G.H.C. Numéro 51 : Juillet-août 1993 Page 828

ÇA VA SÉVIR A SAINT-VINCENT
Arnaud Vendryes

 
     Auparavant  île  neutre,  territoire caraïbe tout  en 
abritant  de  nombreux colons français,  l'île  de  Saint-
Vincent  avait été attribuée aux Anglais par le traité  de 
1763.  Lorsque la guerre fut déclarée avec l'Angleterre en 
1778, plusieurs îles changèrent de mains :
- en  septembre 1778,  les troupes du marquis  de  BOUILLÉ 
  prennent la Dominique.
- en décembre 1778, les Anglais prennent Sainte-Lucie.
- en juillet 1779, les Français,  sous les ordres du comte 
  d'ESTAING,  prennent  de  nombreuses îles  anglaises,  à 
  commencer par la Grenade et St Vincent.
 
     La tâche de l'administration des nouvelles  conquêtes 
revint  au  Marquis de BOUILLÉ  et ce ne fut pas  toujours 
chose facile, comme nous allons le voir.

L'administration de la Dominique

     Le Marquis de BOUILLÉ nomma à la Dominique un conseil 
privé  aux  attributions  provisoires,  constitué  de  MM. 
Nicolas CROQUET de BELLIGNY, François HOME, Samuel DUER et 
Robert  VANÉE (Col C/8a/77-99).  Un document de  septembre 
1778  (C/8a/77-309)  nous  donne en outre  le  détail  des 
paroisses de la Dominique :

     Roseau (paroisse St George)
     Saint Michel (paroisse St Luc)
     La Souffrière et la pointe Guinare (paroisse St Marc)
     La Grande Baye (paroisse St Patrice)
     Pointe Mulâtre et Rosaly (paroisse St David)
     La Soye (paroisse St André)
     La Grande Anse (paroisse St Jean)
     Coliheau (paroisse St Pierre)
     Paroisse St Joseph
     Boiry (paroisse St Paul).

     En  octobre 1779,  on trouve mention d'un marquis  du 
CHILLEAU, gouverneur de la Dominique.

            L'administration de Saint-Vincent

     En   avril  1780,   on  trouve  tout  d'abord   comme 
gouverneur de Saint-Vincent un nommé DUMONTET.  Son séjour 
dans le poste ne dut pas être excessivement long,  puisque 
on  trouve  mention  de son successeur  DUPLESSIS  dès  le 
milieu de l'année 1781. 

     Le  21  septembre  1781  (Col  C/8A/80-144),  BOUILLÉ 
reçoit donc une supplique de la part des chefs caraïbes :
     "M. DUPLESSIS, gouverneur de cette colonie, au mépris 
de  tout  le  zèle qui nous a animés  et  qui  a  couronné 
l'entreprise de M.  le comte d'ESTAING...  veut nous faire 
embarquer  pour la Trinité espagnole,  nous priver de  nos 
femmes,  de  nos enfants,  et nous exposer à la fureur des 
Waquérys: que peut-on nous faire de pire?... C'est à vous, 
Monseigneur,  à  l'illustre marquis de BOUILLÉ,  que  nous 
portons nos plaintes et nos gémissements.  La  sensibilité 
de  votre  âme vous a déjà rendu notre protecteur dans  la 
famine qui a succédé à l'ouragan de l'année  dernière:  M. 
de BLANCHELANDE et M.  de PERCIN,  en nous distribuant des 
secours,  vous en ont attribué la gloire.  Mettez donc des 
entraves aux intentions de M. DUPLESSIS". 

