G.H.C. Numéro 69 : Mars 1995 Page 1294

PASSAGERS DES COLONIES A MARSEILLE DE 1749 A 1830
Sylvain Poujol

Les sources

     L'Edit de 1776,  Louis XVI régnant,  avait obligé les 
colonies  à  établir un double des actes  d'état-civil  et 
notariés pour les déposer à Versailles.  Cet édit imposait 
aussi, dans son article 8, l'établissement d'un relevé des 
passagers partis de France et ce,  depuis 1749;  dans  son 
article 20,  il prescrivait, de plus, d'établir des listes 
de  passagers à l'arrivée et ce,  tant dans les  ports  de 
France que dans ceux des colonies (voir GHC p 910).
   Ces registres ont été conservés aux Archives Nationales 
dans la série Colonie F/5B.  Les registres microfilmés  1, 
2, 26 et 52 concernent le port de Marseille.

     Dans le premier,  on trouve les listes chronologiques 
des arrivées et des départs,  de 1749 à 1776 inclus. Elles 
indiquent les noms,  prénoms et qualités des passagers, le 
nom du bâtiment les transportant, la date de son départ ou 
de son arrivée et sa destination aux colonies.
Une  dernière colonne est réservée aux observations.  A la 
fin  de chaque année,  le nombre des passagers arrivés  et 
partis a été comptabilisé (en 1818).

Le microfilm F/5B/2 est fait de même,  et il concerne  les 
années 1778 à 1817.  L'année 1777 manque, ainsi que celles 
de 1794 à 1802 et de 1808 à 1815. Celui coté 26 fournit la 
liste des passagers débarqués à Marseille (1745-1830),  et 
celui  coté 52 ne concerne que les départs de Marseille de 
1749 à 1830, avec une vaste lacune de 1778 à 1817.
F/5B/2 comporte en premier une table alphabétique (suivant 
la  première  lettre) et annuelle des noms des  passagers, 
leur prénom,  qualité, avec la date d'embarquement et leur 
destination. Ce classement des départs a été fait pour les 
années  1749 à 1778.  Il est intéressant pour le  généalo- 
giste qui recherche un ancêtre parti aux colonies.
Ensuite,  ce  registre  présente une liste  des  passagers 
allant  aux  colonies  aux frais du gouvernement et  à  la 
simple  ration,  avec le nom des navires,  de leurs  capi- 
taines et,  plus intéressant,  l'âge des passagers et leur 
lieu  de naissance.  Mais elle ne concerne que le mois  de 
germinal de l'an XI.

Citons ceux originaires de Provence :
MICOLIN Valentin,  49 ans,  né à Marseille, pour la Marti- 
nique.
MICOLIN François,  son fils,  11 ans,  né à  Villefranche, 
pour la Martinique.
REYMOND Joseph Noël, ouvrier, 19 ans, né à Marseille, pour 
la Martinique.
DERLY Jean Pierre,  ouvrier maçon,  38 ans,  né à Lambesc, 
pour la Martinique.
CAMATTE Jean, chirurgien, 23 ans, né à Saint-Cézaire, pour 
la Martinique.
GAMBIASSE Marie,  épouse SECRET,  26 ans, née à Marseille, 
pour la Martinique.
     Dans  ce  même registre F/5B/52,  suit une  liste  de 
passagers, de septembre et octobre 1814, mais sans lieu de 
naissance.  Enfin, de 1818 à 1830, les renseignements sont 
complets,  avec cependant une lacune en 1821 et  l'absence 
de  l'âge et du lieu de naissance en 1824,  1825 et  1826. 
Nous en avons dressé une table alphabétique qui permet  de 
se référer aux documents photocopiés (voir GHC p 1108).

     En  examinant  les lieux de  naissance,  il  apparaît 
qu'environ 25% des passagers sont originaires de Marseille 
et  autant de Provence;  les autres sont nés dans le quart 
sud-est  (17%) et ailleurs en France (9%);  enfin,  11%  à 
l'étranger et 10% dans les îles françaises.

     Quant à l'âge, ce sont les adultes de 20 à 30 ans qui 
prédominent  (37%),  mais  il  y a aussi des  enfants  qui 
suivent leurs parents,  et des personnes âgées (un  prêtre 
corse de 75 ans).

     Les  métiers qu'ils exercent sont très variés  :  les 
plus  nombreux sont négociants  (22%),  commis  (21%),  et 
artisans (21%);  d'autres sont domestiques,  marins, mili- 
taires;  il y a très peu de cultivateurs.  On trouve aussi 
des propriétaires et des étudiants.

     Leur  destination (toujours pour les départs sous  la 
Restauration)  est  la  Martinique,   dans  45%  des  cas. 
Viennent ensuite,  l'île Bourbon (la Réunion),  avec 26%, 
et la Guadeloupe, avec 17%. Enfin, 8 % des voyageurs vont 
au Sénégal et 4% à Cayenne.

Courbes d'activité du port de Marseille pour les colonies

     A  partir des chiffres de départ (de 1749 à 1830)  et 
d'arrivée  (de  1749 à 1817),  nous avons dressé les  deux 
courbes : elles montrent les répercussions de la Guerre de 
Sept ans (1756-1763) et de celle de l'Indépendance  améri- 
caine  (1776-1783)  avec,  dans les deux  cas,  une  forte 
augmentation  consécutive  des  départs.   La  baisse  des 
chiffres  de  1790 à 1793 est bien sûr en rapport avec  la 
Révolution,   dénotant  exceptionnellement,  en  1792,  un 
chiffre  plus  élevé  d'arrivées que de  départs  (dû  aux 
événements dans les îles).
     En  l'an X,  les départs étaient nombreux,  mais  dès 
1804,  et  par la suite avec le  blocus  continental,  ils 
avoisinent zéro.
     A  la Restauration,  il y a une remontée de la courbe 
des  départs  (315 passagers en 1815,  puis une  baisse  à 
moins de 200) et enfin,  une légère recrudescence à partir 
de 1826.

           Destination des passagers au départ.

     Au  cours  de la première  décennie,  le  plus  grand 
nombre  des  passagers  se rend à la  Martinique  (140  en 
1750).  Saint-Domingue  est bien au-dessous :  62 la  même 
année.  Mais  les  chiffres  de passagers  pour  ces  deux 
colonies s'égalisent vers 1770,  puis s'inversent :  c'est 
Saint-Domingue  qui devient la destination prédominante en 
1776 (173 passagers,  contre 142 pour la  Martinique).  La 
Guadeloupe  est  loin  derrière (21  personnes)  et  cette 
année-là,  il  y  en a onze pour Cayenne,  dix pour  l'île 
Bourbon (la Réunion) et cinq pour les Indes.

    Dans la dernière décennie de l'Ancien Régime, l'impor- 
tance de St-Domingue s'affirme :  en 1790,  304 y partent, 
contre 137 pour la Martinique.  Le nombre de ceux qui vont 
en  Guadeloupe augmente (31 passagers),  mais  reste  bien 
inférieur  à ceux de la Martinique.  Enfin,  Ile de France 
(Maurice) et Bourbon confondus reçoivent 26 personnes.





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