G.H.C. Numéro 62 : Juillet-août 1994 Page 1106
Pierre Emmanuel PIAUD à la Guadeloupe sous la Révolution
Sous la Restauration, en 1815, PIAUD se retrouve à Brest,
auprès de l'amiral TRUGUET qui l'avait fait demander, dans
les fonctions de secrétaire général de la Préfecture
maritime. Mais, rappelé à Paris, l'amiral se trouve en
disgrâce, et PIAUD doit piétiner 13 ans dans son grade de
sous-commissaire de la marine, malgré tous les nouveaux
services qu'il avait eu l'occasion de rendre à Brest,
Bayonne ou Rochefort, dans des postes importants.
Voici un autre témoignage à la fois de satisfaction et de
regret : Brest, le 19 février 1816 - l'intendant de la
marine à M. PIAUD, sous-commissaire de la marine à Dinan :
"Monsieur, je vous préviens que le Ministre, par une
dépêche du 13 courant, m'annonce qu'il vous assigne une
nouvelle destination et que vous êtes remplacé à Dinan par
M. le sous-commissaire GAZILLE. J'ai l'honneur de vous
adresser ci-joint l'ordre de vous rendre à Bayonne et de
remettre votre service à cet administrateur. Je présume
que le déplacement entre dans vos arrangements parti-
culiers de famille, et que vous avez pu le solliciter, car
il n'est l'effet d'aucune demande de ma part. J'avais trop
à me féliciter de vous avoir dans mon arrondissement pour
désirer ce changement qui ne peut m'être agréable
qu'autant qu'il puisse l'être à vous-même".
Signé : de MOYDIER.
Cependant, l'amiral TRUGUET l'honorait toujours de sa
bienveillance et persévérait dans le désir de lui être
utile. Il recourut à la recommandation du duc d'Angoulême,
en faisant valoir le service que PIAUD avait rendu à la
duchesse, lors de son embarquement à Pauillac le 2 avril
1815, en écartant les dangers et obstacles que paraissait
lui susciter la garnison de Blaye. A la demande de
l'amiral TRUGUET était joint un placet au même duc.
Enfin, en 1825, PIAUD se voit élever au grade de sous-
contrôleur de la marine, et il est nommé, le 3 novembre
1827, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-
Louis. Il était déjà chevalier de la Légion d'Honneur.
Voici une lettre que l'amiral TRUGUET adresse à PIAUD le
26 novembre 1826 :
"J'ai reçu, mon cher PIAUD, la lettre que vous adressez au
ministre avec l'invitation de la lui remettre en mains
propres. J'ai non seulement rempli vos vues à cet égard,
mais j'ai cru devoir y joindre une note qui le convaincra
du sentiment pénible que j'éprouve, et en même temps de
l'opinion que j'ai de vos bons services et de ce qu'ils
méritent : je vous en transcris une copie.
L'amiral TRUGUET prie S. Exc. le Ministre de la Marine de
lire tout entière et avec un peu d'intérêt la lettre ci-
jointe qu'a l'honneur de lui adresser M. Piaud, l'un des
plus dévoués et des plus intelligents administrateurs de
la marine, et qui, modeste et sans intrigue, n'a cessé,
depuis qu'il est au service, de mériter beaucoup et
d'obtenir peu. Il est vrai que sur une troisième demande
de M. le Dauphin, il a enfin été porté du grade de sous-
commissaire dont il jouissait depuis 13 ou 14 ans, à celui
de sous-contrôleur. Mais ne méritait-il pas le grade de
commissaire de la marine prodigué à tant d'autres si
inférieurs à lui, et la croix d'honneur si répandue dans
l'administration, lui qui présente trente-deux années de
service, dont plus de huit dans les armées de terre, avec
le grade de capitaine, adjoint à l'Etat-major général, et
pendant lesquelles il a rempli les fonctions de gouverneur
de l'île de Marie-Galante ? Il n'est aucun chef supérieur,
dans les postes où il a servi, qui n'ait fait son éloge.
Enfin, M. PIAUD a servi sous les ordres de l'amiral
TRUGUET en Hollande et à Brest, comme secrétaire général,
de la manière la plus distinguée; et c'est pendant que cet
amiral était ministre de la marine que M. PIAUD apporta au
gouvernement, en 1798, des drapeaux pris sur les Anglais à
la Guadeloupe. L'amiral TRUGUET peut donc l'apprécier et
garantir à S. Exc. qu'il est digne d'être nommé à la
première place vacante de commissaire de la marine, et dès
à présent chevalier de la Légion d'Honneur (sic).
L'amiral TRUGUET a l'honneur ... : Paris, le 16 novembre
1826.
Pierre Emmanuel PIAUD prend sa retraite le 13 novembre
1834 comme sous-inspecteur de 1ère classe, avec une
pension de mille neuf cent vingt francs.
Il faudrait joindre à ce qui précède tous les témoignages
de satisfaction, ainsi que les ordres de mission qui se
trouvent au dossier, tant durant son séjour à la Guade-
loupe que durant son service dans la marine, qui sont tous
à l'honneur de PIAUD.
Pour la Guadeloupe, je relève les signatures de quelques-
uns d'entre eux : Lebas; Petit, ministre de la guerre;
général Auguste Paris, général Victor Hugues; Deniau, chef
de brigade; Deshayes, président à Marie-Galante; Besnié,
greffier à Marie-Galante; Lauriat, de Capesterre; Reynaud,
de Vieux-Fort; les onze membres composant l'agence munici-
pale de Réunion-Marie-Galante; Driel, Desfourneaux,
Pelardy, Jeannet, Laveau et Baco, agents particuliers du
Directoire exécutif; R. La Crose, contre-amiral, capitaine
général de la Guadeloupe et dépendances; Pillet,
commandant d'armes à Pointe-à-Pitre. Au total : 37 témoi-
gnages ou ordres.
De même, pour son passage dans la marine : 20 témoignages
de satisfaction, ordres et regrets de ses supérieurs de le
voir partir.
Ce dossier, qui se trouve aux Archives de la Marine à
Vincennes, est épais d'environ 60 pages de 37 cm. x 24 cm.
auxquelles il faut ajouter 8 pages consacrées à l'embar-
quement de la duchesse d'Angoulême à Pauillac, signé de
Piaud (Chauvet, imprimeur à La Rochelle, 1815) et un
placet manuscrit à Mgr. le duc d'Angoulême.
On doit aussi à Pierre Emmanuel PIAUD le "Mémoire des
habitans de la Guadeloupe", 2 vol., imprimé et publié à
Paris en 1803 (il ne se trouve ni à Vincennes ni à la
bibliothèque Mazarine; peut-être est-il à la Bibliothèque
Nationale ?), ainsi que le "Mémoire pour chef de brigade"
(Paris, Derenne, An XI (1803), 2 vol. in-8°) (B.N. 8°
LK12 78).
A tout cela nous devons ajouter quelques lignes tirées de
"La Guadeloupe, les Antilles et la Révolution française",
de Jacques Adélaïde Merlande (Off. régional... 1991) :
p. 103