G.H.C. Numéro 59 : Avril 1994 Page 1027

APPORTS RÉCIPROQUES DE LA GÉNÉALOGIE ET DE L'HISTOIRE ANTILLAISES
Philippe et Bernadette Rossignol

Texte de la conférence donnée aux archives départementales 
à  Bisdary le vendredi 18 février 1994 sous l'égide de  la 
Société  d'Histoire de la Guadeloupe.

          Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Nous sommes très sensibles à l'accueil qui nous est fait.
Il  faut vous dire que nous sommes un peu émus  d'avoir  à 
parler  devant  tant de personnes compétentes et  savantes 
car jusqu'à présent,  pour parler de nos recherches antil- 
laises, nous choisissions un auditoire généralement ignare 
sur ce sujet :  les participants aux Congrès de généalogie 
dans des villes aussi antillaises qu'Arras, Lyon ou Vichy.
     Mais  il  faut  bien soutenir son mémoire  devant  un 
public averti et nous espérons y réussir.
Nous avons commencé nos recherches sur les Antilles il y a 
dix-huit  ans,  l'âge  de la majorité,  à l'occasion  d'un 
premier voyage ici.  Nous devons dire que,  dès le  début, 
l'aide de M. Hervieu ne nous a jamais été comptée.

     Des recherches que d'aucuns qualifieraient d'égoïstes 
nous  sommes passés à la publication d'un journal  destiné 
d'abord  aux membres de notre famille mais qui,  grâce  au 
dépôt que nous en faisions tant ici que Rue Oudinot,  nous 
a  permis  d'enrichir  considérablement  notre  réseau  de 
connaissances  et d'apprendre une foule de choses sur  des 
sujets qui étaient loin de nous être familiers.
     Mademoiselle  Ménier  et  Monsieur Debien  sont  deux 
personnes qui ont fait preuve à notre égard d'une patience 
dont nous leur serons toujours reconnaissants.

     Mais,  contrairement à la recherche historique,  nous 
semble-t-il,  la  généalogie  a besoin  d'échanges  et  le 
généalogiste  est bien souvent un extraverti,  quelquefois 
un  peu  encombrant,  qui veut communiquer son  virus  aux 
autres.
     Nous  avons  donc  fondé,   avec  des   généalogistes 
martiniquais,  le  "Centre de Généalogie et d'Histoire des 
Isles  d'Amérique"  où nous avons  publié,  entre  autres, 
l'ascendance antillaise de Saint-John Perse.
Nous  avons découvert alors le plaisir des  dépouillements 
collectifs  avec le recensement de 1671 de  St-Christophe. 
Nous  nous  souviendrons toujours  de  l'affrontement  des 
trois   "binômes"   qui  avaient  fait  le   dépouillement 
lorsqu'il a fallu confronter les résultats avant la saisie 
en  informatique.  Nous  avons alors touché  du  doigt  la 
différence  de  lecture que faisaient un historien  et  un 
généalogiste pour un même document.

  En 1989, avec des amis rencontrés au fil des recherches, 
nous  avons  fondé "Généalogie et Histoire de la  Caraïbe" 
car nous voulions développer les échanges et les  contacts 
sans ostracisme.
     Aujourd'hui  plus de 300 adhérents,  répartis dans le 
monde  sont  tous  les véritables  animateurs  de  l'asso- 
ciation.  Le  numéro 58 du bulletin pour le mois de  mars, 
que  les abonnés guadeloupéens auront en avant-première  à 
l'issue de cette causerie,  contient la contribution de 42 
personnes  différentes au long de ses 32  pages.  Avec  ce 
numéro  nous sommes fiers d'atteindre la millième page  et 
de la fêter à la Guadeloupe.
     Notre  association se veut un lieu de rencontre entre 
historiens et généalogistes.  Sans atteindre à la  qualité 
des  articles  qui  sont publiés dans le  bulletin  de  la 
Société d'Histoire de la Guadeloupe, et que nous attendons 
impatiemment,  nous  pouvons faire état d'une tenue  hono- 
rable et d'une grande variété de sujets et d'auteurs.
     M.  Abénon,  rencontré récemment lors d'un colloque à 
Saint-Denis,   nous  a  fait  remarquer  que  notre  champ 
d'action  s'élargissait.  En fait ce sont les auteurs  qui 
élargissent  le  champ d'action et cela grâce aux  apports 
diversifiés  des  généalogistes et  des  historiens,  tant 
débutants que chevronnés.

     Et   pourtant  ces  deux  catégories  de   chercheurs 
entretiennent des rapports qui,  parfois,  devraient faire 
l'objet d'une étude psychiatrique.

Les historiens reprochent aux généalogistes :
- de se concentrer uniquement sur leurs chères familles,
- de  rester au niveau des individus sans appréhender  les   
  grands mouvements de l'Histoire,
- de s'attacher à des détails sans importance et surtout..
- d'encombrer les salles d'archives.

Les  généalogistes ont,  pour leur part,  un nombre  aussi 
grand de reproches à faire aux historiens :
- de  répéter  sans  contrôle ce que  d'autres  historiens 
  reconnus ont écrit,
- de  trop manier les grandes idées et  les  statistiques, 
  quelquefois en sélectionnant ce qui les arrange,
- de  ne pas s'occuper des personnes et de ne pas  publier 
  ou déposer leurs travaux de dépouillement et enfin...
- de ne se reconnaître qu'entre historiens... et encore !

     Un peu de tout cela est vrai mais il est certain que, 
beaucoup plus que dans l'Hexagone, les Antilles favorisent 
le travail conjoint des historiens et des généalogistes et 
cela s'étend à toute la région caraïbe.  On s'aperçoit, au 
fil  des recherches,  que l'on est obligé de  dépasser  le 
cadre d'une île.
  Les migrations et les événements ont poussé des familles 
ou des individus à s'établir dans d'autres lieux.

  Que sait-on des esclaves établis en métropole ?
Lors  du  congrès de généalogie de Bordeaux en  1991  nous 
avions  fait  une  conférence sur  les  départs  vers  les 
Antilles  et les retours en métropole du XVIIème au XIXème 
siècle.
     Nous avions tenté d'aborder le sujet des esclaves  et 
des  libres  de couleur établis en France  pour  constater 
surtout  que  l'on manquait de sources et d'études sur  le 
sujet.
     Nombre  de  blancs des Antilles revenaient  pour  des 
séjours  temporaires ou des retours définitifs avec un  ou 
plusieurs   esclaves.   Or  ceux-ci  ne  retournaient  pas 
toujours dans leur île,  soit que leurs maîtres les  aient 
libérés  pour  leurs bons services,  soient  qu'ils  aient 
réclamé  et obtenu devant les tribunaux cette liberté.  Il 
arrivait  aussi que des habitants envoient un  esclave  en 
France  pour apprendre un métier et que,  celui-ci appris, 
l'esclave rechigne à repartir.





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