G.H.C. Numéro 68 : Février 1995 Page 1281
COOPÉRATION
de Daniel Marie-Sainte : Les GUIONNEAU (pp. 1220-1221)
L'inventaire après décès de Jean Baptiste Paul Josué
GUIONNEAU (+ Deshayes 6 3 1784) a été établi par Me Dupuch
à Basse-Terre le 21 mai 1784 et il occupe 26 pages. Il
concerne principalement "l'habitation de la Grande-Anse
établie en manufacture à sucre, située au quartier de
Deshayes", qui appartenait en propre à Mme veuve GUIONNEAU
comme l'ayant reçue en héritage de sa mère (inventaire par
Me Mercier le 25 septembre 1771). La superficie totale
n'est pas mentionnée mais 30 carrés étaient cultivés en
cannes. La maison principale , bâtie en charpente de bois
de pays, entourée de planches, couverte en paille, était
divisée en une salle et deux chambres et possédait une
terrasse carrelée en pierres plates et garnie d'un petit
parapet de maçonnerie. Cette habitation de la Grande Anse
devint au XIXe siècle la propriété de Joseph CAILLOU,
commandant du quartier et premier maire de Deshaies en
1838. Mais cette sucrerie, qui était devenue considérable
puisqu'elle comptait 300 esclaves (Journal Commercial de
Pointe-à-Pitre, 5 8 1840) continua à être désignée, jusque
vers 1852 au moins, sous le nom "habitation Guionneau".
NDLR Nous remercions Daniel Marie-Sainte de nous avoir
envoyé la copie intégrale de l'inventaire et nous lui
présentons nos excuses car il nous l'avait envoyée dès le
31 juillet et nous l'avions si bien mise de côté en
attendant de travailler sur la généalogie GUIONNEAU que
nous l'avions oubliée ! Nous extrayons ci-après quelques
éléments de ce gros inventaire :
L'acte est fait à la requête de la veuve, tutrice de ses
enfants mineurs. Il est intéressant de comparer les
prénoms donnés à ceux des actes paroissiaux : Jeanne
Allette Renée (et non Louise Alette) LEVANIER et ses
enfants mineurs Charlotte-Louise (et non Alette
Charlotte), Pauline-Louise-Allette (et non Louise Pauline)
et Jean-Baptiste-Joseph-Paul-Josué (et non Joseph
seulement) GUIONNEAU. Le subrogé tuteur est Pierre Jean
Baptiste Louis PAGÉSY, capitaine aide-major de milice et
habitant au quartier de la Pointe-Noire.
L'inventaire est très détaillé et il est malheureusement
impossible de le reproduire ici. Nous ne donnerons donc
que quelques exemples des articles inventoriés :
- Cuisine : 2 chaudières en fer, 4 canaris et 2 casseroles
en terre, une poêle à frire constituent le seul matériel,
de très peu de valeur (2 à 12 livres); mais il s'y ajoute
"une chaîne en fer avec son tambour, pour enchaîner les
nègres", estimée 66 livres.
- Salle : la vaisselle est abondante, en grès, faïence,
porcelaine, terre, verre et cristal; s'y ajoutent "une
paire de pistolets à canons de fonte garnis en argent, une
montre d'or avec sa chaîne pareille, une tabatière d'or,
une canne à pommeau d'or, deux paires de boucles d'argent
dont l'une à souliers et l'autre à jarretières, une boucle
à col, d'argent, une paire d'éperons d'argent". Quant aux
"linges et hardes à l'usage de M. Guionneau", ils n'ont
pas été estimés "étant en très petite quantité et de peu
de valeur". L'argenterie en argent pèse au total dix marcs
et demi et elle est estimée 892 livres 10 sous.
- les meubles des chambres sont en bois de rose, de
mahogany, de noyer ou de pays et "bois pelé"; mais il y a
aussi "treize fusils de calibre, en mauvais état, laissés
sans estimation et pour mémoire, comme ayant été réclamés
par le garde-magasin du quartier qui prétend qu'ils appar-
tiennent au Roi, réclamation contre laquelle les parties
font toutes les réserves et protestations de droit".
- case : "une baignoire en forme de canot, une jarre à
l'eau de Provence, une horloge de deux heures, deux pots
de chambre de grès, un pot de chambre de Provence".
- linge : sept douzaines de serviettes et cinq nappes;
deux paires de draps et quatre hamacs.
Parmi les esclaves (chacun avec prénom, qualité, âge, et
précision "nègre créole" ou "de nation ibo" ou "câpre",
etc.), on distingue deux listes, celle des 32 "esclaves
restant en nature de ceux apportés par Mme Guionneau" et
celle des 49 "esclaves venant de M. Guionneau"
On fait aussi l'estimation des 8 boeufs, 14 "bêtes cava-
lines", moutons, brebis et cabris. Et les bâtiments,
ustensiles "et autres menus effets", "denrées fabriquées"
(425 formes de sucre, "tant de canne que de sirop", 2
barriques d'eau de vie et 4 de sirop), plantations en
cannes à sucre et vivres (maniocs)...
Tout cela a été fait le vendredi 21 mai 1784. Le lundi 24
mai, on recommence à 7 heures du matin pour les papiers :
créances (peu !) et dettes d'un montant total de 127.763
livres 5 sols 3 deniers, au curé et à la fabrique, au
Domaine du Roi (1240 livres pour les capitations de 1782
et 1783), aux srs PASQUET, raffineur, BOURGADE, DUMAINE et
MALLEVILLE, chirurgiens, LAVERGNE, BELOSTHE et RENAUDOT,
médecins, AUBIN, PELISSIER et SURIAN, négociants à Basse-
Terre, et encore Jean-Baptiste métis libre, Jean Louis dit
PETIT mulâtre libre, les héritiers de Me MERCIER, la veuve
BUDAN, les sieurs COUPART, DUPRAY, GOSSE BRESSY, et enfin
la demoiselle Charlotte GUIONNEAU, soeur du défunt.
En "or et argent monnoyés", il y a 2.086 livres (sucres
vendus), 200 livres (eaux-de-vie vendues) et 2.000 livres
trouvées "en différentes espèces".
Les "titres et papiers" sont le contrat de mariage devant
Me Mercier (17 7 1769); les titres de propriété de l'habi-
tation (dépôt des papiers par M. LEVANIER père chez Me
Dizangremel le 2 7 1761); contrat de mariage du dit sr
LEVANIER avec Jeanne Renée GODET le 20 1 1745 devant Me
Paris; inventaire de la communauté des mêmes et succession
de la dite dame le 13 2 1753 devant Me Blanchet et réco-
lement du dit inventaire devant Me Mercier le 25 9 1771;
règlement définitif de la dite communauté et de la tutelle
que M. LEVANIER avait de sa fille devant le même notaire
le 26 9 1771; procès-verbal d'arpentage de 40 carrés de
terre par le sr CORNETTE arpenteur royal le 17 1 1775 pour
vente à M. PAGÉSY mais vente résiliée depuis devant Me
Mollenthiel le 3 9 1780.
On termine par plusieurs déclarations de la veuve à propos
de certaines dettes et de certains esclaves morts ou
vendus depuis le récolement d'inventaire du 25 septembre
1771.