G.H.C. Numéro 55 : Décembre 1993 Page 922

COMPTE-RENDU DE RELECTURE
Guy Stéhlé

"Histoire de la Guadeloupe sous l'Ancien Régime (1635-1789)".
Maurice Satineau Payot, Paris 1928 

     Jusqu'à la parution,  en 1961, de la thèse magistrale 
de  Guy Lasserre,  "La Guadeloupe" (1),  il n'existait sur 
cet archipel qu'une publication sérieuse à vocation  géné- 
raliste, celle de Maurice Satineau, "Histoire de la Guade- 
loupe sous l'Ancien Régime (1635-1789)",  parue chez Payot 
en 1928.  Ses seuls devanciers, Ballet, Lacour, Pardon, O. 
Lara, souvent touffus, brouillons et de lecture difficile, 
étaient  tous devenus introuvables,  et en tout cas  (sauf 
Lara)  très  anciens.  Ceci était sans doute le  principal 
mérite de ce livre, mais non le seul, lors de son édition.

     Sans  être aussi érudit et fouillis que les  ouvrages 
de L. Ph. May, en particulier "l'Histoire économique de la 
Martinique (1635-1763)" (2),  paru en 1930, il vaut, à mon 
avis,  largement celui de C.A.  Banbuck (3), paru quelques 
années plus tard (1935),  qui porte presque le même  titre 
"Histoire  de  la Martinique sous l'Ancien  Régime  (1635-
1763)" et qui est aussi le fruit d'une recherche à l'Ecole 
des Hautes Etudes de Paris.
     Comme l'a indiqué la Rédaction,  l'approche n'est pas 
événementielle (ce qui, à l'époque, était plutôt moderne); 
l'auteur  traite  successivement,  en 12 chapitres et  400 
pages, de grands thèmes économiques ou sociaux.

A. Quelques points forts :

- les aspects de législation économique :  l'étude sur  le 
Pacte colonial (pp.  35-56),  en particulier,  n'est abso- 
lument pas obsolète;

- les  problèmes de main-d'oeuvre :  ils font  l'objet  de 
larges développements :
  pour les engagés (pp. 65-80) l'auteur a pressenti ce que 
Debien  a  traité à fond par la suite.  Satineau a  lu  Du 
Tertre (il se méfie, à juste titre, de Labat) et fait bien 
la distinction (p. 67) entre ports d'embarquement (Dieppe, 
Le  Hâvre,  Saint-Malo,  Brest  et La Rochelle)  et  lieux 
d'origine des engagés.  Par ailleurs, il est, me semble-t-
il,  l'un  des rares à mentionner les "trafics  d'enfants" 
(p.  68 en note) : la source est E. Rufz qui mentionne une 
protestation de POINCY en 1640 (4) sur ce sujet.
  pour l'esclavage,  l'apport est moins novateur, beaucoup 
ayant  déjà  été dit sur le sujet,  même  à  l'époque.  On 
notera cependant des pages intéressantes sur l'affranchis- 
sement   (pp.   308-311)  et  l'origine  géographique  des 
esclaves (pp. 81-93);

- les  problèmes de l'agriculture et de  l'industrie  (pp. 
111-172),  du commerce (pp. 173-223) et ceux de la monnaie 
(pp.  225-257)  forment le coeur de l'ouvrage.  Sans doute 
largement dépassées depuis les travaux récents (en  parti- 
culier  d'Abénon  (5),  pour  n'en citer qu'un  récent  et 
"généraliste"),  ces pages restent utiles à lire,  surtout 
pour  les aspects monétaires.  Pour qui ne possède pas  la 
thèse  d'A. Buffon (6),  l'étude reste une bonne synthèse, 
au moins pour un lecteur profane.

B. En ce qui concerne le chercheur en généalogie :
 
L'ouvrage lu attentivement est souvent une source de réfé- 
rences utiles et de pistes à explorer.  Je recommande,  en 
particulier, l'exploitation du chapitre XI (pp. 309 à 360) 
sous  la forme d'un index des noms.  L'auteur a  largement 
puisé dans les Archives Nationales,  Cook de la Guadeloupe 
et  correspondance ministérielle;  il cite ses sources  de 
façon  très  précise.  Quelques  exemples  montreront,  je 
crois,  l'intérêt de cette source pour qui s'intéresse aux 
origines ou aux mariages des affranchis et de couleur :

- p. 336 : l'auteur y mentionne "un sieur MAGUE (MAGNE ?), 
pourvu de l'office de curateur à Marie Galante" (en 1784), 
sur lequel planait le doute d'un mariage avec une personne 
de  couleur,  ce  qui  entraîna  une  enquête  du  Conseil 
Souverain (Archives Nationales,  Col.  F3 232,  Code de la 
Guadeloupe pp. 441-487).

- p.  353 :  deux arrêts du Conseil Souverain,  en 1784 et 
1785,  contre  des affranchis,  sont partiellement cités : 
"LÉGER, issu de feu Nicolas HOUELCHE et de Victoire GÉRARD 
métive", et Jean-Baptiste, Jean et Pierre "se disant Jean-
Baptiste  MÉCHIN,  Jean  SAINT-MARTIN  et  Pierre  GRENET, 
revendiquent  de porter le nom de leur  père  naturel.  Le 
Conseil le leur défend (Archives Nationales,  Col. F3 232, 
pp.  543-675 Code Guadeloupe.  Arrêts du Conseil Supérieur 
du 14 juillet 1784 et 17 janvier 1785).

- pp.  353-357 : Satineau mentionne : "le premier document 
concernant  la Guadeloupe et la Martinique,  où ces unions 
(entre affranchis et blancs) sont nettement prohibées,  et 
une lettre du Ministre de la Marine et des Colonies, du 30 
décembre 1741, à M. LEFÉBURE d'ABBOND, Intendant des Isles 
du  Vent".  L'auteur  cite alors abondamment le  cas  d'un 
arrêt  du début du XVIIIème siècle concernant  un  mariage 
dans  la  paroise de Pointe Noire,  entre "le sieur  PETIT 
avec la négresse MADELON et célébré à l'église par le Père 
CAMOIN,  religieux jacobin", lequel mariage est annulé par 
le Conseil (Archives Nationales,  Col.  F3 224, Code de la 
Guadeloupe,  années  1726-1734.  Extrait  du  jugement  du 
Conseil  Supérieur de la Guadeloupe du 6  mars  1727,  pp. 
213-244).  Plus loin (p. 359) sont évoqués des cas à Port-
au-Prince avec l'indication de noms.

En définitive,  sans mériter une réédition et lorsqu'on le 
trouve  à un prix raisonnable (Frs 200,oo à  300,oo),  cet 
ouvrage,mérite  de figurer dans une bibliothèque consacrée 
aux Antilles françaises.

A propos de l'auteur :

SATINEAU, Maurice (1891-1965)
Né  à Baie Mahault (Guadeloupe) le 18 septembre  1891,  il 
fut à la fois journaliste et homme politique.
Après des études supérieures en France,  en particulier  à 
l'Ecole Supérieure des Hautes Etudes, SATINEAU embrasse la 
carrière de journaliste. Par la suite, il deviendra un élu 
important de la Guadeloupe.

- Le journaliste militant :

Il milite,  à partir de 1926,  au "Comité de défense de la 
race nègre", avec Lamine SENGHOR et René MARAN. Des diffi- 
cultés financières s'ajoutant à des divergences d'opinion,     





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