G.H.C. Numéro 62 : Juillet-août 1994 Page 1108
Antoine FUET, "Capitaine Moëde"
Marily Gouyé-Pétrélluzzi, B. et Ph. Rossignol
Sainte-Croix de la Roncière, dans le premier de ses
livres sur les "Grandes figures coloniales" consacré à
"Victor HUGHES le conventionnel" (Paris 1932), évoque les
corsaires de la Guadeloupe.
"On a peine à croire qu'une petite île comme la
Guadeloupe a pu si glorieusement se mesurer avec la toute
puissante Angleterre, devenue maîtresse de la mer, et, de
plus, déclarer la guerre à un autre colosse, les Etats-
Unis (...). Cette lutte était d'autant plus extraordinaire
qu'elle se poursuivait entre les petits navires corsaires
et les puissants vaisseaux anglais et américains, et ce
sont les premiers qui avaient l'avantage."
Parmi les corsaires les plus connus était Antoine
FUET surnommé "Capitaine Moëde" à la suite d'un combat que
l'auteur décrit en détail et que nous résumons ci-après.
Il revenait d'une croisière très fructueuse sur son
bateau "La Thérèse", ayant pris entre autres une certaine
quantité de petits barils pleins de "moëdes", pièces d'or
portugaises, très communes alors aux Antilles et valant 45
francs (le louis en valait 47). Près de la Guadeloupe un
brick anglais lui barra la route et Fuet malgré son infé-
riorité accepta le combat. "Trente-cinq hommes à la
mousqueterie avaient devant eux des piles de fusils tout
chargés et faisaient un feu continu (...). Les servants
des pièces étaient noirs de poudre et luisants de sueur.
Vingt-cinq nègres étaient occupés à monter les boulets du
magasin et à les entasser dans les caissons. Fuet, à la
barre, dirigeait la manoeuvre (...). Durant sept heures la
lutte fut infernale, les deux navires étaient littérale-
ment troués comme une écumoire, lorsque son maître
canonnier vint lui dire que les boulets allaient bientôt
manquer (...). L'ennemi était là, désemparé, les voiles en
pantenne, plusieurs vergues brisées. Ce n'était le moment
d'arrêter le combat. Résolu à vaincre, il releva fièrement
la tête et commanda :
- Qu'on défonce les barils et qu'on charge les canons avec
les pièces d'or et, sous cette mitraille dorée, courons à
l'abordage.
Ce qui fut fait. Jamais, depuis que la flibuste
portait sous les tropiques le drapeau noir bordé d'argent,
à la tête de mort, on n'avait vu un pareil combat doré.
Les nègres apportaient près de chaque sabord les barils de
moëdes et les ouvraient sur le pont. A pleines pelles, les
canonniers puisaient dans le tas et bourraient leurs
pièces de ces écus tout reluisants qu'ils envoyaient avec
des cris de joie à l'ennemi.
(...) Tous les Anglais sont tués. Les vainqueurs
poussent alors un même cri : Vive le capitaine Moëde !
Antoine Fuet entra triomphalement dans la rade de
Pointe-à-Pitre, traînant à la remorque le brick de guerre
anglais, son équipage enthousiasmé répétant en choeur :
Vive le capitaine Moëde ! Le surnom lui resta.
De la coque du brick capturé on tira mille huit cent
treize écus de bon aloi et les chirurgiens parvinrent à
retrouver dans le corps des Anglais morts plus de trois
cents autres pièces à l'effigie du roi du Portugal."
Né à Narbonne en 1766, Antoine FUET se trouvait en
Guadeloupe comme capitaine d'un navire de Bordeaux lors de
la reprise de l'île par Victor HUGUES qui le fit corsaire.
Il devint le plus riche corsaire de la Guadeloupe et se
maria à 34 ans le 2 juin 1800 à Basse-Terre avec Marie
Magdelaine DUTOUR, née en cette ville, fille de Jean,
négociant natif d'Eymoutier en Haute-Vienne et Marie
Magdelaine MICHAUD.
A la paix d'Amiens (25 mars 1802) il devint un riche
et paisible négociant de Pointe-à-Pitre. NAPOLÉON reconnut
ses services en faisant de lui le premier chevalier de la
Légion d'honneur de Guadeloupe.
Le traité d'Amiens rompu par l'Angleterre le 12 mai
1803, FUET redevint un glorieux corsaire sur une frégate
anglaise qu'il avait prise à l'abordage. "Un jour il
partit en course et ne revint pas. Une tempête avait
englouti le navire et l'équipage. L'Océan fut son tombeau"
Ici s'arrête le récit de Sainte-Croix LA RONCIèRE.
Marily Gouyé-Pétrélluzzi a retrouvé dans les registres de
Pointe-à-Pitre la déclaration de son décès, faite beaucoup
plus tard, les 1er et 3 janvier 1813.
Le premier janvier 1813, Monsieur Nicolas JOUMARD,
négociant résident à Pointe-à-Pitre, demande de transcrire
l'ordonnance du Président du Tribunal de première instance
homologative de l'enquête faite pour constater le décès du
sieur Antoine FUET dont la déclaration n'avait pu être
faite dans son temps. Cette enquête, faite à la demande de
la veuve le 24 12 1812, établit "que la goëlette à trois
mâts, ci-devant nommée "La Sainte-Lucie" et en dernier
lieu "L'Insolente", armée en course et partie de ce port,
commandée par le capitaine Antoine Fuet, montée de cent
vingt quatre hommes d'équipage a péri en pleine mer, sans
qu'aucun individu de l'équipage se soit sauvé."
Le trois janvier comparaît "la dame Marie Magdelaine
DUTOUR, veuve du sieur Antoine FUET, vivant capitaine de
corsaire, icelle demeurant en cette ville", accompagnée du
même Nicolas JOUMARD, négociant, et de Pierre MACRESSE,
tourneur, qui en exécution de l'ordonnance du président du
tribunal du 31 12 1812, déclare que son mari, "natif de
Narbonne département de l'Aude, fils légitime de Jean FUET
et Margueritte CAILANE, parti de cette rade, dans l'année
1807 et lors âgé d'environ 48 ans, sur la goëlette à trois
mâts (...) "L'Insolente", (...) a péri en pleine mer."
Et, le 23 février de cette même année 1813, que
croyez-vous qu'il arriva ? La veuve du glorieux corsaire
épousa le négociant JOUMARD...
NOUS AVONS REÇU
Passagers pour les colonies au départ de Marseille
sous la Restauration (1818-1830)
Sylvain Poujol
Association généalogique du Var
Il s'agit de la photocopie du microfilm concernant le port
de Marseille dans la série "Passagers" (Colonies F5/B 52),
accompagnée d'un classement par noms des passagers et d'un
classement par lieux de naissance. Voilà une oeuvre de
patience bien utile, comme on aimerait en voir beaucoup.