G.H.C. Numéro 61 : Juin 1994 Page 1066
LA FAMILLE DEVEZEAU AUX ANTILLES
Monsieur MITHON (4), ordonnateur, comme une affaire de
police : il m'a dit n'y pouvoir mettre remède et il me
semble que personne ne devrait être exempt de ces sortes
de corvées. Si Messieurs les officiers majors y
contribuaient, ils auraient égard à ce que la répartition
fût égale; mais, comme ils s'en exemptent, ils ne s'embar-
rassent pas du reste et d'ailleurs on devrait suivre les
règlements des isles du Vent (5) qui sont que les Colonels
de chaque quartier donnent un état exact du nombre des
nègres qu'il y a afin que qui que ce soit ne soit foulé.
Et ce que je trouve de mauvais, c'est que celui qui n'a
que vingt nègres fournit comme celui qui en a cent.
J'ai encore à représenter que Messieurs les Commandants de
ces quartiers font si peu de cas des officiers des
régiments que Sa Majesté a créés à St-Domingo (sic) que
ceux qui avaient cherché de l'emploi avec empressement
s'en sont démis par le peu de cas que l'on a fait d'eux.
Je crois, Monseigneur, que vous ne sauriez que les
approuver lorsque vous serez informé qu'il suffit qu'un
honnête homme aie de l'emploi dans les milices pour qu'on
le regarde comme un valet sans que l'on ait pour lui nulle
considération. S'il y a un chat à fesser, ce sont eux qui
courent; ils ne jouissent d'aucune exemption, ni honneurs
aux églises et assemblées, de sorte qu'aucun ne veut
d'emploi. J'ai demandé à quelques uns d'où vient qu'ils se
démettaient : ils m'ont dit qu'ils seraient plus estimés
et qu'en donnant trente écus à un garçon pour faire leur
garde, ils resteraient tranquilles chez eux, puisque cela
ne les mène à rien, ne suivant point le règlement rendu
par Sa Majesté au sujet des régiments que l'on a formés
aux isles, qu'ils croyaient d'avoir quelque rang dans le
service et qu'ils n'en avaient nul, puisque les officiers
des troupes les commandaient journellement, jusqu'aux
enseignes. J'en ai parlé à Monsieur le Comte de CHOISEUL
(1) et lui ai dit que ce n'était point l'intention de Sa
Majesté. Il m'a répondu là-dessus, Monseigneur, que tout
ce qu'il y avait d'officiers des troupes de la Marine nous
commanderait et que nos emplois étaient si peu de chose
que nous ne pouvions pas espérer que cela nous menât à
quoi que ce soit. C'est ce qui fait, Monseigneur, que nul
n'a de goût pour ce service.
(...) Ce n'est point le moyen d'attirer ici des gens de
naissance, qui cependant seraient très utiles pour le
soutien de la colonie. J'ose encore assurer à Monseigneur
que jamais les régiments que l'on a formés à St-Domingo ne
seront sur un bon pied que l'on ne fasse quelque
distinction des officiers qui sont à leur tête. Par cet
endroit, cela pourrait obliger les principaux habitants à
y prendre de l'emploi et à leur donner de l'émulation
(...). Cela ferait que l'officier s'attacherait à mettre
les milices sur un pied à pouvoir garder le pays, pourvu
que Messieurs les Commandants ne s'y opposassent pas comme
ils ont fait jusqu'à présent.
Pour faire voir à Monseigneur le peu de cas que l'on fait
des Colonels, c'est que, journellement, on tire des
régiments gens de métier, jusqu'à des tonneliers, à qui il
paraît quelque peu de bien, que l'on fait conseiller, à
qui on donne le pas et les honneurs aux églises, au
préjudice du Colonel du Quartier, quoiqu'il soit hors de
la paroisse du Conseil et qu'il n'ait de commission que
celle du Commandant, sans avoir égard que le Colonel est
pourvu d'un brevet du Roy, qui doit être le chef de son
Quartier après les officiers majors (...).
Il ne me reste, Monseigneur, qu'à vous prier de m'honorer
de votre protection. J'ai une famille nombreuse qui en a
besoin."
"Extrait de la lettre de Monseigneur écrite au chevalier
de RANCOUGNE, à Versailles, le 3 aoust 1707"
(avec annotations du chevalier de RANCOUGNE, que nous
transcrivons entre parenthèses)
"Le Roy donne ordre à Mr le Comte de CHOISEUL de former à
son arrivée à St-Domingo les régiments des milices afin
que les Colonels qui y sont préposés puissent les exercer
et les mettre en état d'être utiles pour le service si la
conjoncture le demande. (Il ne s'est rien fait de ceci).
(...) Pour le détail des régiments, c'est à vous seul de
vous en mêler et non au Commandant à qui vous en devez
rendre compte. (Pour ce détail des régiments, aucun
Colonel ne l'a).
Le Roy a fixé le rang des officiers de milice par les
réglements que j'ai envoyés il y a déjà quelque temps
(pour ce qui est du rang des officiers, ils n'en ont
aucun)."
"Pour copie de l'ordre donné par Mr de BRACH"
"Liste de Lesterre (6) des gens commandés pour la chasse
des nègres marrons :
Mr de RANCOUGNE
M. QUENEL
DUGA
DU TEURTRE
LA COUSTRADE
Les BOURSICOTS, mulatres
DALMANT
Le commandeur de Mr ARNOUX
Le mulastre à CASSAIGNE, esclave
Simon de LESTERRE, mulatre
JOLLAIN, mulatre
LEFEVRE, sergeant
de LOUCHE, mulatre
PETITFRANçOIS, nègre
Mr SAUNIER chez Mr de RANCOUGNE
SAUNIER chez le sr. POIRIER, commandeur de ses nègres
Le sr. DUFAUT chez le sr. BOURGOGNE
LAFFOND chez Mr BOURJOLY, commandeur de ses nègres
Louis AUBER
PERRONEAU
COTINEAU chez Mr BUTET, commandeur de ses nègres
JACQUET, mulatre
Jean de LOUCHE, mulatre
Jeannot LAFLEUR, mulatre
Il est ordonné aux dénommés ci-dessus de se trouver mardi
au matin à la pointe du jour au morne à Sancté, armés,
pour courir après les nègres marrons et à ceux qui auront
de bons chiens de les emmener et de porter des vivres pour
4 jours, à peine à ceux qui contreviendront d'envoyer 4
nègres aux travaux pendant deux mois, pour ceux qui auront
des habitations, et ceux qui n'en auront point, d'y aller
en personne, pendant un mois.
Donné à Léogane le 13e juillet 1710, signé de BRACH.
Le sr. du TEURTRE envoyera les ordres à tous les dénommés
cy dessus et de l'autre part. Signé de BRACH.
(Le dit DU TEURTRE est lieutenant de milice de RANCOUGNE)"