G.H.C. Numéro 62 : Juillet-août 1994 Page 1105
Pierre Emmanuel PIAUD à la Guadeloupe sous la Révolution
l'hospice maritime, d'après un ordre ministériel transmis
par le télégraphe "par suite des dernières fonctions qu'il
avait remplies à la Guadeloupe de secrétaire général du
Conseil". "Transféré ... à Paris, et après une nouvelle
détention ou dépôt provisoire, sans écrou et sans
jugement, les tribunaux ayant déclaré qu'il n'y avait pas
lieu à accusation, a été rendu solennellement à la
liberté, avec tous ses compatriotes, le 26 novembre 1803,
et admis ce même jour, par le département de la guerre, au
traitement de réforme de son grade de capitaine".
PIAUD ajoute au renvoi "Le jour de notre mise en liberté,
après quinze mois de détention, le Grand Juge ministre de
la justice nous déclara publiquement que le gouvernement
avait été dans le principe induit en erreur sur notre
compte et l'avait chargé de nous le témoigner, en nous
autorisant à faire toutes les réclamations en indemnité.
Cent témoins furent entendus dans cette affaire, officiers
militaires, habitans planteurs, armateurs et capitaines
de commerce, etc., et leurs témoignages reçus séparément
se trouvèrent unanimes et justifièrent non seulement de
notre parfaite innocence, mais encore de notre courage et
de notre dévouement auxquels les habitants de la Guade-
loupe étaient redevables du salut de leurs personnes et de
leurs propriétés, et la France de la conservation d'une
importante colonie".
Ne pouvant espérer retourner à la Guadeloupe tant que
continuait la "Guerre maritime" qui avait succédé au
Traité d'Amiens, dépourvu de moyens d'existence et
souffrant de ses mois de détention, PIAUD accepte un poste
dans l'administration de la marine du port de Rochefort où
il avait retrouvé sa femme et sa fille.
Voici ce qu'il écrit à ce sujet :
"Ma santé se trouvait altérée par l'effet d'une longue
détention ... Les personnes qui s'étaient unies à mon sort
n'étaient pas dans un état moindre de souffrance. Enfin,
tant que se prolongerait la guerre maritime ... nous ne
pouvions penser à effectuer notre retour à la Guadeloupe
sans nous exposer à de nouveaux dangers et à de nouveaux
malheurs".
Bien qu'il ne le dise pas, il est probable qu'il doive son
poste à l'amitié que ne cessera de lui témoigner l'amiral
TRUGUET. Il est d'ailleurs possible que l'amiral se soit
trouvé en personne à Rochefort à cette période. Lors de la
remise des drapeaux pris à l'ennemi, il avait eu
l'occasion d'apprécier le caractère de PIAUD, ce qui nous
vaut sans doute les lignes suivantes :
"Il convient toutefois, de faire remarquer que je fus
accueilli dans les bureaux de la Marine à Rochefort, avec
tous les égards qu'inspiraient mes longues infortunes, le
grade militaire dont j'avais été revêtu, ainsi que les
hautes fonctions que j'avais remplies dans les colonies".
PIAUD débute dans ses nouvelles fonctions en tant que chef
de bureau à l'inspection, et bientôt succède à M. DELACOUR
dans l'emploi de chef du secrétariat de ce service alors
important, ce qui lui valut un supplément annuel de six
cents francs accordé par l'administration du port et
approuvé par le ministre. Son supérieur, qu'il accompagne
lors de ses inspections, étant tombé malade, c'est lui qui
est recommandé pour cette tournée d'inspection par ce même
supérieur. Durant cette période rochefortaise, PIAUD est
rappelé par deux fois en activité de service. Le 15 avril
1808, il est prié de rejoindre de toute urgence le
quartier impérial de l'armée d'Espagne qui se trouve à
Bayonne. Après avoir été employé à l'Etat major général
jusqu'au 10 mai suivant, il est autorisé à retourner dans
ses foyers "pour y jouir de son traitement de réforme". A
nouveau, au mois d'avril 1811, il est appelé en activité
et opte pour l'administration de la marine, et dès lors,
cesse de toucher son traitement de réforme de six cents
francs attribué à son grade. Pierre Emmanuel PIAUD rejoint
à Paris l'amiral TRUGUET qui vient d'être nommé préfet
maritime de la Hollande. Ceci fait penser que l'amiral ne
l'avait pas oublié.
"Cet amiral, qui avait eu occasion de me reconnaître dès
l'an IV de la République, me fit entretenir dans l'admi-
nistration de la Marine et pourvoir du grade de commis
principal".
Devant s'absenter d'Amsterdam ou de La Haye durant un
mois, l'amiral TRUGUET écrit, le 5 mars 1812, au contre-
amiral VERDOOREN une lettre dont j'extrais ces lignes :
"... Vous voudrez bien ne rien changer à l'organisation du
secrétariat de la Préfecture dont M. PIAUD, commis
principal de marine, est le chef immédiat sous les ordres
duquel j'ai placé tous les employés de ce service. Revêtu
de toute ma confiance, dont il est digne, il mettra
sûrement le plus grand zèle à seconder vos opérations et à
vous tenir au courant... M. PIAUD sera également chargé de
me transmettre confidentiellement à Paris ce que vous
croirez devoir me faire connaître ... qui ne devra être
connu que de vous et de moi. Suivant l'usage établi, M.
PIAUD chargé d'ouvrir mes paquets, vous les présentera ...
dans l'ordre des différents services ...".
Signé : TRUGUET.
De même, à son Exc. le ministre de la Marine et des
Colonies, le 1er janvier 1813. Extrait du rapport général
sur l'arrondissement de la Hollande :
"Mon opinion bien véritable sur M. PIAUD, sous-commissaire
de la marine, secrétaire du conseil d'administration et
dirigeant en chef le secrétariat général de la Préfecture
maritime depuis le mois de mai 1811 ... Cet adminis-
trateur, par son zèle, son activité et son intelligence, a
pleinement justifié l'avancement que votre Excellence a
bien voulu lui accorder ... Je dois ajouter que la manière
dont il a exécuté plusieurs travaux que j'ai pu lui
confier m'a convaincu qu'il réunit à des talents réels
l'expérience de toutes les affaires qui ont rapport à
l'administration de la marine. Je considère M. le sous-
commissaire PIAUD comme un administrateur très distingué
et qui acquiert de jour en jour de nouveaux droits à une
place supérieure".
Alors qu'il avait été proposé pour le grade de commissaire
de la marine, les événements de 1813 empêchèrent cet
avancement auquel il avait droit. L'amiral TRUGUET et
Pierre Emmanuel PIAUD se trouvèrent prisonniers sur parole
à La Haye, d'où ils ne revinrent qu'au mois d'avril 1814
après avoir été pillés par les Cosaques.