G.H.C. Numéro 56 : Janvier 1994 Page 966
Ascension sociale à Cayenne
Descendance de soldats-habitants et d'artisans
Commis aux écritures dans les bureaux de l'adminis-
tration de la marine à Cayenne, François CHEVREUIL était
devenu tout naturellement secrétaire greffier de la muni-
cipalité de Cayenne en 1791 et de l'assemblée coloniale en
1792. Il était donc aux premières loges pour suivre et
accompagner tous les soubresauts dus aux idées nouvelles
et à leur application. Il se fait remarquer dès le 16 mars
1791 en refusant, comme secrétaire greffier de la munici-
palité de Cayenne, de donner connaissance à l'ordonnateur
Charles-Antoine d'AIGREMONT des recettes de location des
embarcations du roi (1), refus motivé par un arrêté de
l'Assemblée coloniale qui l'autorise aussitôt à répartir
les fonds selon leur destination. Sa signature apparaît
ensuite souvent comme greffier dans de nombreux actes de
l'Assemblée coloniale. Il sera même notaire 2 ans et demi.
Puis, le 1er floréal III (20 avril 1795), il fut
nommé sous-lieutenant au bataillon national de la Guyane
française par le citoyen COINTET, gouverneur, qui l'envoya
le 30 brumaire an IV (21 novembre 1795) à la Guadeloupe
auprès de Victor HUGUES, commissaire civil, pour demander
d'urgence vivres et numéraire, étant donné l'état déses-
péré de la Guyane : misère, disette, absence de secours de
la métropole et de la Nouvelle-Angleterre. Il était chargé
de demander aussi communication des proclamations et
règlements de Victor HUGUES et les dernières nouvelles de
France. En envoyant les secours demandés, Victor HUGUES ne
se priva pas d'adresser une sévère critique à COINTET en
lui faisant valoir la prospérité de la Guadeloupe.
Le 26 vendémiaire VI (17 octobre 1797), c'est
JEANNET-OUDIN qui signait le brevet de lieutenant de
François CHEVREUIL au 2ème bataillon du 53ème régiment
(4). C'est comme officier de ce même régiment que le nom
de CHEVREUIL apparaît pour la dernière fois dans la
correspondance lorsqu'il signe, le 28 frimaire VII (18
décembre 1798), le rapport sur le procès des mulâtres
accusés d'avoir voulu attenter à la sûreté publique lors
du soulèvement de frimaire an VII.
Nous ne savons pas où ni quand est mort François
CHEVREUIL. Il n'est pas là pour déclarer la naissance de
sa dernière fille, Catherine, le 5 germinal an VII (25
mars 1799) et c'est sa mère, Marie-Anne L'EAU veuve
CHEVREUIL, âgée de 60 ans, qui s'en charge. Cependant il
est mort plus tard car lorsque Marie-Anne L'EAU meurt, le
21 floréal XII (11 mai 1804), c'est dans "la maison du
citoyen François CHEVREUIL, capitaine d'infanterie,
commandant la compagnie de sapeurs de la Guyane française
et habitant de cette colonie, à Cayenne place d'Armes,
ancienne ville." Les déclarants sont deux capitaines
d'infanterie et l'acte (très lisible alors que les autres
sont très mal écrits, ce qui montrent la notabilité de
François CHEVREUIL), est rédigé par Jean-Baptiste BAUDRAIS
"greffier du tribunal de 1ère instance, officier public
nommé par arrêté du citoyen Victor HUGUES, commissaire du
gouvernement, commandant en chef de Cayenne et Guyane
française, le 12 brumaire XI, pour dresser les actes des
libres." Eh oui ! Le temps a passé, la roue a tourné :
Victor HUGUES n'est plus en Guadeloupe mais en Guyane où
il a été envoyé pour rétablir l'esclavage dont il avait
autrefois apporté le décret d'abolition en Guadeloupe.
François CHEVREUIL est donc décédé entre 1804 et
1817, année où, le 4 novembre, sa dernière fille,
Catherine, âgée de 18 ans, épouse un officier de marine
natif de Bayonne, Jacques-Barthélemy LAMOLIATTE. Et qui
trouve-t-on parmi les témoins ? le sieur Victor HUGUES,
chevalier, officier de l'ordre royal de la Légion
d'Honneur, ancien commandant en chef de la Guyane, domi-
cilié à Cayenne, ami de l'époux... et qui devait peut-être
penser à ce mois de novembre 1795, vingt-deux ans plus
tôt, où le père de la mariée (pas encore née à l'époque)
venait le trouver en Guadeloupe pour l'appeler au secours
de la Guyane !
Notes :
(1) Inventaire des Archives nationales C/14, index. Nous
en profitons pour exprimer notre reconnaissance à Monique
Pouliquen qui, avec d'autres, y a travaillé activement et
qui en a rédigé l'introduction. Mais nous déplorons
vivement que l'inventaire C/7 de la Guadeloupe, dactylo-
graphié, ne soit toujours pas imprimé et publié, avec
index. Nous l'attendons avec impatience.
(2) Colonies E306 MATHEVET (Charles)
(3) Les noms complets et dates des gouverneurs sont tirés
de la liste à la fin du "Guide des sources de l'histoire
de l'Amérique latine et des Antilles dans les archives
françaises" (Archives nationales, 1984, sous la direction
de Marie-Antoinette Ménier) ainsi que de l'inventaire de
Colonies C/14.
(4) Colonies E81 François CHEVREUIL
COOPÉRATION
Les TASCHER de LA PAGERIE (pp. 892 à 898)
de Mariel Gouyon-Guillaume :
La présentation de la généalogie n'indique pas assez
clairement que les enfants de Marie-Anne-Adélaïde MÉLANIE,
mulâtresse libre, sont une postérité illégitime et non
prouvée du père de Joséphine. Il aurait mieux valu
présenter les trois filles après la généalogie, en annexe.
NDLR Vous avez raison : aucun document ne permet
d'affirmer cette filiation, même si Emile Hayot et
d'autres généalogistes la jugent très probable. Nous
profitons de votre remarque pour rappeler aux lecteurs que
le signe "*" veut dire "union illégitime".
d'Edgard Littée :
Selon mes sources, Rose-Claire DESVERGERS de SANNOIS, mère
de Joséphine, serait fille de Joseph-François et
d'Elisabeth MAIGNE DU PLAT, et non de Marie-Catherine-
Françoise BROWN.
NDLR Vous faites erreur d'une génération : vous trouverez
Joseph DESVERGERS et Elisabeth MAIGNE DU PLAT en 12 et 13
de l'ascendance (p. 890), parents de Joseph-François et
donc grands-parents de la mère de Joséphine.