G.H.C. Numéro 64 : Octobre 1994 Page 1171
Les registres de catholicité et d'état civil de Goyave
Le décès, le 15 mars 1817, sur son habitation de la
Goyave, de Nicolas BONFILS, "âgé de 45 ans et quatre
mois", natif de Sainte-Rose, fils de feu monsieur Hubert
Robert André Bonfils et de dame Suzanne Adélaïde de
Vipart, n'est en définitive enregistré à Petit-Bourg que
le 25 février 1818.
Le comte de LARDENOY, gouverneur de la Guadeloupe, dans
une circulaire prise à Matouba-Guadeloupe le 10 novembre
1818, mettait solennellement en garde "MM. les habitans,
fonctionnaires publics, ministres du culte, et tous autres
qu'il appartiendra", leur rappelant les procédures rela-
tives aux déclarations des naissances et des décès, devant
être faites, dans les délais prescrits, aux Bureaux de
l'Etat civil :
"Malgré, écrit-il, l'importance bien reconnue de la Loi
concernant l'état civil, sur l'exécution de laquelle
repose tout l'ordre public et toute l'économie sociale, un
grand nombre d'habitans de la colonie en violent chaque
jour les dispositions les plus essentielles. Les uns se
contentant de faire administrer, par les ministres du
culte, les cérémonies religieuses du baptême, ne font
point les déclarations de naissance devant l'officier de
l'état-civil. Les autres inhument et font inhumer les
corps des décédés, sans aucune déclaration du décès.
Cependant, ils doivent savoir que les registres tenus par
les ministres du culte ne peuvent, d'après nos lois,
suppléer les registres ordonnés pour constater l'état
civil des Français".
Le 30 juillet 1818, le gouverneur s'était déjà adressé,
par circulaire, aux commandants de quartier :
"Les registres de l'état civil, archives précieuses qui
fixent à certains égards le sort des individus et doivent
prévenir une multitude de procès, sont, presque partout,
tenus avec une grande négligence. Je ne puis vous dissi-
muler que je suis, en général, mécontent de MM. les
officiers chargés de cette partie. Vous voudrez bien avoir
soin de vous faire représenter, de temps à autre, ces
registres, pour vous assurer qu'ils sont confectionnés
avec l'exactitude et la propreté nécessaires, et que les
doubles expéditions destinées au dépôt de Versailles se
font au fur et à mesure des déclarations, afin que leur
envoi au ministre puisse avoir lieu dans les derniers
jours de janvier de chaque année. Il faut que l'officier
civil dépose chez vous, dès le commencement du nouvel an,
ses doubles minutes, avec leur répertoire en triple expé-
ditions pour être transmis par vos soins à M. le Procureur
du Roi au ressort de votre arrondissement, lequel, après
vérification, y apposera son visa et me les fera parvenir
ensuite".
Jean-Luc DESCOMBES fut, lui, un fonctionnaire conscien-
cieux. Il lui arrivait même de se déplacer sur des habi-
tations particulières de la Goyave. Ainsi, le 23 novembre
1818, à deux heures de relevée, au domicile de M. Amédée
ROUSSEAU (qui avait commandé son quartier, avant le ratta-
chement de celui-ci à Petit-Bourg), furent unis Jean
Joseph ARNOUX, né à Marseille, âgé de 38 ans, et Marie
Thérèse DUMESNIL, 25 ans, native de la Goyave. L'acte se
trouve évidemment dans les registres de Petit-Bourg.
C'est en 1827 que fut prise, par le gouverneur baron des
Rotours, la décision de séparation des quartiers du Petit-
Bourg et de la Goyave qui, de nouveau, formèrent comme
autrefois deux quartiers distincts. Au mois de mai, Goyave
retrouva son administration et son chef local. En août,
elle fut autorisée à entreprendre la reconstruction de son
église et à redevenir aussi une paroisse particulière.
A partir de 1828, St-Victor d'OZNIèRE, "officier de
l'état-civil des quartiers du Petit-Bourg et de la Goyave,
à la résidence du Petit-Bourg", tiendra pour chacun des
deux quartiers un registre distinct.
En 1829, faute d'officier d'état-civil, aucun acte n'est
porté au registre de Goyave.
1830. Toujours pas d'officier d'état civil dans la
localité. Valentin Joseph CAIGNETTE, officier de l'état
civil du quartier de la Capesterre, exerce aussi à Goyave.
Le 9 septembre, il unit Jean BENOîT, homme de couleur
libre, charpentier, natif du quartier du Gosier, et
Antoinette dite CHÉRODE, métisse libre, originaire de
Fort-de-France en Martinique, "au domicile du commandant
du quartier de la Goyave". L'acte est transcrit sur le
registre de Goyave.
Quel était ce commandant, peut-on alors se demander ?
Amédée ROUSSEAU avait, certes, repris le commandement
particulier de son quartier en 1827. Mais en juillet 1830,
un incendie "aperçu au bourg de la Capesterre", consomma
en entier sa maison principale et toutes ses dépendances.
Dans ce malheur, il demanda à la colonie un secours que le
Conseil privé rejeta ! (séance du 5 août 1830). Cette
circonstance l'aurait-elle amené à se démettre de ses
fonctions de commandant de quartier ? Toujours est-il
qu'en 1831, et peut-être un peu avant, Pierre Louis
Georges CÉLORON de BLAINVILLE prend la délicate succession
du plus éminent fonctionnaire de la localité.
1831 est aussi l'année où l'état-civil de Goyave est réuni
à celui de Capesterre. Louis-Marie ROUTHIER, "officier de
l'état civil des quartiers de la Capesterre et Goyave",
recevra jusqu'en 1835 les déclarations des habitants de
Goyave, une fois de plus sous tutelle d'une de ses
voisines.
En juin 1835, Goyave a enfin son propre officier d'état-
civil, Alphonse BOUIRE, dont la calligraphie régulière et
la signature distinguée viennent donner aux registres,
impeccablement tenus, l'air de renouveau dont ils avaient
tant besoin, et aux habitants de la Goyave, le sentiment
de fierté que leur infortune avait avili.
Le premier maire de la commune de la Goyave, Hippolyte
ROUSSEAU (neveu d'Amédée), nommé en janvier 1838, avec
l'institution municipale, eut pour adjoints successifs,
Alphonse BOUIRE, qui continua à remplir ses fonctions
d'officier de l'état civil, Amédée ROUSSEAU, jusqu'à son
décès en octobre 1839, puis CÉLORON de BLAINVILLE, déjà
cité lui aussi.
Quoique avec l'abolition de l'esclavage en 1848 le volume
des registres d'état-civil de Goyave ait considérablement
augmenté, le cheminement en leur sein est aisé. Aussi, je
lève les balises, car ici se termine notre parcours guidé.