G.H.C. Numéro 69 : Mars 1995 Page 1295

PASSAGERS DES COLONIES A MARSEILLE DE 1749 A 1830

          Observations sur les registres 1 et 2.

     "La  Modeste" est partie de Marseille le 3  septembre 
1766  avec  30  passagers pour le Cap  Français  à  Saint-
Domingue. En observation, il est noté l'incendie du navire 
"par  le  feu  du  tonnerre  dans la  nuit  du  19  au  20 
septembre".  Quatre passagers en sont morts (voir la liste 
plus  bas);  Siffredy Antoine,  négociant,  a gardé la vie 
sauve en se réfugiant sur le beaupré;  un autre,  Perrault 
Pierre,  "s'est  sauvé dans le canot" et il est  revenu  à 
Gênes le 12 octobre. Les quatre passagers morts "s'étaient 
mis pendant l'incendie sur le grand mât du vaisseau".

     Mais  la  plupart  des  observations  concernent  les 
passagers  à l'arrivée.  Ce sont tout d'abord les décès en 
mer,  le plus souvent par maladie :  "L'Hirondelle  ramène 
des   Cayes  Saint-Louis  (Saint-Domingue)  onze   soldats 
commandés par un sergent;  cinq meurent en cours de route, 
cinq autres sont débarqués à Malaga.  Il s'agit sans aucun 
doute  d'une épidémie qui a sévi à bord.  Seuls le sergent 
et un soldat débarquent à Marseille le 24 mai 1780.
     Parfois,  le décès est dû à une noyade;  il est alors 
porté en observation "tombé à la mer et noyé"; ci-joint la 
liste de 79 passagers décédés de 1749 à 1817.

     De  nombreux débarqués ont été condamnés aux  galères 
ou  "à la chaîne".  Ce sont le plus souvent  des  soldats, 
parfois  indiqués  comme  déserteurs;  il y en  a  jusqu'à 
treize en 1785.

     D'autres  arrivants sont bannis  des  colonies,  soit 
pour un temps (2 à 5 ans), soit à perpétuité. C'est le cas 
de François CLÉMENT, boulanger, arrivé de Martinique le 29 
août 1765, de Mathieu BERLIER, banni pour usure (arrivé du 
Cap  Français  sur  le  "Mentor" le  23  septembre  1769), 
DUCROCQ, arrivé du Cap le 13 mars 1770 "banni et fustigé", 
Jean CARRIèRE, arrivé de martinique sur la "Jeune Sophie", 
le  1er  mars 1785.  GOURDAN est "condamné  au  carcan  et 
banni" (1787, arrivé du Cap).

     A  partir  de  1790,  les termes  changent,  mais  le 
résultat  est  le même :  l'on trouve "renvoyé  en  France 
après  jugement prévôtal" (Saint-Domingue) ou "par  réqui- 
sition  du Gouverneur",  ou "renvoyé à la demande  de  ses 
camarades" (pour un fusilier);  un autre est renvoyé comme 
"suspect  et  dangereux",  un troisième "condamné à  tenir 
prison pendant un mois".

     D'autres  observations faites à l'arrivée sont  moins 
dramatiques :  Jean François Marie CARAVEL est "renvoyé en 
France pour cause de folie" sur l'"Aimable Marie", arrivée 
de Martinique le 8 octobre 1764.  De même,  Joseph Gaspard 
MITRE  (pisan) est déclaré "en démence" et débarqué le  17 
juillet 1775 venant de Martinique.

     Des  passagers  clandestins sont signalés  :  sur  la 
"Minerve",  arrivée du Cap Français le 26 août 1792,  deux 
passagers  clandestins  ont  été  "trouvés  à  bord   sous 
voiles"; de même sur le "Joachim", arrivé de Cayenne le 13 
mai  1776,   Pierre  CHARRIOL,   matelot,  Pitre  JANSSEN, 
matelot,  et CUSQUA, nègre, ont été "trouvés cachés à bord 
après le départ du navire".

