G.H.C. Numéro 55 : Décembre 1993 Page 913
En Guyane aux XVIIe et XVIIIe siècles :
Gabriel FOLIO sieur DES ROSES et Jean DU GRIFFOLET
Bernadette et Philippe Rossignol
La recherche d'ascendance CHEVREUIL en Guyane sur
laquelle nous travaillons actuellement (questions 93-93 et
93-94) nous a momentanément "égarés" sur une piste inté-
ressante que nous nous sommes empressés de suivre.
Le Père Dutertre parle à diverses reprises du "sieur
DES ROSES" :
Au début de 1664, quand TRACY, envoyé par la Compagnie
des Indes occidentales qui allait remplacer les "Seigneurs
propriétaires", se préparait à partir de la Martinique
pour la Guadeloupe régler les différends entre HOUEL et
ses neveux BOISSERET, l'aîné de ces derniers, Monsieur
d'HERBLAY "députa le sieur DES ROSES, capitaine de sa
compagnie, vers Monsieur de TRACY, et ce fut à celui-ci
auquel il dit franchement qu'il fallait que Messieurs de
HERBLAY et de TEMERICOUR prissent le parti d'aller trouver
le Roy". Effectivement, HOUEL d'abord et les frères
BOISSERET une semaine après, le 12 juillet 1664, prirent
un navire pour la France. Le sieur DES ROSES fut alors
chargé d'avoir soin des affaires de Monsieur d'HERBLAY. M.
de TRACY était si satisfait de lui qu'il demanda pour lui
à COLBERT une commission "afin qu'il commande toujours la
compagnie qu'il avait sous M. de HERBLAY", disant "que
c'est un soldat à laisser dans un poste où personne ne
veut demeurer et qu'il se défendra fort bien."
Les Anglais de WAERNARD menaçant alors Marie-Galante,
TRACY "y envoya du canon, des munitions et des soldats et
choisit pour les commander et pour conserver cette île le
sieur DES ROSES, homme très digne de l'éloge qu'il lui
avait donné dans la lettre de Monsieur COLBERT." Cela fut
ordonné le 5 juillet 1664.
Effectivement, Gabriel FOLIO écuyer sieur DES ROSES
figure au recensement de Marie-Galante de 1665. Il y est
dit lieutenant et âgé de 40 ans environ, natif de Mont-
Saint-Martin et arrivé à Marie-Galante en 1664. C'est
donc bien le "sieur DES ROSES" cité par Dutertre.
De la même époque doit dater un document intitulé "État
raccourci du gouvernement de la Guadaloupe tant de la
milice, justice que police" (Colonies F3/18 folios 98 et
99), daté en marge par erreur 1645. On y énumère entre
autres, avec commentaires, ceux qui formaient les conseils
souverains de HOUEL et de BOISSERET. Parmi ces derniers
figure "Gabriel FRANÇOIS dit DES ROZES que M. de TRACY a
fait lieutenant au gouvernement de Marie Galante, domes-
tique de Messieurs de BOISSERET; il est homme de
conscience dans ses sentiments." (FRANÇOIS doit être une
copie erronée de FOLIO).
Les dernières nouvelles de DES ROSES que nous avions
venaient encore de Dutertre, lequel nous apprend que "vers
la fin de septembre 1665, Monsieur de CHAMBRÉ tira de
l'Isle de Mariegalande Monsieur DES ROSES et lui donna le
commandement de l'Isle de Saint Martin, sous l'autorité de
la Compagnie des Indes Occidentales." Nous le retrouvons
en effet à Saint Martin en 1666 quand Messieurs de SAINT
LAURENT et de CHAMBRÉ décident de transporter les
habitants de Saint Barthélemy et de Saint Martin à Saint
Christophe afin de renforcer les défenses de l'île menacée
par les Anglais : "Le sieur DES ROSES qui commandoit dans
l'Isle de Saint Martin et l'un des plus braves de nos Amé-
riquains, se servit de l'occasion des barques que nos
Messieurs avoient envoyées pour quérir les habitans de
cette Isle et fut avec 300 hommes attaquer l'Isle de
l'Anguille habitée par les Anglois qui, à la veuë de nos
vaisseaux, au lieu de leur résister comme ils le pouvoient
faire, abandonnèrent leurs cases et leurs habitations,
mirent le feu partout et se retirèrent dans les bois et
dans les montagnes; et il est certain qu'il se firent eux-
mesmes plus de mal que nos François n'avoient envie de
leur en faire. Et comme les ordres qu'ils avoient ne
portoient point de faire plus de tort aux Anglois qu'ils
ne s'en estoient fait eux-mesmes, ils s'en revinrent avec
deux prisonniers et trois pièces de canons."
