G.H.C. Numéro 62 : Juillet-août 1994 Page 1104

Pierre Emmanuel PIAUD à la Guadeloupe sous la Révolution
Pierre Jourdan

     Ceci est le résumé d'une longue relation,  de la main 
de  Pierre  Emmanuel PIAUD (III 1.5 ci-dessus),  à  M.  le 
Ministre,  et ouvrant droits à la retraite (PIAUD parle de 
lui  à la troisième personne,  et dans les renvois,  à  la 
première personne).
"Venant  de terminer à Angers ses études de philosophie et 
d'obtenir  le diplôme de maître-es-arts,  Pierre  Emmanuel 
PIAUD  se trouve,  le 20 octobre 1793,  incorporé dans  le 
bataillon réquisitionnaire ...  de La Rochelle et,  le  25 
janvier 1793...  dans le 1er bataillon d'infanterie légère 
sous le commandement du citoyen BOUDET ... et destiné pour 
les Antilles".
Et au renvoi il écrit : "Je me trouvais ainsi, par le fait 
de  la Révolution,  détourné de tout le plan de ma vie  et 
obligé d'entrer dans la carrière des armes".

     La  division,  aux  ordres du capitaine  de  vaisseau 
LEISSEIGUES,  mouillera au Gosier,  canton de Grand'Terre, 
Guadeloupe, le 8 juin suivant.
"Le 24 septembre 1794,  après avoir concouru à la prise du 
morne  Fleur-d'épée  et de la ville de La  Pointe-à-Pitre, 
sur  les  Anglais",  Pierre  Emmanuel PIAUD  a  été  nommé 
officier sur le champ de bataille et employé en qualité de 
lieutenant-adjoint  près  le  chef  de  bataillon  BOUDET, 
commandant la place (fait militaire qu'il retrace dans  le 
1er  volume  de "Mémoire des habitants de la  Guadeloupe". 
Paris, 1803).

Puis,  jusqu'au 12 janvier 1795,  durant "cette  mémorable 
campagne",  il  est "lieutenant adjoint et aide de camp du 
commandant  BOUDET,  devenu  général de  brigade".  Le  13 
janvier  1795,  PIAUD  est élevé au  grade  de  capitaine, 
commandant  la 3ème compagnie du 1er bataillon de la  2ème 
demi-brigade  des Antilles,  créée à cette époque.  Le  20 
novembre 1795,  désigné par le général en chef,  il reçoit 
mission  des agents du gouvernement de porter en France et 
présenter,  au nom de l'armée des Antilles,  les  drapeaux 
pris  sur  les  Anglais.  Il  s'embarque  sur  la  frégate 
l'Andromaque le 1er décembre 1795.

Le  cérémonial  (au  renvoi) de cette présentation  a  été 
inséré dans le "Moniteur" :  "L'amiral TRUGUET était alors 
Ministre de la Marine et des Colonies,  et n'ignorant  pas 
que c'était l'usage de choisir pour porter les trophées et 
les drapeaux pris à l'ennemi un officier dont les services 
méritaient une récompense ...  eut l'intention de me faire 
nommer  chef de bataillon ...  Je crus devoir me refuser à 
ce  rapide  avancement  qui  aurait  pu  ...  blesser  les 
prétentions de quelques-uns de mes camarades,  mes anciens 
dans le grade ...  L'amiral TRUGUET approuva ...  Il voulu 
du  moins me recommander ...  aux agents  du  gouvernement 
dans  ces  contrées,  ce qui explique les fonctions  supé- 
rieures  et  de confiance qui m'y ont  été  successivement 
dévolues ...".
En  effet,  de retour à la Guadeloupe sur la  frégate  "La 
Médée",  PIAUD fut, par décret du Directoire exécutif "sur 
rapport  des  ministres  de  la marine et  de  la  guerre, 
confirmé dans son grade",  et "désigné, le 4 juillet 1796, 
pour l'île de Marie-Galante"..., en qualité de délégué des 
agents  du  gouvernement  ...",  fonction  qu'il  remplira 
jusqu'au 24 janvier 1798.
"Il  y  avait à peine dix-huit mois que je  gouvernais  la 
colonie de Marie-Galante ...  à faire refleurir l'ordre et 
la  culture,  lorsque  tout à coup  ...  une  insurrection 
générale des Noirs y vint menacer ... les personnes et les 
propriétés ...  Les habitants planteurs et  propriétaires, 
attaqués   ...  désarmés  et gardés à vue sur leurs  habi- 
tations ...  plus ou moins éloignées les unes des  autres, 
se trouvèrent dans l'impossibilité de me rejoindre ... Les 
deux  compagnies  de  ligne qui formaient la  garnison  de 
Grand-Bourg,  composées  en  entier de soldats  noirs  ... 
montraient des dispositions peu favorables à la répression 
 ...Me trouvant réduit à mes seuls moyens, je pus rétablir 
le calme dans cette colonie ...  Ma conduite fut approuvée 
par  les  agents du  gouvernement.  Dans  un  rapport,  le 
général  (?)  ne craignit pas de déclarer comment  j'étais 
parvenu à empêcher l'explosion qui paraissait inévitable".

