G.H.C. Numéro 42 : Octobre 1992 Page 654
Huit filles à marier : les DESCAC à Léogane
B. et Ph. Rossignol
François DESCAC, fils de Guillaume, négociant, et de
Raymonde COLLOGNE, naquit à Toulouse vers 1710 et fut
baptisé en la paroisse Saint-Sernin. Négociant à Léogane,
il était aussi trésorier de la marine quand il y épousa
une créole, Jeanne Françoise PAYRIN (aussi PERAIN, PERRIN,
etc.), le 15 août 1753.
Nous n'avons pas retrouvé le baptême de Jeanne
Françoise (lacunes des registres de Léogane de 1725 à
1735), mais ses parents s'étaient mariés en cette même
paroisse le 30 septembre 1721 : Pierre PAYRIN était
chirurgien et venait du diocèse de Bordeaux, Catherine
RAMIER était née à Rochefort, paroisse St-Louis, dans le
diocèse de La Rochelle, fille de François et Catherine LE
ROUX, laquelle était native de Saumur... variété des ori-
gines des domingois!
Pierre PAYRIN ne devait pas tarder à mourir et sa
veuve se remaria, le 30 janvier 1735, avec Léon TRAYSAT
(TRAYSAC, TRAISSAT, etc.), maître apothicaire. Après un
chirurgien, elle restait dans le même domaine! Comme
Pierre PAYRIN n'avait eu que deux filles, Jeanne Françoise
la cadette et Marie Catherine, laquelle épousa le 10
juillet 1747 le marchand Louis ROY, de La Rochelle, le nom
disparut vite.
François DESCAC et Jeanne Françoise eurent onze
enfants. Par les mentions aux baptêmes, on voit que, en
plus de la charge de trésorier de la marine qu'il exerça
plus de vingt ans, François DESCAC fut agent de la
Compagnie des Indes (1756 à 1761), négociant (1753, 1763 à
1770), habitant (1766), marguillier en charge de la
paroisse (1755 à 1758) et enfin, comme on l'apprend à son
décès, le 3 octobre 1770, sindic perpétuel de la fabrique.
Autrement dit, c'était un homme important de Léogane.
Les naissances se succèdent donc chez les DESCAC
presque tous les ans : neuf filles, dont l'une meurt à 34
mois, et trois fils seulement, dont l'un meurt à deux ans
et demi, sept mois avant son père !
Le fils aîné, Jean Baptiste Ursule, né le 8 et
baptisé le 23 août 1757 (c'est le troisième enfant), fut
envoyé en France pour recevoir une éducation "analogue à
l'état militaire" auquel il aspirait. C'est à Paris qu'il
apprit d'abord que son père avait eu "la douleur de voir
les fruits de ses longs travaux presqu'anéantis par le
tremblement de terre de 1770" puis que, la même année, son
père était décédé. Il avait alors treize ans. Il demanda,
et on demanda pour lui, dès qu'il eut vingt ans, en 1778,
une sous-lieutenance au régiment de Port-au-Prince, en
vain pendant plusieurs mois. Puis, le premier mai 1780, il
fut nommé cadet-gentilhomme à l'île de Ré.
Il se fait alors remarquer par ses dettes auprès de
diverses personnes. M. de CONVAI écrit de Lorient au
ministre, le 4 novembre 1781, une lettre incendiaire sur
ce sujet, se plaignant qu'il soit parti pour Paris soi-
disant pour régler ses affaires et qu'il y soit encore, au
lieu de rejoindre Lorient pour s'embarquer, en y menant
"une vie crapuleuse indigne d'un officier" et il conclut
qu'il faut le destituer et le remplacer. L'analyse faite
par le bureau du ministère est conciliante , observant que
les accusations de M. de CONVAI sont vagues, qu'on n'a pas
reçu d'autres plaintes, que, s'il n'a pas rejoint son
régiment, c'est qu'il n'était pas à l'île de Ré et n'a pas
été averti, mais qu'il s'est présenté plusieurs fois au
bureau à Paris et que, dès qu'il a appris que ses cama-
rades allaient s'embarquer, il a rejoint directement
Lorient. En outre, ajoute-t-on, "en général les amé-
ricains, accoutumés pendant la paix à faire une certaine
dépense, se trouvent gênés par l'interruption du commerce
pendant la guerre et font des dettes." Peccadilles donc,
dont on ne lui tiendra pas rigueur.
Cependant les plaintes des créanciers le suivent à St-
Domingue où il est enfin sous-lieutenant au régiment de
Port-au-Prince. Le commandant du régiment répond le
premier juin 1783 à la lettre du ministre (du 20 janvier
1782!) qu'il ne peut honorer ses dettes car "Le Caton",
sur lequel il était pour rejoindre St-Domingue, a été
pris par les Anglais et conduit à la Jamaïque : ses effets
ont été pillés et il a dû refaire son équipage. Il se
trouve donc dans la gêne, n'ayant pas de ressources du
côté de sa famille et le commandant, en demandant pour lui
une gratification, suggère qu'elle soit employée à payer
sa dette de 686 livres envers le sieur VOLLAND. On lui
accordera 500 livres.
En 1785, nouvelles réclamations : Louis MONZIE,
marchand à St-Martin-de-Ré, adresse au ministère la liste
de ce qui lui est dû par "divers officiers des colonies",
en tout 3710 livres; d'ESCAC (sic) y figure, parmi dix
autres, pour un montant de 766 livres. Il paiera aussitôt
par lettres de change.
Enfin, le 24 janvier 1789, Monsieur le marquis DU
CHILLEAU, gouverneur, annonce au ministre qu'il a accordé
à M. d'ESCAC, lieutenant en premier au régiment de Port-
au-Prince, la permission de se marier. Le mariage se fait
en effet, au Port-au-Prince, deux jours après. L'élue,
Mademoiselle Catherine Renée MAHé de GRANDMAISON est sa
cousine au troisième degré. Elle est née à l'Arcahaye,
fille de feu René et de Catherine ROY, habitante au
Boucassin, et elle est mineure. Mais, un an après, le 6
mai 1790, quand on baptise leur fils Henri, né le 10
janvier, Jean Baptiste Ursule est décédé! Nous ignorons le
sort d'Henri, et celui de Joachin, né en 1762, son oncle,
seuls héritiers du nom DESCAC (ou d'ESCAC).
Restaient donc les huit filles à marier. L'une mourut
à quatorze ans et demi mais on maria les sept autres, et
l'une d'elle même deux fois ! Belle réussite pour la mère,
veuve avant d'en avoir établie aucune, mais remariée le 19
mars 1776, cinq ans après le décès de François DESCAC,
avec Monsieur Maître Jean Charles RAZOND, notaire royal et
substitut du procureur du roi au siège royal de Port-au-
Prince, natif du Puy en Velay.
De ces sept créoles, seule l'aînée, Catherine Thérèse
Françoise (née le 11 mai et baptisée le 16 juin 1755),
qu'on appelait parfois Catherine Augustine Thérèse, parce
que son parrain se prénommait Augustin, mais qui signait
Thérèse, épousa un créole. Le 15 janvier 1771, trois mois
après la mort de son père, elle se mariait en effet avec
Monsieur Maître Guillaume Charles PAPET, avocat en
parlement, conseiller du roi, lieutenant particulier civil