Exit le sieur DES ROSES. Or voilà que nous le
retrouvons à Cayenne, ou plutôt sa veuve et ses enfants :
le 15 août 1690, Françoise VAZ, veuve en secondes noces de
"Messire Gabriel de FOLIO sieur DESROSES, gouverneur des
îles de Saint-Eustache, Marie-Galante et Saint-Martin",
convole en troisièmes noces. Elle aurait sans doute mieux
fait de rester veuve ! Nous allons voir pourquoi.
Françoise VAZ était "du Rio Grande au Brésil", fille de
François VAZ, natif de Lisbonne, et de demoiselle Marie
BAS ROSE, de la Baye de Tous les Saints au Brésil (Bahia).
Nous ne savons pas qui elle avait épousé en premières
noces ni où et quand elle avait rencontré Gabriel
DESROSES. Le mariage de leur fille Madeleine, le 20 mai
1692 à Cayenne, avec Jean POUSSIN, enseigne de milice
nous apprend que Gabriel FOLIO sieur DESROSES était "de
Reims en Champagne". En 1665, à Marie-Galante, il était
natif de Mont-Saint-Martin (probablement dans le dépar-
tement des Ardennes). Quel lecteur champenois pourrait
nous en dire plus sur ses origines ? Par ailleurs, nous
avons vu qu'au remariage de sa veuve il est dit gouverneur
de Marie-Galante et Saint-Martin, où nous l'avons vu en
effet "lieutenant au gouvernement" pour la première et
commander la seconde (mais pas gouverneur) mais nous
ignorions son passage par Saint-Eustache.
Les enfants de Gabriel et Françoise étaient deux :
- Madeleine, qui épouse donc en 1692 l'enseigne de milice
Jean POUSSIN et qui se remarie neuf mois plus tard, le 21
février 1693, avec Messire Louis de LA VILLE de FEROLLES,
chevalier seigneur d'AVOIR, fils de feu Messire Pierre de
LA VILLE de FEROLLES chevalier, marquis du dit lieu et
d'Avoir et de feu Dame Elisabeth CHAUBES de MARTIDOR, de
la paroisse de Longué en Anjou (nous ignorons la parenté
exacte avec Pierre Eléonore de LA VILLE marquis de
FERROLLES,gouverneur de Guyane,dont nous allons reparler).
Elle se remariera avant 1705 avec un sieur CHANSEAU.
- Gabriel de FOLIO écuyer sieur DESROSES, capitaine d'une
compagnie du détachement de la marine, lequel, tout
naturellement quand on connaît son ascendance maternelle,
fut envoyé en mission au Brésil en 1723 pour délimiter la
frontière lors des contestations avec les Portugais (1).
Il épousa l'année suivante, le 10 juillet 1724 Françoise
CHEVREUIL, veuve en premières noces de Jacques DUPUY
(créole de Guyane, fils de Jacques, habitant, et Maturine
HELY). Françoise CHEVREUIL, aussi créole, était fille de
François CHEVREUIL dit LA FLEUR DU MANS, habitant, et
Jeanne LEGRÉ (ou LEGRETTE), laquelle faisait partie des
trente "filles du roi" arrivées sur "L'Espérance" du capi-
taine PHILIPPON en 1695.