G.H.C. Numéro 55 : Décembre 1993 Page 914
En Guyane aux XVIIe et XVIIIe siècles :
Gabriel FOLIO sieur DES ROSES et Jean DU GRIFFOLET
En fait, il était veuf en premières noces de Jeanne
CLORET qu'il avait épousée alors qu'il était lieutenant
des vaisseaux du roi et enseigne d'une compagnie de la
marine, en décembre 1704 (2). Fille de Jean CLORET,
habitant, décédé, et de Marie CHAMBON, demeurant alors à
La Rochelle, et mineure à son mariage, elle était
cependant veuve de Jean DARET, aussi habitant.
Gabriel de FOLIO sieur DES ROSES fils fut par la
suite major commandant de l'Oyapock, à la frontière du
Brésil : ce n'était sûrement pas un hasard, une fois de
plus. Il mourut en 1741, décoré du titre de chevalier de
St-Louis et laissant deux fils officiers, Gabriel et
François, lesquels, en 1769, pour appuyer une demande,
faisaient valoir que leur père avait été "le premier
créole de la Guyane française décoré du titre d'officier,
en laquelle qualité il a servi avec distinction 46 ans".
Les deux frères, Gabriel et François, en 1760,
avaient un procès devant le conseil supérieur de Cayenne
contre LEMOYNE à propos des limites de leurs habitations,
et, en 1769, faisant état de leurs services et de ceux de
leur père et de leur grand-père en Guyane, demandaient, le
premier, une commission de capitaine réformé pour
s'occuper de ses terres, où il s'est livré avec zèle à la
culture du café dès qu'on l'introduisit (il a, écrit le
gouverneur, "beaucoup d'intelligence et beaucoup d'appli-
cation"), et, le cadet, une commission de capitaine en
pied dans les troupes nationales (il est "créole, fort,
robuste, au fait du service que cette colonie cy exige")
(1). L'aîné, Gabriel, mourut à Cayenne en octobre 1789,
capitaine de milice, et sa succession passa au roi
"d'après arrangements avec les anciens administrateurs";
François était mort avant lui, lieutenant des troupes
nationales, le 29 mai 1775 laissant une succession "fort
embarrassée" (2).
Suivre la destinée de la famille DES ROSES nous a
fait oublié Françoise VAZ, la brésilienne veuve de Gabriel
l'ancêtre. Une contestation tardive entre elle, son fils
et sa fille, a propos du testament de Gabriel DES ROSES
daté de 1676, nous en apprend beaucoup plus (2).
En fait, Gabriel DES ROSES n'avait pas épousé
Françoise VAZE mais il avait reconnu Gabriel et Catherine
"être de ses faits". Le 5 mai 1676, il est "le seul tué au
service du roi en défendant la palissade de cette forte-
resse (de Cayenne) contre les Hollandais." Cayenne fut
prise par les Néerlandais mais reprise en décembre de la
même année par la flotte française de l'amiral d'ESTRÉES.
La veille de l'attaque, Gabriel DES ROSES avait pris la
précaution de faire son testament devant le notaire
BENOIST dit VINCENT. Il laissait 1.000 livres de rente
annuelle ou revenu, à prendre sur son habitation de l'isle
de Cayenne, à Françoise VAZE et aux deux enfants qu'il
avait reconnu être de ses faits, âgés de 1 et 2 ans : 500
livres pour les enfants et Françoise VAZE recevait person-
nellement 500 livres, somme qui retournerait à sa mort aux
enfants, pour élever les deux enfants et "pour ses peines
et bon services tant dans les îles du Vent qu'en cette
dite île de Cayenne", sauf si le sieur de LA FUYE, frère
du sieur DES ROSES, "venait s'habituer en cette isle sur
la dite habitation."
Las ! le testament, signé par DES ROSES et le notaire,
fut perdu avec les papiers du notariat lors de la prise de
Cayenne. Françoise VAZE demanda au notaire une attestation
de testament qui fut établi le 6 mai, lendemain du décès
de Gabriel, "en rade de Cayenne dans le navire La province
de Zélande, capitaine CONSTANT". Munie de ce testament,
elle put "jouir de l'habitation" lors de la reprise de
Cayenne. En ayant été troublée par la suite, elle passa en
France pour faire confirmer le testament par COLBERT.
Cette "sucrerie roulante, avec quinze esclaves et usten-
siles" laissée par Gabriel DES ROSES valait 16.000 livres.
Françoise VAZE l'exploita un temps en société avec le
marquis de FERROLLES (Pierre-Eléonore, marquis, seigneur
de LA VILLE de FERROLLES, lieutenant de roi puis gouverneur
de la Guyane à plusieurs reprises, entre 1679 et son décès
en 1705) . Elle produisait alors, en une seule année,
30.000 livres de sucre. Lors du partage d'avec le marquis
de FERROLLES (5), Françoise VAZE en retira 33.000 livres.
Et, en effet, dans le recensement nominatif de "l'isle
et Terre ferme de Cayenne" du 8 novembre 1685 (3), on peut
lire, dans les sucreries :
"la mienne (sic !)
la dame DES ROSES, intéressée, 38 ans,
Gabriel DES ROSES, 11 ans,
Madelon DES ROSES, 10 ans,"
avec onze domestiques blancs (avec nom et âge),
50 nègres, 27 négresses, 11 négrillons,
134 bêtes à cornes, 3 chevaux,
1 indien (ordre respecté...)
Nous avions vu la dame DES ROSES se remarier le 15 août
1690, "en troisièmes noces" d'après l'acte de mariage et
en deuxièmes noces d'après ses enfants, avec "Messire Jean
DU GRIFFOLET chevalier aide-major de la garnison de cette
île (de Cayenne), fils de Messire Jean DU GRIFFOLET
chevalier seigneur de ROSSEYS et autres lieux, né à Brive
la Gaillarde en Limousin, et de dame Marie de VOINOR, née
à Villeneuve le Roi en Bourgogne" (il existe effecti-
vement, d'après le Répertoire des généalogies du colonel
Arnaud, une famille limousine de GRIFFOLET).
Or ce GRIFFOLET fit peu après parler de lui. Quinze
jours avant son mariage, le 1er août, le gouverneur de LA
BARRE (François LEFEBVRE seigneur de LA BARRE) l'avait
proposé pour major à la place du sieur de RIONVILLE
(Antoine de QUERCI, seigneur de RIONVILLE, qui commandera
pour le roi en 1705-1706 après la mort de FERROLLES),
jugeant qu'il en était "très digne et très capable, étant
fort assidu à discipliner les soldats et fort vigilant
pour le service". La chose ne se fit pas mais, dès février
1691, six mois après son mariage, le 19 au matin, le
gouverneur FERROLLES, rentrant chez lui d'une promenade
matinale, fut surpris du "grand bruit que faisait le sieur
GRIFOLET, aide-major, en battant sa femme enceinte qu'il
oblige de sauter du haut en bas d'une galerie". FERROLLES
s'interposa et lui dit "s'il voulait continuer cette vie,
qu'il prit la peine de sortir de ma maison". GRIFFOLET
menaçant le gouverneur de la pointe de son épée, les
témoins durent intervenir pour le maîtriser. GRIFFOLET,
jurant et blasphémant, traita le gouverneur "de lâche et
de coquin, disant (que) si je le tenais, je le foulerais
sous les pieds", à quoi le gouverneur répondit "Allez,