G.H.C. Numéro 59 : Avril 1994 Page 1030
APPORTS RÉCIPROQUES DE LA GÉNÉALOGIE ET DE L'HISTOIRE ANTILLAISES
Nous sommes loin d'égaler la Fédération française de
football car nous sommes plus discrets et moins fortunés.
"Généalogie et Histoire de la Caraïbe" occupe, au
conseil d'administration, le siège de la Région Atlantique
car malheureusement notre association est la seule fédérée
pour cette zone géographique. J'émets des voeux ardents
pour que des associations se créent en Guadeloupe, en
Guyane et en Martinique car, loin d'être une concurrence,
cela serait un développement qui serait profitable à tous.
Au sein de la Fédération nous entretenons des liens
privilégiés avec les représentants de la Région Pacifique-
Océan Indien qui regroupe la Réunion, ancienne île
Bourbon, et la Nouvelle-Calédonie.
En plus d'un congrès tous les deux ans où Bernadette
ne manque pas de faire une conférence sur la généalogie
antillaise et où nous tenons un stand, les associations
fédérées font un effort de formation à l'intention des
nouveaux généalogistes.
Disons ici que jeune ou vieux, débutant ou chevronné,
le généalogiste ne peut pas être qualifié d'ignare nostal-
gique du passé et mal dans sa peau. Il a souvent fait des
études supérieures et il est capable de comprendre et
d'apprendre encore.
A travers ces cours ou à travers les bulletins et
publications diverses des associations le débutant peut
apprendre plusieurs choses importantes.
D'abord à respecter les archives, tant publiques que
privées, car elles ne sont pas une propriété personnelle
mais le bien de tous. Disons, en passant, que les archives
françaises, peut-être les plus riches du monde, pourraient
mieux retenir l'attention de nos divers ministres de la
Culture et l'attention de nos ministres des finances et de
nos parlementaires.
Quand on sait que ce sont les Mormons qui microfilment et
dépouillent une partie de nos archives, on peut considérer
que nous ne sommes pas bien loin de la situation d'un pays
sous-développé !
Pour en revenir à notre généalogiste débutant il
apprendra à recueillir les informations, à les lire, les
interpréter, les classer et les présenter.
Des sigles généalogiques et des systèmes de numérotation
définis de longue date permettent de présenter de façon
claire et pratique, tant les ascendances que les descen-
dances, sans phraséologie inutile qui cache très souvent
lacunes et imprécisions.
Les généalogistes s'intéressent à des individus qui
sont le plus souvent obscurs, comme le plus grand nombre
des français actuels, et l'ancêtre d'une personne peut
être aussi celui de beaucoup d'autres. Pour cette raison,
il faut appliquer une déontologie qui est à l'heure
actuelle l'un des grands sujets débattus au sein de la
Fédération.
Il est indispensable de respecter les susceptibilités
familiales et la vie privée de chacun, en particulier en
ce qui concerne les actes de moins de 100 ans c'est à dire
les personnes vivantes.
Là, comme dans toute "bonne société", il faut dire la
vérité mais pas forcément toute la vérité. Certains appel-
leront cela cacher ce qui est honteux; nous préférons dire
discrétion et respect d'autrui. Par contre il est évident
que cela ne doit pas amener à faire un roman et dans cette
optique tout travail généalogique sérieux doit, comme tout
travail historique, citer précisément et complètement ses
sources. Cela doit permettre à tous de faire vérifications
et recoupements.
Dans cet ordre d'idée les logiciels de généalogie
peuvent être utiles à la collecte des données et à la
présentation des recherches mais ne sont en aucun cas une
garantie de la qualité du chercheur.
Toute donnée, tout document doit subir une critique
interne et une critique externe, comme on l'enseignait en
philo du temps où nous passions le bac.
Que de traditions familiales anciennes ou récentes
pourraient être dégagées des "améliorations" apportées par
les générations successives pour devenir des faits histo-
riques et non des légendes !
Car la vérité doit sortir de la confrontation de
plusieurs sources et documents. Les documents sont le
terreau sur lequel fleurissent aussi bien l'histoire que
la généalogie même si les fleurs sont différentes.
Que les historiens démographes nous excusent, mais il
intéresse peu le généalogiste de savoir qu'une famille
moyenne comprend, par exemple, 2,3 enfants car nous
n'avons jamais trouvé 2,3 enfants dans les familles que
nous avons étudiées.
Par contre le travail de collecte que font un grand
nombre d'historiens avec beaucoup de patience est d'une
grande utilité à ceux qui s'intéressent à l'histoire des
familles, autrement dit, la généalogie.
Lorsque nous avons été amenés à traiter de la liste
des habitants de la Guadeloupe en 1664 dont nous avons
parlé précédemment, il a fallu faire la saisie
informatique du recensement de 1664, du nominatif de 1671
et des registres les plus anciens dont celui de la
Capesterre qui commence en 1639.
Nous avons pu faire plusieurs constatations :
- que les femmes et les filles n'étaient pas recensées à
Capesterre en 1664, pas plus que la "maison" de HOUEL.
- que seuls les présents sont recensés.
- qu'il n'y a rien sur la Grande-Terre alors qu'elle était
déjà peuplée, même faiblement.
- que ce document étant destiné aux impôts, on peut mettre
en doute la véracité de ce qui y est inscrit.
Enfin il y a des erreurs de recopie flagrantes. Ainsi une
mariée de 8 ans en avait en fait 18, or une étude histo-
rique la mentionne comme exemple de mariage précoce,
semblant oublier que le droit canon et le droit civil
s'opposaient à des mariages si précoces.
Une autre source commune aux historiens et aux généa-
logistes est celle des registres paroissiaux et d'état
civil.
- l'historien fera des statistiques sur le nombre de
baptêmes, mariages et décès ou sur le nombre des négo-
ciants et commerçants à un moment donné dans une ville.
- le généalogiste se promène dans le temps et suit une
famille avec ses alliances. Il n'est jamais sûr, tant