G.H.C. Numéro 64 : Octobre 1994 Page 1170
Les registres de catholicité et d'état civil de Goyave
Marie ROUSSEAU, veuve de feu le sieur Louis PAULIN, natif
de la Goyave, fille de feu le sieur Louis Quantin ROUSSEAU
et de demoiselle Marie LEMAISTRE.
Et le 23 août 1790, eut lieu à la Petite Goyave un curieux
mariage consanguin (quoiqu'ayant fait l'objet d'une
dispense papale), celui en secondes noces de ce même
Jacques DESALLES, alors âgé de 73 ans, avec sa nièce
demoiselle Marie-Rose DESALLES, 23 ans, fille de feu Jean-
Baptiste DESALLES, et feue Marie-Rose RIMBAUD, habitants
du quartier, qui "a librement consenti à se marier avec
son oncle". Le curé se transporta, pour la circonstance,
sur l'habitation du futur, "autorisé à se marier dans une
maison particulière à cause de son grand âge et de ses
infirmités".
Dans les registres de la paroisse de la Goyave, l'ultime
acte d'ancien régime porte la date du 9 décembre 1791.
Sous une plume hâtive, "MASSEL, curé", fait mention du
décès, la veille, chez madame veuve RICORD, de Jeanne,
mulâtresse libre ... Les grondements révolutionnaires se
faisaient déjà entendre.
C'est ce même registre qui sera repris et continué en 1807
par un officier d'état civil.
De 1792 à 1806, s'ouvre dans les turbulences de la Révo-
lution, un gouffre de 14 ans !
En septembre 1802, un arrêté du capitaine général Lacrosse
et du préfet colonial Lescallier réorganisait territoria-
lement la Guadeloupe. Les "cantons" de la Goyave et du
Petit-Bourg furent alors réunis en un seul quartier. Cette
division administrative était régie par un commissaire
commandant ou commissaire du gouvernement, résidant dans
le chef-lieu du quartier (ici Petit-Bourg), et suppléé par
un commissaire greffier. On peut donc découvrir pour cette
époque quelques actes relatifs à Goyave dans les registres
de Petit-Bourg, qui comportent malheureusement, eux aussi,
d'importantes lacunes.
Le premier acte d'état-civil à proprement parler, dressé à
Goyave même, date du 1er janvier 1807. Il renseigne sur la
naissance de Claire Françoise Angélique ROUSSEAU, fille de
Gabriel Jean-Baptiste Quantin ROUSSEAU, habitant sucrier
(juge de la Cour d'appel de la Guadeloupe, cf. acte du
25.12.1809) et de Claire Blanche Augustine BUDAN, son
épouse. Goyave a alors une administration locale propre,
puisque les actes portent la signature de Joseph DURAND,
"commissaire commandant, remplissant les fonctions
d'officier civil", puis celle de Pierre Alexandre Osmond
PRONZAT, "secrétaire greffier du commissariat du quartier
de la Goyave". Dès 1804, Joseph DURAND, 41 ans, est
"commissaire du gouvernement à la Goyave", comme l'indique
l'acte de mariage à Capesterre, le 8 ventôse an 12, de
Louis MARTIN, officier de santé, originaire de la Haute-
Charente, dont il est l'un des témoins.
Le 1er octobre 1807, François dit Marcellin, mulâtre libre
patenté, habitant vivrier, se présente au domicile de M.
Pronzat pour déclarer le décès de son fils, issu huit mois
plus tôt, de son légitime mariage avec la nommée Reine. Le
secrétaire greffier du commissariat du quartier de la
Goyave se transporte alors de suite dans la maison du
comparant, sise sur l'habitation dite d'Abraham, où étant,
il dressa "le procès-verbal pour constater la vérité du
fait énoncé par le comparant".
Depuis, plus aucune déclaration pour l'année 1807. Le
registre fut clos et arrêté par Osmond PRONZAT le 31
décembre. Comment alors expliquer la lacune de l'année
suivante ? Le secrétaire greffier aurait-il quitté le
quartier ?
1809 et 1810 : les actes sont signés "Suaire MICARD".
Secrétaire greffier remplissant les fonctions d'officier
civil de la Capesterre, il était aussi chargé du quartier
de la Goyave.
De 1811 à 1815, lacunes. C'est la période d'occupation
anglaise.
"Les registres de M. Henry DESALLES, alors officier civil
de la Goyave, ne se retrouvant pas", M. Amédée ROUSSEAU,
habitant le plus distingué du quartier, fait de nouveau
enregistrer, le 23 novembre 1818 à Petit-Bourg, la
naissance de son fils Henry, survenue sur son habitation
le 25 février 1814.
Par décision de Sir James LEITH, gouverneur de la Guade-
loupe pour le Roi d'Angleterre, le quartier de la Goyave
avait, en effet, été rattaché en 1815 à celui du Petit-
Bourg, et placé sous le même commandement. La population,
considérablement diminuée depuis la période révolution-
naire, avait du reste déjà coutume de se rendre à Petit-
Bourg pour les offices religieux. Cela, depuis 1802, date
de la révolte noire pour la liberté qui, le 23 mai,
emporta dans les flammes le bourg de la Goyave et son
église (Conseil privé de la Guadeloupe, 3 mai et 1er août
1827).
Un nouvel officier civil des quartiers réunis de la Goyave
et du Petit-Bourg, Jean-Luc DESCOMBES, prend ses fonctions
en octobre 1817. D'entrée, il signale que les registres
tenus par ses prédécesseurs, et qui lui ont été remis par
Monsieur VAULTIER de MOYENCOURT, commandant les quartiers
de la Goyave et du Petit-Bourg, ne sont à jour que
jusqu'en novembre 1816, que "depuis cette époque, ni les
naissances, ni les mariages, ni les décès n'ont été
enregistrés suivant les lois, et malgré les ordres du
gouverneur".
Alors, M. Descombes écrira à toutes les personnes se
trouvant, de fait, dans l'illégalité pour défaut de décla-
ration, les engageant à régulariser leur situation. C'est
ainsi, par exemple, que madame veuve Nicolas BONFILS
exposa qu'elle n'avait pu faire, dans le temps, c'est-à-
dire en 1817, dresser l'acte de décès de monsieur son
époux, parce que l'officier civil de la Goyave était mort
et non remplacé (il s'agit sans doute de M. Henry
Dessalles), elle n'avait eu qu'un extrait mortuaire du
curé - qui ne peut être que celui du Petit-Bourg, comme
déjà expliqué plus haut, la paroisse de la Goyave n'ayant
à l'époque ni église ni presbytère, ni pasteur.