G.H.C. Numéro 62 : Juillet-août 1994 Page 1092
Un exemple de recherche : familles de nouveaux-libres
Pierre Bardin
(Nous donnons plus loin l'ascendance pour vous permettre
de comprendre les relations entre les personnes citées)
Les actes
Petit-Bourg, Guadeloupe
Le 15 janvier 1849, en exécution du décret du Gouver-
nement provisoire du 27 avril 1848 qui abolit l'esclavage,
Siméon, né à Petit-Bourg, âgé de 36 ans environ, demeurant
sur l'habitation Hottentot, reçoit le nom patronymique de
MÉONEL (n° 2175 du registre des Nouveaux-libres).
Le 12 février 1849, Constance, 23 ans, née à Petit-
Bourg, demeurante sur l'habitation Sarragot, reçoit le nom
patronymique de TANNIBOL. Son frère Nelson reçoit le même
nom (n° 2301 et 2302 du registre).
Le 10 août 1864, déclaration de la naissance le 4 août
sur l'habitation Pérou de Désirée Elise fille de Constance
TANNIBOL, âgée de 44 ans. En marge de cet acte, il est
indiqué que la dlle TANNIBOL se marie le 15 septembre 1900
sous le nom de MÉONEL mais que la reconnaissance par le
père est manquante.
Le 19 mars 1875, mariage de Siméon MÉONEL et de
Constance TANNIBOL. Sans crainte d'erreur, on peut penser
que la reconnaissance de paternité a été effectuée ce
jour-là mais qu'on a omis de la noter. Il faudrait pouvoir
lire l'acte de mariage qui se trouve aux Archives de la
France d'Outre mer à Aix-en-Provence.
Grand-Bourg, Marie-Galante
Le 15 mai 1851 (n° 522 du registre des Nouveaux-libres)
le citoyen Michel, âgé de 32 ans, "natif de cette
colonie", inscrit sur le registre matricule avec le n°
3801, reçoit le nom patronymique de NUDOL.
Le même jour (n° 523 des Nouveaux-libres), la citoyenne
Angélique, âgée de 42 ans, "native de cette colonie",
inscrite sous le n° matricule 3699, reçoit le nom patro-
nymique de NUGAR. Elle présente Lucette, âgée de 13 ans,
inscrite sous le n° matricule 3790, qu'elle reconnaît pour
sa fille.
Le 17 mai, deux jours plus tard, dans l'acte de mariage
de Michel NUDOL avec Angélique NUGAR, Lucette est légi-
timée par le marié et devient donc Lucette NUDOL.
Le 27 juin 1856, Lucette NUDOL épouse Jean-Baptiste
MEDO DERMEL, qui avait été inscrit sur le registre des
Nouveaux-libres le 17 juin 1854 (n° 50) avec sa mère
Esther DERMEL est ses frère et soeurs Victoire, St-Acre et
Jeannette. Il était dit alors âgé de 17 ans et natif de
Marie-Galante. Il décédera à 25 ans, sur l'habitation
Pirogue, le 29 avril 1862.
Le 8 avril 1865, la dame Angélique NUGAR épouse de
Michel NUDOL, "cultivatrice et sage-femme", vient déclarer
la naissance, le 1er du mois, de Jean-Baptiste, fils de
Lucette NUDOL veuve du Sr. DERMEL.
Ce Jean-Baptiste NUDOL épousera à Petit-Bourg, le 15
septembre 1900, Désirée Elise MÉONEL que nous avons vue à
Petit-Bourg de Guadeloupe.
Saint-François, Grande-Terre
Le 11 juillet 1848, mariage d'Antoine DIOCHOT, 31 ans,
cultivateur domicilié en cette commune habitation Vertille
de Richemond dite Reneville où il est né, de père et mère
inconnus, et d'Anne Toinette Luce dite Elisa LEBOUIN, 19
ans, née et demeurante en cette commune, fille légitime du
citoyen Francisque LEBOUIN et de la citoyenne Sylvie, ici
présents. L'acte indique deux choses :
- ils s'étaient mariés religieusement à l'église de la
paroisse le 18 12 1847 : il faudrait pouvoir consulter aux
archives départementales les archives du diocèse, si elles
existent.
- Antoine DIOCHOT est inscrit au registre des Nouveaux-
libres sous le n° 2693 et son épouse Anne-Toinette Luce
sous le n° 2812, mais le registre comportant ces numéros
manque à St-François.
De ce couple naîtront, sauf erreur :
- Antonin le 28 10 1848 + 13 4 1868
- Mathilde le 11 3 1851
- Léonine le 4 1 1854
- Augustin le 28 7 1856 + 12 12 1862
- Joseph le 31 12 1859 + 8 9 1862
- Marie-Fanélie le 20 4 1865 + 8 1 1867
Mathilde DIOCHOT (retrouvée aussi sous les prénoms de
Lise ou Antoinette Lise) eut au moins trois enfants :
- Jeanne, fille naturelle reconnue, le 18 5 1872
(passera au Moule, puis à Goyave, puis à Petit-Bourg où
elle est présente au mariage de son premier fils, Pierre
Etienne Nestor)
- Joseph Emmanuel Théodore, le 11 4 1881 (+ Pointe-à-Pitre
20 2 1927)
- Marie Victoria, le 2 8 1888
Léonine dite Noelmie DIOCHOT aura un fils naturel reconnu,
Mathurin Antoine, le 29 novembre 1882, qui décédera à St-
François le 9 septembre 1922. Léonine était décédée au
même lieu le 5 mai 1914.
Commentaires
Cette recherche assez longue, rendue plus difficile par
l'éloignement des divers lieux d'archives (CARAN pour les
microfilms d'état civil jusqu'en 1870 et ceux des
registres de Nouveaux-libres, rue Oudinot pour les actes
de moins de cent ans, Aix-en-Provence pour la période
intermédiaire), permet de mettre en évidence que tous les
protagonistes sont nés aux Antilles, donc créoles.
Malheureusement, on ne sait rien des parents et
grands-parents des premiers. La lecture des registres
matricules d'esclaves nous aurait peut-être permis de
situer leurs diverses origines, créoles ou africaines.
Nous pouvons également constater
1° que, dans le cas du couple DIOCHOT x LEBOUIN, le
mariage religieux des esclaves, sans être très fréquent,
était célébré à l'église de la commune.
2° que, élément qui peut égarer, et ce fut le cas ici,
le prénom donné lors de la déclaration de naissance n'est
plus usité ensuite. C'est ainsi que Mathilde va devenir
Lise ou Antoinette Lise ou que Lucette NUDOL deviendra
Luc, obligeant à chercher si un Monsieur NUDOL portant ce
prénom ne se serait pas déclaré père de l'enfant.