G.H.C. Numéro 47 : Mars 1993 Page 762

Joseph MARTIALIS (1799 - 1876)
Sylvain Poujol

     Il  est,  à  double titre,  au point de départ de  la 
famille  MARTIALIS  :  nommé à sa  naissance  Joseph  tout 
court,  il portera à son décès le patronyme MARTIALIS;  de 
condition  modeste au départ,  il deviendra commerçant  et 
propriétaire,et cet acquis sera transmis à sa descendance.

Il est né à Saint-Pierre, le 22 juillet 1799, fils naturel 
d'Adélaïde, et fut baptisé l'année suivante.

"L'an 1800 et le treizième jour du mois de mars,  je sous- 
signé,  curé  de  la  paroisse du  Fort  Saint-Pierre,  ai 
baptisé un métif, né le 22 juillet dernier illégitimement, 
d'Adélaïde,  métive  enregistrée  libre au gref  de  cette 
ville  le cinq septembre 1782;  il a été nommé Joseph  par 
Louis, métif libre, et par Marie Sophie, mulâtresse libre, 
ses  parrain et marreine,  qui nous a déclaré  ne  scavoir 
signé, le parrain a signé avec moi le présent acte l'an et 
jour que dessus".
Suivent les signatures : Louis Agnes et Théophile, Curé.

Il  faut savoir que,  à la veille de la Révolution,  il  y 
avait en Martinique environ 70.000 esclaves, 10.000 blancs 
et  5.000  gens de couleur libres;  malgré  les  punitions 
prévues  par  le Code noir de Colbert,  le taux  d'enfants 
illégitimes était de plus de 50 %.
En  l'An XIV,  l'arrondissement de  Saint-Pierre  comptait 
1.982  gens  de couleur pour 3.998  blancs.  En  1822,  la 
population  des libres de couleur avait progressé  :  elle 
était  sensiblement  à  égalité avec les blancs  à  Saint-
Pierre, les paroisses du Mouillage et du Fort réunies.

A la recherche des origines d'Adélaïde, la mère de Joseph, 
nous  n'avons pu consulter le greffe de  Saint-Pierre  qui 
n'a pas été conservé pour l'année 1782. Néanmoins, un acte 
notarié  du  13  mars de cette année  est  probablement  à 
l'origine de l'enregistrement du 5 septembre 1782. 

Voici cet acte de Maître Baudon :
"Donnation  de  liberté  et  affranchissement  d'esclavage 
donné  par  dame VEYRèS,  épouse du sieur Jean  SAUVIGNON, 
négociant,   d'Adélaïde  son  esclave  mestive  (ce  terme 
désigne  à  la  Martinique la fille d'un  blanc  et  d'une 
mulâtre).  Par  devant  les  notaires  royaux  ...  furent 
présents le sieur Jean SAUVIGNON,  négociant, demeurant en 
cette  ville du Fort Saint-Pierre,  Grande  Rue,  paroisse 
Notre-Dame  de  Bon Port,  et dame  Marie  Anne  Dominique 
VEYRèS,  son épouse ... laquelle a, sous l'autorité de son 
époux,  par lesdites présentes et en exécution de l'ordon- 
nance   de  nos  seigneurs  le  (gouverneur)  général   et 
intendant  des isles française du Vent de l'Amérique,  par 
ladite dame SAUVIGNON,  le sept de ce mois, par eux signés 
et  de la quittance de la Caisse des  affranchissements  à 
elle donnée par le sieur THIEUBERT, receveur, le treize de 
ce  mois,  a fait donnation entre vifs,  pure et simple et 
irrévocable ...  de la liberté et affranchissement de tout 
esclavage,  à la nommée Adélaïde mestive, son esclave âgée 
de 14 ans révolus,  pour elle et ses descendants et  jouir 
de l'effet d'icelle au désir de ladite ordonnance, confor- 
mément  à  l'Edit de Sa Majesté de 1685,  de même et  tout 
ainsi que les autres affranchis des droits et prérogatives 
y attachés,  à charge pour elles de se conformer aux édits 
et ordonnance de Sa Majesté ...".