   Des passagers sont indiqués "malades", ainsi de GUIRAN, 
"élève  de  la Marine,  passant en France  pour  cause  de 
maladie" est arrivé de Martinique le 15 juin 1787.
   Certains  passagers voyagent "au frais du Roi",  soit à 
la ration (celle de l'équipage), soit à la table (celle du 
Capitaine). Par la suite, ce sera "avec ordre du Ministre"

   Parfois, une appréciation d'ordre moral est mentionnée: 
- Jean AUBERT,  arrivé de Martinique le 1er mars 1785  sur 
la "Jeune Sophie",  est déclaré "mauvais sujet"; il en est 
de  même de Joseph TOUCASE,  renvoyé de Martinique sur  le 
"Solide", le 24 février 1775, dit "mauvais sujet envoyé en 
France par ordre du Gouvernement".
- Pierre  DELMAS,  venant  du Cap Français  en  1787,  est 
déclaré "vagabond".
- Pierre  GROUZET,  arrivé de Guadeloupe le 24 juin  1787, 
lui aussi vagabond, voyage aux frais du Roi.
   Le  10  mai  1775 arrive de  Martinique  Jean  Baptiste 
COUNAUD et son frère Joseph,  "renvoyés en France, le père 
de ses enfants auquel ils étaient adressés,  étant  absent 
de la colonie".

   Des soldats ont fait état de leurs congés; deux autres, 
venant de Martinique le 17 janvier 1783 sur "l'Hirondelle" 
sont déclarés "blessés au combat de Saint-Christophe";  ce 
sont Jean PORCHERON,  2ème pilote,  et Hervé ALLEZ, marin. 
Ils faisaient partie du corps expéditionnaire débarqué par 
De  Grasse le 11 janvier 1782 à Saint-Kitts  (anciennement 
Saint-Christophe),  découverte  par Colomb en 1493,  colo- 
nisée  par  les  Français  et  les  Anglais;  elle  devint 
anglaise en 1713 par le Traité d'Utrecht.

     Les   personnalités  sont  signalées,   tel  Monsieur 
d'ARGOUT, "Gouverneur de la partie sud de Saint-Domingue"; 
il  y part le 23 juillet 1763 sur la "Garonne",  avec  son 
fils  Maurice  Robert et trois domestiques.  Sur  le  même 
bateau voyage la fille du Procureur du Roi à  Saint-Louis, 
Monsieur  de  MALVAL,  le Révérend Père  Antoine  VALETTE, 
accompagné  de trois confrères,  est servi par cinq domes- 
tiques. Des passagères sont indiquées comme allant joindre 
leur mari.
     De  nombreux  passagers ont débarqué avant  d'être  à 
Marseille  :  l'un,  parti de Martinique,  s'est arrêté  à 
l'île  la plus proche "La Dominique" (peut-être pour cause 
de  mal  de  mer dans le  canal,  qui  est  assez  agité). 
D'autres  quittent le navire aux escales de Lisbonne ou de 
Cadix,  ou  encore  à  Gibraltar  ou  à  Malaga,  Alméria, 
Barcelone  et  Majorque  des  Baléares.   Enfin,  certains 
débarquent en Provence : à Fréjus (probablement déviés par 
le mistral) ou tout près,  aux îles d'Hyères, à Toulon, au 
Brusc,  et  même  à La Ciotat (les  navires  faisaient  du 
porte-à-porte).

     A  partir  de  l'an X et jusqu'en  1815,  un  certain 
nombre  de passagers au départ sont notés comme  "réfugiés 
ou déportés des colonies".  Ils étaient rentrés en  Métro- 
pole pour fuir les troubles dus à la Révolution Française, 
mais ils repartent pour tenter de nouveau leur chance.
     Enfin,  dans les années 1818 et 1819,  sont indiquées 
les  dates et lieux de délivrance de  passeports,  ce  qui 
peut  permettre une recherche de leur signalement dans les 
Archives départementales.





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