G.H.C. Numéro 40 : Juillet-Août 1992 Page 628
QUESTIONS
92-163 BELLIé et COLLAS (St-Domingue, 18°)
Le 24 10 1786, le notaire Coicault à Escoussans (Gironde),
signe le contrat de mariage de dlle Anne-Sophie BELLIé
"fille naturelle" de M. Jean-Baptiste COLLAS de MAGNET,
major et commandant les milices bourgeoises du Port-de-
Paix, isle et côte de St-Domingue, et dlle Anne BELLIé,
avec Claude FRANCE, notaire à Baigneaux (Gironde). La dot
est de 15.000 l. données par son père. Mais, chose éton-
nante, un mois après son mariage, Me Claude FRANCE signe
le contrat de mariage de dlle Jeanne de COLLAS, nièce du
précédent, avec Jean-Philippe de VERTHEUIL, capitaine au
régiment de Piémont-Infanterie, où la mariée recevait
100.000 livres "payées comptant" par Jean-Baptiste COLLAS,
major des milices, son oncle. Quels étaient donc ces
BELLIé ? Créoles ou mulâtres ? (Il y avait à Port-de-Paix
une famille BELLIER, dont Jean-Baptiste, notaire en 1772).
Par la suite, Anne Sophie signera COLLAS. On n'a pas
retrouvé son décès et on ignore son âge.
Pour épaissir le mystère, Jeanne Anthonine de VERTHEUIL,
fille de Jean-Philippe et de Jeanne de COLLAS, épousa en
1816 Etienne de MONDENARD; leur gendre, Thomas-Prosper
GRAGNON-LACOSTE, époux de Marie-Mathilde de MONDENARD,
fait construire à la Chartreuse de Bordeaux avant 1865 un
tombeau commun avec la famille de Toussaint LOUVERTURE, où
sont inhumés Isaac et Louise LOUVERTURE, avec les nombreux
descendants du couple MONDENARD VERTHEUIL. Qu'ont-ils de
commun ? J. Guilhon
NDLR A Port-de-Paix on ne trouve à ce nom que la décla-
ration de décès, le 5 fructidor III (22 8 1795), de la
citoyenne Marie COLLAS de MAIGNET, 26 ans, + la veille
dans la maison d'Elisabeth GOEIMBERT, à la Grande Savane.
Pas de naissance d'Anne BELLIé ni de sa fille Anne-
Sophie BELLIé. On trouve bien, le 15 3 1772, la décla-
ration du décès, la veille, de M. Jean-Baptiste BELLIER,
notaire et procureur des biens vacants de la juridiction,
environ 40 ans, né à Amiens en Picardie.
Il y a deux familles de ce nom à Port-de-Paix:
- celle de Jean Joseph BELLIER, mulâtre libre, lieutenant
de la gendarmerie à pied, fils naturel de Marie Jeanne
Madeleine, négresse libre (et du notaire ?), qui épouse le
19 mars 1779 Marie Joseph DATTY, mulâtresse libre, fille
naturelle de Jeanne, négresse libre. C'est trop tardif.
- celle d'Augustin BELLIé, greffier de la juridiction de
Port-de-Paix, né au Cap de Jacques et Anne MARTINEAU. Il
épouse le 6 mars 1753 Agnès GACHINAT, née au Port-de-Paix
vers 1741, fille de Jospeh et + Marie DESMARETS. Quand
elle décède le 1 septembre 1786, elle est dite "Agnès dite
GACHINA, veuve de BELLIé, quarteronne, native de cette
paroisse, 45 ans". Nous ne leur avons trouvé que deux
filles : Marie Claire, née en 1755 et décédée en 1757, et
Anne, posthume, née en 1757 et baptisée le 6 février; en
marge de l'acte est écrit : "obitus illius die 17 7bre
1757". Elle est donc aussi décédée enfant.
Le mystère reste donc entier pour les BELLIé.
En revanche Jean Baptiste COLLAS de MAGNET (ou MAIGNET)
est bien mieux connu, mais par des sources autres que
l'état civil : trois dossiers Colonies E87 et des pièces
en série Consulat (G5) à Charleston (microfilm 5Mi/1436).
Nous reconstituons ci-après sa biographie et succession.
