G.H.C. Numéro 56 : Janvier 1994 Page 965

Ascension sociale à Cayenne
Descendance de soldats-habitants et d'artisans

pour  l'épouse,  outre ses parents et sa  ville  d'origine 
(surtout  Bordeaux),  "venue dans  L'Espérance,  capitaine 
PHILIPPON". Jeanne LEGRETTE est la douzième mariée et elle 
n'a  pas quinze ans.  Bientôt veuve,  elle se remarie  dès 
l'année  suivante avec François CHEVREUIL dit LA FLEUR  DU 
MANS,   à  qui  elle  donnera  de  nombreux  enfants.  Ils 
resteront mariés quarante-cinq ans. 

                   La famille CHEVREUIL

     Au  moment  de  leur  décès,   fort  âgés,   François 
CHEVREUIL,  "dit  la Fleur du Mans",  et son épouse Jeanne 
LEGRETTE, fille du roi "venue dans "L'Espérance", en cette 
année  1742 qui vit aussi mourir leur fille  Françoise  et 
leur  fils  Jacques,  tous  sont qualifiés de  "sieur"  et 
"dame".  Ils  sont habitants à Roura mais c'est à  Cayenne 
qu'ils vivent.  Sauf erreur ou oubli,  Jacques était  leur 
seul  fils  et,  de  leurs cinq  filles,  seule  Françoise 
s'était mariée,  d'abord avec un habitant créole puis avec 
Gabriel  FOLIO  écuyer  sieur  DESROSES,  capitaine  d'une 
compagnie du détachement de la marine.  La dernière fille, 
Gertrude, resta célibataire et mourut fort âgée, à 76 ans, 
en pleine période révolutionnaire.
     Il   est  intéressant  de  remarquer  que   Françoise 
CHEVREUIL avait épousé un écuyer et son frère Jacques,  la 
fille  d'un  ancien taillandier du roi et d'une  indienne. 
Gabriel DESROSES fut d'ailleurs le parrain du fils aîné de 
Jacques  et son épouse Françoise CHEVREUIL la marraine  de 
la fille aînée. Ces deux enfants moururent à quatre et six 
ans et l'aîné des CHEVREUIL de cette génération se  trouva 
être  Jean Jacques,  né en 1734,  seul survivant avec  son 
cadet Hippolyte des sept enfants de Jacques. Jacques et sa 
soeur Françoise,  nous l'avons vu plus haut,  moururent en 
1742, la même année que leurs parents. 

     Hippolyte se maria sur le tard,  à quarante et un an, 
avec Madeleine CONSTANT, mineure, qui était née à l'île du 
Salut  et  qui  était fille du notaire  Jacques  Hippolyte 
Grégoire CONSTANT,  alors décédé.  Les témoins de l'époux, 
alors  officier  de  milice  et  habitant,   étaient  Jean 
PASCAUD,  conseiller du roi et juge royal, et Jean Charles 
de  HENNAUT  écuyer   chevalier  de   BERTANCOURT,   major 
commandant  du  quartier du Roura.  La  famille  CHEVREUIL 
faisait bien partie des créoles notables.
     Jean  Jacques CHEVREUIL,  le frère aîné  d'Hippolyte, 
était donc orphelin de père et de mère quand il épousa, en 
juin 1758,  Marie Anne L'EAU, d'une famille d'habitants de 
Roura,  qui venait de perdre son père. En effet, le 14 mai 
1758, le curé de Roura recopie le certificat de la mort du 
sieur  François  L'EAU,   envoyé  par  le  père  O'REILLY, 
missionnaire  du canton de Sinnamary :  "Le  sieur  L'EAU, 
habitant de Roura,  mourut dans notre case à Sinnamary, le 
24  avril  1758  et le 25 nous l'avons enterré au  sud  de 
l'église  de Sinnamary;  certificat fait le 3  mai  1758." 
Sinnamary  se  rendra tristement célèbre,  sous  la  Révo- 
lution, comme un des lieux, mortel, de déportation.           
     Jean-Jacques   CHEVREUIL  et  son  épouse  Marie-Anne 
eurent  deux fils,  et une fille qui mourut à trois  mois. 
Leur fils cadet,  François,  est celui qui nous  intéresse 
maintenant. Né en 1761, il avait une trentaine d'années au 
moment où la Révolution arriva en Guyane.

