G.H.C. Numéro 62 : Juillet-août 1994 Page 1091
Jeunes Américains dans le Loir-et-Cher
Voici ce que nous savons des jeunes gens :
Louis Benjamin FILLASSIER DUGOMMIER était fils de Louis
Benjamin FILLASSIER de RICHEBOIS (mousquetaire, chevalier
de St-Louis, capitaine commandant du Lamentin puis
habitant de la Baye-Mahaut, franc-maçon, émigré en Marti-
nique) et de Pétronille de BOUBERS (décédée en 1780). Il
retournera en Guadeloupe et mourra à Pointe-à-Pitre, le
1er fructidor an 10 (19 8 1802), âgé de 26 ans.
Nicolas François Marie BOUBERS était fils de Nicolas
Charles de BOUBERS d'ARSONVAL, décédé à la Baye-Mahaut en
1782, et de Jeanne Julie LEMERCIER de BEAUSOLEIL... qui se
remaria à Paris en 1784 avec Louis Benjamin FILLASSIER de
RICHEBOIS ! Les fils de la première union de chacun des
époux de 1784, qui avaient presque le même âge, ont donc
été envoyés ensemble en France pour études. Le jeune
BOUBERS retourna aussi en Guadeloupe, épousa en 1803 une
cousine du même nom et devint habitant et commissaire
commandant des Trois-Rivières.
Pour les trois LEMOINE MAUDET, nous renvoyons les lecteurs
aux nombreux articles sur cette famille de notaires, en
particulier page 622 : Louis, Etienne et Gabriel étaient
frères.
Les LANGLOIS et les HUREL étaient aussi des familles de
notaires du Moule : Prosper Louis François LANGLOIS était
le fils aîné de Prosper Michel LANGLOIS, notaire au Moule,
et Alexis Benjamin HUREL était le sixième et dernier
enfant de Jean HUREL, négociant venu de la vallée d'Auge,
et d'Ursule CICÉRON, d'une famille de notaires; il
reviendra en Guadeloupe où il se mariera en 1806.
On retrouve des négociants, comme Jean HUREL, avec les
CALS et les SAVARIN. Pierre CALS est né le 14 novembre
1782 (baptisé le 30 janvier 1783), fils aîné de Jean
Pierre CALS, négociant au Moule, natif de Castres en
Albigeois, et de Marianne COMBEBIAC; François SAVARIN (o 7
2 1781) est petit-fils de Louis SAVARIN, négociant au
Moule, et fils d'Etienne, capitaine de milice, et Rose
Elie RENAUD.
Nous n'avons pas trouvé de Louis ST-ALARY baptisé vers
1784. Il doit s'agir en fait de Jean-Pierre (o 22 9 1784
b 10 2 1785), ses deux marraines se prénommant Louise. En
ce cas, il est fils de Pierre François, mousquetaire en
1780, habitant au Moule, et de Jeanne CONSTANTIN. Les ST-
ALARY étaient liés aux SAVARIN par les CONSTANTIN, Anne
Catherine RENAUD, la soeur de Rose Elie (x Etienne
SAVARIN) et l'épouse de Louis SAVARIN (frère d'Etienne),
étant veuve en premières noces de Claude CONSTANTIN;
Pierre François SAINT-ALARY, le mousquetaire, est
d'ailleurs parrain de François SAVARIN : son fils et son
filleul sont donc partis ensemble pour France.
On voit donc les liens étroits entre ces enfants, par
groupes de deux (FILLASSIER et BOUBERS), trois (LEMOINE-
MAUDET) ou plus (les autres du Moule, dont quatre sont
d'ailleurs arrivés à l'école à la même date).
Alejo CARPENTIER et "Le siècle des Lumières"
(Interview en 1973)
Extrait du film de François Porcile "Alejo Carpentier",
diffusé sur "Arte" le 9 octobre 1992, tourné en 1989.
Je dois le roman "Le siècle des lumières" à un accident
d'avion. J'allais du Venezuela en France et il fallait
faire une escale dans l'île de la Guadeloupe. L'avion a
cassé une hélice et, miraculeusement, il n'y eut pas
d'incendie. Mais à quelque chose malheur est bon : j'ai
fait la connaissance, à quelques 15 à 20 kms de Pointe-à-
Pitre, d'un passionné de l'histoire de la Guadeloupe,
natif de Corse, Mario PETROLLUZZI (sic), qui commença à me
donner, le soir, de véritables cours d'histoire de la
Guadeloupe. Il m'a révélé l'existence de cet extraor-
dinaire personnage nommé Victor HUGUES, qui avait été
l'homme de confiance de ROBESPIERRE et qui avait reçu une
commission de ROBESPIERRE et du gouvernement révolu-
tionnaire pour reconquérir la Guadeloupe, autrefois
colonie française, qui était tombée aux mains des Anglais.
Dans ce roman il y a, au début, un tableau de la vie de
quelques jeunes bourgeois cubains qui sont installés dans
le bien-être et dans le désordre, qui mènent une vie
complètement en marge de toute existence pratique, de tous
les événements historiques mais qui, néanmoins, parlent
des mêmes choses que les jeunes gens d'aujourd'hui. Dans
ces années de la fin du XVIIIème siècle, on parlait de
planètes habitées, on parlait des merveilles de la
science, des merveilles de l'électricité, on avait assisté
à l'ascension des premiers rhéostats, on avait commencé la
conquête de l'air, on avait une série de notions nouvelles
sur le monde. Or, dans cette vie qui se déroule pour ainsi
dire dans un cercle fermé, tout à coup un personnage
apparaît : ce personnage est Victor HUGUES, et c'est
l'homme qui vient représenter en une certaine façon
l'esprit de la Révolution. Victor HUGUES, c'est
l'instrument politique, c'est la créature politique, c'est
le personnage politique qui suit les événements même
lorsque, dépassant ses propres aspirations, ces événements
prennent une tournure qui devrait lui poser souvent même
le problème de conscience de savoir : est-ce que je
continue ou est-ce que je ne continue pas; est-ce que je
poursuis ou est-ce que je ne poursuis pas, est-ce que je
lâche, est-ce que j'affirme ou est-ce que je continue à
être d'accord ? Victor HUGUES ne discute pas et nous le
voyons au moment où, dans un des chapitres de mon roman,
NAPOLÉON rétablit l'esclavage et Victor HUGUES, qui a
aboli l'esclavage six ans auparavant, à ce moment-là,
puisqu'il est politique de rétablir l'esclavage, il
rétablit l'esclavage.
La Révolution française, en fin de compte, a eu des
répercussions assez sinistres, dans un certain sens, dans
le monde des Caraïbes mais c'est l'impulsion des idées de
la Révolution française qui a été la première flamme qui a
allumé le grand incendie des guerres d'indépendance en
Amérique latine.
NDLR Alejo CARPENTIER est un grand romancier cubain, de
père breton et mère russe, né en 1904 et mort en 1980. Il
a vécu au Venezuela de 1946 à 1959. "Le siècle des
lumières" a été publié en 1962)