Le  25 janvier 1798,  rappelé à sa compagnie à  la  Guade- 
loupe,  PIAUD est successivement destiné pour le canton du 
Lamentin,  en  qualité  d'agent  du gouvernement  ou  chef 
supérieur  civil et militaire,  et le 11 avril de la  même 
année,  pour  le canton  de  Saint-François, Grande Terre, 
Guadeloupe,  en  qualité de commissaire du Directoire exé- 
cutif,   réunissant  toujours  les  fonctions  supérieures 
civiles et militaires.

Le  22 octobre 1799,  PIAUD est appelé auprès de  l'agence 
provisoire,  en  qualité  de secrétaire  particulier  avec 
appointements,  mais conserve le titre et les prérogatives 
de  capitaine commandant sa compagnie,  où il ne  fut  pas 
remplacé durant le cours de ses diverses destinations.  Le 
26  janvier  1800,   PIAUD  est  réformé  comme  capitaine 
commandant la 3ème compagnie, par suite de l'incorporation 
amalgame  de  son  bataillon;  mais, le même jour,  il est 
appelé au quartier général à Basse-Terre pour y  reprendre 
son  activité,  en  qualité de capitaine adjoint à  l'Etat 
major,  près le général Auguste PARIS,  commandant en chef 
l'armée  de la Guadeloupe et dépendances,  fonction  qu'il 
remplira  jusqu'au 24 janvier 1801,  époque où le  général 
rentra en France. Le 25 janvier 1801, il obtint du général 
BETHENCOURT,  nouveau  commandant en chef de l'armée à  la 
Guadeloupe  et dépendances,  un congé pour  aller  prendre 
quelque  repos auprès de sa famille résidant au canton  de 
Saint-François. Il jouira de ce congé jusqu'au 14 novembre 
suivant.

Le 15 novembre 1801,  PIAUD se rend à  Pointe-à-Pitre,  où 
l'appelle  "l'autorité  supérieure et le voeu de toute  la 
colonie,  pour remplir les fonctions de secrétaire général 
du Conseil formant le gouvernement provisoire de la Guade- 
loupe",  que  préside  PELAGE,  général  noir  de  l'armée 
française. Ce gouvernement n'a aucune intention sécession- 
niste,  mais c'est ce que lui reprochera Bonaparte qui  en 
tiendra  rigueur  à PIAUD.  Le 10 juillet  1802,  sur  les 
ordres  du général RICHEPANSE,  il rentre  en  France.  Il 
appareille de  Basse-Terre sur la division de vaisseaux Le 
Redoutable  et Le Fougueux commandée par le  contre-amiral 
BOUTET,  et arrive en rade de Brest le 5 août suivant,  et 
"fait quarantaine jusqu'au 18 du même mois". Ce même jour, 
se disposant à monter sur Paris avec les autres membres du 
Conseil  provisoire suivant l'autorisation qu'ils  avaient 
reçue,  PIAUD  est  arrêté  avec eux,  et mis en  dépôt  à 






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