          La famille CHEVREUIL et la Révolution

     En  ce  qui  concerne  la  vie  privée  de   François 
CHEVREUIL,  d'abord,  relevons  la  naissance d'une  fille 
naturelle,   Marie-Angélique-Jeanne-Françoise  (fille   de 
Marie-Charlotte   FAVARD),   "enfant  blanc  présentée  au 
baptême  par  la  citoyenne veuve  CHEVREUIL  mère  le  19 
décembre 1789 sur la paroisse de Roura",  comme il est dit 
plus  tard,  au contrat de mariage de François qui l'avait 
déjà "adoptée pour sa fille naturelle et héritière" devant 
maître Roudeau, le 18 floréal an III. Quand elle épouse en 
1824,   à  34  ans,   Silvestre-François-Victor  LEMAîTRE, 
notaire royal à Cayenne, natif de Toulon et âgé de 28 ans, 
elle est veuve depuis 1809 de Charles ROBERT qu'elle avait 
épousé à 14 ans.
     Or Charles ROBERT, orfèvre, premier époux de la fille 
naturelle de François CHEVREUIL,  était le fils du premier 
mariage  de Marguerite-Claudine MATHEVET,  épouse  du  dit 
François CHEVREUIL.

     Marguerite-Claudine   MATHEVET  était  la  fille   de 
l'ancien  fusilier Charles MATHEVET devenu charpentier  et 
entrepreneur et mort notable en 1793. Elle épousa d'abord, 
à quatorze ans,  un marchand orfèvre natif de Dijon qui en 
avait trente, Charles ROBERT, qui mourut dix ans plus tard 
en  lui  laissant  un fils de neuf  ans  qui  portait  son 
prénom, ce Charles ROBERT dont nous venons de parler.  

  Un  an et demi plus tard,  elle épousait  Jean-Baptiste-
Michel MÉRAND,  venu de Saintonge, lequel était déjà parti 
pour  la  France  en  avril  1793,  quand  on  déclara  la 
naissance   de  sa  fille  (née  en  novembre  de  l'année 
précédente).  A  la déclaration de naissance de sa seconde 
fille,  "âgée  de catre moy",  le 26 fructidor an III  (16 
novembre 1794),  il était encore "absent".  Or,  quand  le 
divorce  fut  prononcé  le 1er prairial V (20  mai  1797), 
c'est  parce que le mari de Marguerite était "absent  sans 
nouvelles depuis plus de cinq ans" !  Soit la  déclaration 
de  demande de divorce était fausse,  ...  soit la seconde 
fille n'était pas de MÉRAND !
  L'inventaire des biens de la communauté  MÉRAND-MATHEVET 
(Me  Roudeau  8  prairial  V) donne  tout  le  détail  des 
meubles,  linge,  etc.  dans  une maison de trois pièces à 
Cayenne,  Grande rue près du port,  et une autre, Nouvelle 
ville  rue de la Convention.  Le total se montait à  8.840 
livres,  dont  moitié  à Marguerite et moitié à  son  fils 
mineur émancipé d'âge.

     Une  semaine  après,   Marguerite  épousait  François 
CHEVREUIL  qui était alors "sous-lieutenant  au  bataillon 
national  de  la Guyane".  Au contrat de  mariage,  le  14 
prairial  V  (2  juin 1797),  les biens  de  François  qui 
entrent  en communauté se montent à 2.400 livres "en numé- 
raire métallique" et 2.100 livres en meubles, linges, etc. 
Après  avoir reconnu que le futur époux menait au  mariage 
sa  fille  naturelle déjà adoptée  par  lui,  François  et 
Marguerite "reconnaissent que la fille nouvellement née de 
la citoyenne future épouse est réellement de leurs propres 
faits et sera traitée comme enfant de leur mariage." Cette 
"fille  nouvellement" née sera déclarée le 19 prairial  (7 
juin) à l'âge de quinze jours.                             





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