Nous verrons qu'Adélaïde était native de Basse-Pointe  et, 
en  effet,  dame  VEYRèS possédait une habitation dans  ce 
lieu.  Par contre, l'âge au décès ne correspond pas aux 14 
ans  d'Adélaïde  en 1782,  mais cette indication  était  à 
l'époque très fantaisiste.

Revenons à Joseph, enfant naturel d'Adélaïde.
En  1799,  la  Martinique était occupée par  les  Anglais. 
Lorsqu'elle fut reprise sous le Consulat,  Napoléon annula 
l'abolition de l'esclavage décrétée par la Convention le 4 
février  1794,  en rétablissant la législation en  vigueur 
sous l'Ancien Régime,  d'où la nécessité pour les gens  de 
couleur  libres  de faire confirmer leur  état  antérieur. 
Joseph,  fils  d'une  métisse (ou métive synonyme)  libre, 
l'était obligatoirement.  Ce qui fut confirmé par un  acte 
de  liberté  du 3 Frimaire An XII signé par le  gouverneur 
Villaret et Bertin (no. 1037 et 97).
     Il a appris à lire et à écrire (où et par qui ?).  Il 
saura signer et compter puisqu'il deviendra  marchand.  Il 
débute  dans la vie comme cordonnier,  probablement  après 
avoir  été en apprentissage dans une échoppe.  Il a 28 ans 
lorsqu'il  se marie à Marie Alexandrine,  âgée de 20  ans. 
Nous avons pris connaissance de l'acte de mariage dans  le 
registre  d'Etat civil du Fort Saint-Pierre;  il est alors 
dit  MARTIALIS (il se peut que ce soit tiré du  prénom  de 
son père);  du coup,  sa mère est aussi dite MARTIALIS, ce 
qui n'était pas le cas lors du baptême de Joseph.

"Le  19 septembre 1827,  sont mariés Joseph dit MARTIALIS, 
métis majeur,  maître cordonnier,  fils naturel d'Adélaïde 
dite MARTIALIS, ici présente, à Marie Alexandrine, mineure 
carteronne,  libre de naissance, fille naturelle de Cécile 
dite  ARMAND,  carteronne,  propriétaire  présente,  libre 
suivant l'acte du 5 Vendémiaire An XII (no.  205 et  160). 
L'épouse est née le 30 septembre 1807".
Sont témoins :  4 hommes de couleur libres,  propriétaires 
de  la  paroisse.  Les époux ont signé,  leurs  mères  ont 
déclaré ne le savoir.

Voici l'acte de naissance de l'épouse de Joseph :
"Le Mouillage, paroisse (terme inadéquat, puisqu'il s'agit 
d'un  acte  civil) de Saint-Pierre.  Le 10 novembre  1807, 
acte de naissance de Marie Alexandrine,  quarteronne,  née 
le  30  septembre,  fille naturelle de  la  métisse  libre 
Cécile  dite ARMAND;  vu la confirmation de la liberté  de 
ladite Cécile enregistrée sous le no.  205 et au greffe de 
la Préfecture no.  282,  signés par le général Villaret et 
par  le  sous-préfet  Ménard en date du 5  Vendémiaire  An 
XII".  Sont témoins :  Auguste CALABRE, bourgeois de cette 
ville,  55 ans, et Pierre GENET du ROSAIRE, négociant. Sur 
la déclaration de la mère qui n'a su signer.

Le  couple  habite Grande Rue du Fort  et  Joseph  devient 
marchand  cordonnier.  Leur  premier  enfant naquit  le  6 
décembre  1829  et  fut déclaré le 21 sous  le  prénom  de 
Mérault "dit carteron".  Marie Alexandrine accoucha,  le 6 
septembre 1831, d'un second garçon appelé Amé (pour Aimé?) 
Onésiphore. L'année suivante vint René qui décéda à 3 ans. 
En  1835,  naissait  Thomas,  fils  de  Joseph  MARTIALIS, 
marchand, 36 ans, et de Marie Alexandrine. Enfin, un autre 
garçon dénommé Hugues Joseph devait, lui aussi, décéder en 
bas âge.




Page suivante
Retour au sommaire
Lire un autre numéro





Révision 03/01/2004