouse de Pierre Jean François est née vers 1808, donc
avant l'abolition de l'esclavage en 1848. Mais elle
n'avait sans doute pas été elle-même esclave car, à la
naissance de Marie Elisabeth Léonine, elle est dite
couturière âgée de 26 ans; et, à son décès, prepriétaire
d'une maison à Cayenne. Elle était la fille de Louise,
sans indication de père. Encore un prénom qui deviendra un
nom : au décès de Clémentine comparaît Michel Arcade
LOUISE.
Le microfilm 55/73, consulté à Aix-en-Provence, contient
la naissance de 24 enfants portant le nom de LOUISE, nés
pendant la Révolution et l'Empire dans diverses communes
de la Guyane. J'ai trouvé à Kourou l'affranchissement en
1835 d'une Louise, âgée de 53 ans. Elle est dite épouse de
Toussaint, âgé de 65 ans, natif de la côte d'Afrique et
affranchi la même année. D'après les dates, elle pourrait
être la mère de Clémentine : elle aurait eu 26 ans à sa
naissance. Une autre Louise, "négresse libre", âgée de 27
ans, accouche en 1806 d'un enfant de sexe masculin
prénommé Jean Alcide et, en 1809, d'un autre fils, appelé
Louis (dans cet acte elle est qualifiée de "négresse
affranchie"). Ces deux enfants ont été reconnus par
Jacques Honoré DEDONS dont Louise était la "ménagère
demeurant avec lui". Est-ce cette Louise qui était la mère
de Clémentine ? Elle aurait eu 29 ans à sa naissance. Or
une Louise est née le 25 décembre 1777 à Sinnamary. Tant
que je n'aurai pas trouvé la naissance de Clémentine, je
ne saurai pas quelle Louise était la mère.
Je précise que Marie Elisabeth Léonine, le troisième
enfant de Clémentine, est mon arrière-grand-mère
maternelle. Lorsque'elle se marie, en 1818, avec Claude
DEMONT, venu de Fleury-la-Montagne (Saône et Loire) et qui
sera suisse à l'église paroissiale de Cayenne, elle
s'appelle seulement BEAUVILLE (le nom de POULET
disparaît). Elle avait longtemps vécu avec DEMONT sans
être épousée (selon une tradition guyanaise post esclava-
giste) : tous ses enfants s'appelaient CLÉMENTINE, y
compris ma grand-mère Louise Marie Joséphine, née en 1857.
Ils ne seront reconnus par leur père qu'en 1878, l'année
du mariage et dix mois avant son décès.
Ainsi, des filles d'esclaves sont entrées dans la
famille POULET. C'est un autre "clin d'oeil de
l'Histoire".
Eléments de généalogie en Guyane
I François BOVILLE POULET
x Julienne Céleste MORIN SOGRIN
II Pierre Jean François BEAUVILLE POULET BELLECOUR
o Martinique ca 1802
+ Cayenne 13 4 1857
x Marie CLéMENTINE, fille de Louise
o ca 1808
+ Cayenne 28 12 1880
III Marie Elisabeth Léonine BEAUVILLE
o Cayenne 2 10 1834
+ Cayenne 9 5 1908
x 27 6 1878 Claude DEMONT
o Fleury la Montagne (71)
+ Cayenne 25 4 1879
IV Louise Marie Joséphine DEMONT
o Cayenne 4 12 1857
+ Cayenne 10 5 1929
x Onésime BOUDINOT
o Sissonne (Aisne) 16 2 1860
NDLR Avez-vous fait des recherches dans le notariat de
Guyane ? Avez-vous cherché à retrouver la piste de ceux
qui déclarent les décès, Jean Clément CLÉMENTINE et Michel
Arcade LOUISE ?
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Révision 21/12/2004