Né à Gornac dans le comté de Benauge près de Cadillac
sur Garonne, vers 1723, fils d'Anselme et de Marie
MAUVIGNIER, il passa à St-Domingue où un de ses oncles
mourut major du régiment de Foix. Major du bataillon de
milice de la ville de Port-de-Paix et commandant de la
paroisse, il demanda en 1787 la croix de Saint-Louis et
l'obtint le 12 février 1789.
Fort riche, il se comporta en "parent généreux" envers
un jeune noble désargenté, Joseph Sébastien COLLAS de la
BARONNAIS, qui n'avait apparemment de commun avec lui que
le nom patronymique puisque, fils de Messire François
COLLAS et dame Renée de KERGU, seigneur et dame de la
BARONNAIS, il fut baptisé le 29 12 1757 à Saint-Enogat
(?), diocèse de Saint-Malo, bien loin de Cadillac sur
Garonne ! Le père du jeune homme (père par ailleurs de
neuf autres garçons et sept filles, "tous vivants" !), dit
d'ailleurs, en demandant que soient enregistrés ses titres
de noblesse à St-Domingue, qu'il "a trouvé au Port-de-Paix
un homme de son nom, M. COLLAS de MAIGNET, commandant de
milice, fort riche, chez qui il demeure."
La richesse de Jean Baptiste apparaît par ailleurs dans
la longue liste d'actes notariés à St-Domingue, cités par
ses héritiers pour demander l'indemnité (le nom de BELLIé
ne figure ni dans ces actes ni dans les héritiers)
Depuis le 7 octobre 1793, il résida à Charleston (Etats-
Unis), "par ordre de SONTHONNAX, commissaire civil de la
République française à St-Domingue." Il demeurait Queen
Street n° 105 et c'est là qu'il mourut, "dans une chambre
au second", le 21 décembre 1808, à l'âge de 85 ans, après
avoir fait un testament le 31 mars 1805, complété par un
codicille du 8 novembre 1806.
Son exécuteur testamentaire, Claude Nicolas SAMARY (ou
SAMORY), marchand français résident à Charleston, devait
régir ses biens à St-Domingue, Charleston et en France,
vendre ses propriétés "un an après la paix avec l'Angle-
terre", et en rendre compte aux héritiers et légataires
quatre ans après la vente.
Outre ses parents, que nous verrons ci-après, il léguait
des sommes en "argent de France" à diverses personnes : à
deux filleules (Mlle BENOIT, fille de boulangers de
Charleston, et Mme COURAUD), 1.000 et 2.000 livres; à M.
et Mme BRESSAT, ancien notaire au Port-de-Paix, réfugiés à
Charleston, "pour peine et soin pris de moi dans diverses
maladies que j'ai faites", 6.000 francs; à Pierre DUPONT-
DELORME, "pour peine et travail dans les procès que j'ai
avec Jean DUPUY, mon ci-devant chargé de pouvoirs pour
régir mes bien à St-Domingue", 10.000 francs; à Marie
Adélaïde Eugénie SAMORY, "fille de mon ami Claude Michel
SAMORY et de demoiselle Marie Madeleine Antoinette DUPONT,
ainsi qu'aux autres enfants qui leur naîtraient, pour être
partagé par égale portion", 50.000 livres.
Ses légataires universelles étaient les trois filles "du
ci-devant baron de VERTEUIL, petites-filles de feu M.
Pierre COLLAS, mon frère légitime, capitaine au régiment
de Foix, chevalier de St-Louis, retiré du service, décédé
sur ses biens de la Martinique, près de Cadillac sur
Garonne."
A sa soeur et filleule Marie Angélique COLLAS, il
léguait 30.000 livres "une fois mariée à M. DOLABARATZ,
ci-devant brigadier des armées navales, résident à St-
Jean-de-Luz près Bayonne." En cas de décès, l'argent sera
reversé aux petites-nièces légataires universelles.
Ce testament ne mentionnait pas son neveu "M. LATOUR
MARLIAC", fils du premier mariage de sa soeur Marie
Angélique avec "noble Messire Jacques de LYORON LATOUR de
la CASE JOACHIM, don MARTINES PASQUALY" (ouf!). Le nom de
ce premier époux est donné dans la copie d'un acte passé