     Ce texte est signé de CHATEAUGUET,  Pierre BABILLARD, 
DUVALET,   Jean-Baptiste,  SALLINAN,  Joseph  FOUNOUCHAUX, 
ALPHA, LALIME, DUCHATET, BRUNO, PALANGUET, DUROCHET, MARIE 
ANISETTE, BARUMONT, SANDOUSSE,  LOUISON, AUCARNÉ, LAURENT, 
FIOLIN,  ROMAIN, BAYOURA, SMIT, HONESSET, YOUBIA, FAUCHIN, 
ANTONNE,  BARASTA,  SALIGNON,  BELLET,  CLEMENT, HASSENNE,  
DUFONT, FAGLOU,  et Percin LARROQUE, ce qui nous donne une 
liste intéressante de patronymes caraïbes, sauf erreurs.

     Vient à la suite le témoignage de M.  de PERCIN : "je 
rends témoignage de la vérité contenue dans ce document... 
M.  DUPLESSIS  m'a  chargé  de conseiller  aux  chefs  des 
Caraïbes de s'émigrer à la côte d'Espagne ou à la  Trinité 
espagnole,  partie par partie, et me dit qu'il demanderait 
des ordres au ministre pour les y contraindre...".

     On ne plaisante pas avec le dossier caraïbe.  Il faut 
croire que BOUILLÉ réagit plus vite que son ombre, puisque 
le  25 septembre (Col C/8A/80-138),  il rend  l'ordonnance 
suivante :
     "Sur  les  plaintes que nous ont porté les chefs  des 
Caraïbes de St Vincent, qu'on ne leur rendait pas toute la 
justice qui est due à leur attachement et à leur zèle pour 
le  roi de France et pour la nation française,  ce  qui  a 
engagé des gens de mauvaise foi,  leurs ennemis, ainsi que 
les nôtres,  de leur inspirer que M. DUPLESSIS, gouverneur 
de  St  Vincent,  voulait  les  faire  vendre  à  la  côte 
d'Espagne,  propos  d'autant plus hazardé qu'il n'en avait 
pas le droit... En conséquence, pour rassurer les Caraïbes 
sur toutes les craintes que l'on pourrait leur donner  des 
gouverneurs  et autres officiers et particuliers français, 
nous les assurons,  au nom de Sa Majesté, de sa protection 
spéciale,  et  nous  les mettons  sous  notre  sauvegarde, 
défendons à qui que ce soit, de les maltraiter ou molester 
en  aucune manière...  Si quelque Caraïbe vient à insulter 
ou maltraiter quelque habitant français ou  anglais,  sera 
arrêté  par  un détachement de troupes ou de  milices,  et 
envoyé  à M.  de PERCIN,  commandant en second,  que  nous 
chargeons particulièrement de la police des  Caraïbes,  ou 
aux  chefs des Caraïbes pour être puni suivant  l'exigence 
du cas".

  Une fois les Caraïbes rassurés, BOUILLÉ, le 12 novembre, 
prend en main le cas DUPLESSIS (Col C/8A/80-141) :
     "Vos deux lettres,  Monsieur,  des 29 octobre et  1er 
novembre me sont parvenues hier :  le ton,  le style et le 
contenu m'en auraient étonné, si M. DUMONTET, votre prédé- 
cesseur,  ne m'y avait accoutumé.  Quoi qu'il en soit,  je 
vous  engage à l'avenir à observer un peu plus l'ordre  et 
les  convenances  dans  les choses et  les  personnes,  et 
surtout  les règles de la subordination.  Depuis que  vous 
commandez à St Vincent,  j'ai été continuellement  étourdi 
des tracasseries qu'il y avait dans cette île... J'ai reçu 
un mémoire des Caraïbes contre vous,  je vous en ai envoyé 
copie  :  je  vous ai itérativement ordonné de leur  faire 
remettre  en  totalité  les présents que  le  roi  leur  a 
accordés, ce qui n'a été exécuté qu'en septembre. J'ai cru 
devoir les rassurer sur la crainte de les faire vendre que 
vous  leur  aviez inspirée,  et j'en ai rendu compte à  la 
cour...  Au surplus,  Monsieur,  si vous désirez un congé, 
non  seulement je le demanderai à la cour,  mais  je  suis 
suffisamment  autorisé  à vous en donner un,  et  je  vous 
l'offre dans ce moment."




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