G.H.C. Numéro 42 : Octobre 1992 Page 652
Antillais prisonniers à la Bastille
Le 29 décembre 1780, sur plainte du président de
PEYNIER, intendant de la Martinique, il fut rappelé en
France par ordre du roi. Arrêté le 11 décembre 1781,
cloître Notre-Dame, chez son frère, chanoine de la cathé-
drale, il fut conduit à la Bastille et ses papiers saisis.
On l'accusait de prévarication dans les achats de
fournitures pour les hôpitaux établis au Fort-Royal de la
Martinique fin 1778 "après l'événement de guerre qui s'est
passé à Ste-Lucie", les Religieux de la Charité ayant
refusé de régir les nouveaux établissements, ce qui néces-
sita de les mettre en entreprise.
L'interrogatoire mené à la Bastille donne de nombreuses
informations précises sur ces fournitures et leur coût,
matelas garnis en coton, paillasses, matelas d'étoupe
blanche, hamacs, chemises et bonnets de toile blanche,
etc.
Aucune preuve n'ayant été trouvée mais des doutes
subsistant, des lettres patentes du roi, le 22 décembre
1781, le renvoyèrent devant le Conseil Supérieur de la
Guadeloupe pour instruction et jugement. La Guadeloupe et
pas la Martinique car il avait des "alliances au degré
prohibé avec plusieurs conseillers au Conseil Supérieur
de la Martinique où le délit a été commis".
En effet, le 15 juillet 1772, il avait épousé à Sainte-
Marie de la Martinique Elisabeth Louise Alexandrine
DESSALLES, fille de Pierre, conseiller au Conseil
Supérieur de la Martinique, et soeur de Régis, aussi
conseiller au même Conseil (auteur des "Annales du
Conseil Souverain"). Alexandrine devait mourir de la
petite vérole dix mois plus tard.
L'interrogatoire à la Bastille évalue les biens de
MONTDENOIX et cite donc son contrat de mariage (Me
Rochery, à la Trinité, 14 4 1772) :
- M. de MONTDENOIX apporte 85.190 livres en une maison à
Basse-Terre (Guadeloupe), nègres, valets, matelots, argen-
terie et meubles et les droits successifs de son père.
- Mademoiselle DESSALLES apporte 150.000 livres constitués
par ses père et mère, en trois termes de 50.000 livres, et
trois esclaves évalués 5.000 livres.
Pendant le mariage, il acquit deux terrains à Basse-Terre,
de François AURIEUX (29 11 1772) et Jacques Pierre
LANGLOIS (17 12 1772).
Après le décès de son épouse, le 25 avril 1773, l'inven-
taire fait les 19 et 20 janvier 1774 évaluait le mobilier
à 42.658 livres et les immeubles à 40.000 livres.
MONTDENOIX transigea avec ses beaux-parents en leur cédant
la moitié de la dot.
D'autres vente de terrains et prêts à diverses personnes
en Guadeloupe sont évoqués ensuite, de 1776 à 1781 (M. de
SéGUR et DROUARD dit LE ROY à Pointe-à-Pitre, GRAET,
entrepreneur de la boulangerie du roi à Basse-Terre,
Estienne Augustin FEUILLOTTE, capitaine commandant le
vaisseau du roi "Le St-Louis" et habitant de la Petite
Rivière à Morne-à-l'eau, COQUILLE, procureur général au
Conseil Supérieur de Guadeloupe).
Ces ventes lui rapportèrent 80.000 francs argent de
France, placés en France, et il lui était encore dû
110.000 livres aux Antilles.
Il est question aussi de ses traitements : 16.000 F argent
de France pour son premier poste en Guadeloupe plus 30.000
livres argent de France pour la moitié des appointements
de l'intendant qu'il remplaçait.
Malgré les lettres patentes du 22 décembre 1781 le
renvoyant pour jugement à la Guadeloupe, MONTDENOIX
produisit des certificats médicaux dès sa sortie de la
Bastille (22 décembre 1781), sa santé ayant été "très
altérée par un séjour de seize ans sans interruption en
Martinique et Guadeloupe et une traversée de trois mois de
l'Amérique en France. En mars 1782 il demandait un nouveau
délai, le certificat médical présenté parlant de la teinte
jaune de son visage, de son défaut d'appétit, de ses
digestions difficiles et d'"une sensibilité marquée au
petit lobe du foie" qui prouvaient "l'obstruction de ce
viscère".
Il ne retourna pas en Guadeloupe et ne fut donc pas
jugé. Vint la Révolution. En janvier 1791, il fut l'un des
quatre commissaires nationaux envoyés à la Martinique par
la Constituante pour "pacifier les troubles des Iles du
Vent. Mais deux d'entre eux étant très vite repassés en
France et le troisième étant malade, c'est MONTDENOIX qui
"resta de longs mois chargé seul de l'exercice des
pouvoirs confiés à tous." A la mort de son collègue, il
cessa ses fonctions et repassa en France en juillet 1792
sur la corvette "La Belette".
En l'an IX, septuagenaire, ruiné, il vivait en province et
demandait des secours. Il fournissait le 22 germinal X
(12 4 1802), un certificat de résidence à Versailles qui
le décrivait ainsi : 1m 73, cheveux blancs, front haut,
yeux bruns, nez aquilain, bouche moyenne, menton rond,
visage plein".
La dernière pièce du dossier est datée du 14 septembre
1805 à Versailles : Mme d'EU de MONTDENOIX fait part du
décès de son époux (il s'était donc remarié) Antoine
Bernard, le 13 septembre, en sa maison, rue des Tournelles
n° 13.
Sources
Archives de France : Colonies C/7 et C/8, Marine C/7/216
H. de Frémont "Histoire et généalogie de la famille
DESSALLES".
COOPERATION
de Michel Rateau :
La famille CLASSEN ou CLASSE (p. 639)
Un Corneille CLAASEN, originaire d'Utrecht (ce qui ne
veut pas dire qu'il y est né) était "free-burger" (colon
libre) en 1657 à la colonie (des Indes orientales
néerlandaises) du Cap de Bonne-Espérance; il épousa le 15
3 1676 catharine NN, originaire de Malabar ou Coromandel,
esclave ou affranchie, d'où descendance (qui n'a pas
d'autres informations). Source : De Villiers/Pama,
Geslagsregisters van die ou Kaapse families,
Kaapstad/Rotterdam, 1981, p. 138.