G.H.C. Numéro 44 : Décembre 1992 Page 695
L'origine de la paroisse Saint-François
de Basse-Terre à la Guadeloupe
Mais la charité que diverses personnes ont témoigné
avoir pour ces pauvres Religieux ne pouvant se mieux
employer qu'à l'édifice d'une église, pour la gloire de
Dieu et pour la commodité du public et même des
bienfaiteurs de cette religieuse maison, le dit Révérend
Père JUSTINIEN n'aurait pas voulu faire cette grande
entreprise sans en avoir préalablement demandé la
permission et l'avis de Monsieur le chevalier HINSELIN,
lieutenant de roy, commandant au gouvernement de cette île
et dépendances d'icelle,
lequel, joignant son zèle à celui du dit Révérend Père,
aurait non seulement prêté son consentement à une oeuvre
si pieuse et considérable mais il aurait encore recherché
tous les moyens de la bien établir et, n'ayant point
trouvé de lieu plus commode pour les dits Révérends Pères
qui feront leur sacrifice et offices en cette église, et
aussi pour le public, que sur une terre qui est proche du
dit couvent, appartenant au sieur Louis BLANCHET dit la
FORTUNE, tant par acquisition du sieur Jacques CHEROT et
de Catherine TABAC sa femme qu'autrement,
le dit sieur BLANCHET désirant de tout son pouvoir
satisfaire pour l'honneur et la gloire de Dieu au désir du
dit Révérend Père JUSTINIEN et à la bonne volonté de mon
dit sieur HINSELIN, en la présence de Maître Jacques
GUESTON, avocat en parlement, et de Maître Jean Baptiste
PARIZE, exerçant la charge de procureur du roi en ce lieu,
qui accompagnaient le dit Révérend Père JUSTINIEN, lors
sur la terre du dit BLANCHET, sur laquelle icelui BLANCHET
étoit, le dit BLANCHET a déclaré qu'il a volontairement et
sans aucune contrainte donné, cédé et délaissé, comme par
ces présentes donne, cède, quitte et délaisse dès à
présent et pour toujours, aux dits Révérends Pères
Capucins de la province de Normandie, le dit Révérend Père
JUSTINIEN l'un d'iceux présent et acceptant,
c'est à savoir une petite portion de terre sise et
située proche de la rivière aux Herbes de cette île, au
dessous de celle ci-devant donnée par feu mon dit sieur DU
LION aux dits Révérends Pères, à prendre et avoir au haut
de la terre qui appartient au dit BLANCHET à l'aboutis-
sement de celle donnée par feu mon dit sieur DULION,
jusques à un petit arbre appelé , laquelle longueur,
par la mesure qui en a été faite en présence des susnommés
présents à la dite donation, s'est trouvée contenir
soixante et quinze pieds de longueur et, pour la largeur,
tout et autant de terre qu'il se trouvera depuis le chemin
qui tend au couvent des dits Révérends Pères Capucins
jusques à la dite rivière aux Herbes, lesquelles longueur
et largeur sont les bornes de la dite portion de terre
présentement donnée,
pour, par les dits Révérends Pères Capucins, joüir et
disposer de la dite terre, tant pour y construire et bâtir
sur icelle l'église qu'ils ont dessein d'édifier que pour
y planter arbres fruitiers et autres, s'en servir pour la
sépulture des corps si bon leur semble et ainsi qu'ils
aviseront bon être;
cette donation ainsi libéralement faite sans aucune
charge que celle qui sera ci-après déclarée dans la suite
du présent acte, par lequel le dit Maître Jean Baptiste
PARIZE, à ce présent, voulant, à l'imitation de feu Maître
Jean PARIZE son oncle, vivant conseiller et secrétaire de
la chambre du roi, major de la milice d'Auxonne, fondateur
du couvent des Capucins de la dite ville, désirant
augmenter la terre donnée par le dit BLANCHET pour la dite
construction d'église, a le dit sieur PARIZE donné, cédé,
quitté et délaissé aux dits Révérends Pères Capucins,
ledit Révérend Père JUSTINIEN ce acceptant,
c'est à savoir pareille et semblable longueur de terre
qu'il en a été présentement donné par le dit BLANCHET, sur
la largeur de soixante et quinze pieds, à prendre à la
même hauteur qu'il est dit ci-dessus, les dites terres
étant contigues et attenantes les unes des autres,
desquels soixante et quinze pieds en carré données par ces
présentes par le dit PARIZE, il consent que les dits
Révérends Pères en disposent soit pour l'établissement ou
embellissement de leur église ou pour servir de cimetière.
Et outre ce, les dits BLANCHET et PARIZE ont encore
promis aux dits Révérends Pères Capucins de fournir et
livrer un chemin le long de leur terre, qui tendra du
grand chemin traversant l'île à la dite église, de la
largeur de dix huit pieds, tant pour la commodité du
public que de celle des dits Révérends Pères Capucins.
Toutes les dites donations ainsi libéralement faites par
les dits BLANCHET et PARIZE sans autre charge, comme dit
est, sinon qu'en mémoire des dites libéralités ils ont
recommandé aux dits Révérends Pères Capucins, au dit
Révérend Père JUSTINIEN et autres ses successeurs qui
desserviront dans la dite Eglise, de chanter ou faire
chanter, après les vêpres de tous les dimanches de
Quasimodo, l'antienne de Inviolata etc., en l'honneur de
la très sainte Vierge mère de Dieu.
De tout ce que dessus, le présent acte a été fait et
passé par devant moi, notaire royal en l'île de Guadeloupe
soussigné, au couvent des dits Révérends Pères Capucins,
en la présence du dit sieur GUESTON, avocat en parlement,
du sieur Jean RAGUAU, marchand, et de Me Pierre HARDY,
praticien, témoins requis, qui ont signé avec les dites
parties et avec le dit notaire soussigné.
Signé à l'original : PARIZE avec paraphe, L. BLANCHET,
GUESTON avec paraphe, RAGUIAU, et à côté est écrit et
signé "J'accepte la donation de Monsieur PARIZE et
Monsieur BLANCHET. Frère JUSTINIEN"
Collationné au dit original, ainsi signé comme dessus,
écrit de la main du dit sieur PARIZE et à moi remis sans
avoir été depuis déclaré; le nom laissé en blanc de
l'arbre devant servir de borne, ni fait signer le sieur
HARDY témoin.
La dite collation à la requête du Révérend Père Gabriel
de VIRE, supérieur des Capucins en cette île, et la
présente à lui délivrée par moi, notaire royal à la Guade-
loupe soussigné, ce huitième jour de juin mille sept cent
deux.
GALOPIN notaire
Nota : orthographe corrigée, abréviations supprimées,
paragraphes créés pour faciliter la lecture.
Date de l'acte
Il est postérieur à juillet 1674 (mort du gouverneur
DULION) et antérieur à 1679, année où HINSELIN, qui tenait
sa place, a été nommé gouverneur à son tour. On remarquera
au passage comment le chevalier HINSELIN fait le généreux
avec les biens des autres, en l'occurrence Louis BLANCHET.