G.H.C. Numéro 39 : Juin 1992 Page 593
L'AFFRANCHISSEMENT D'ESCLAVES DANS LES COLONIES
FRANCAISES D'AMERIQUE
revenus, voire, dans certains cas, une caution (St-Pierre,
Martinique). Ces inscriptions ont pour but d'informer les
gens libres qui peuvent faire opposition, éventuellement,
à l'affranchissement projeté.
Six mois après la dernière inscription, un arrêté du
gouverneur de la colonie affranchit l'esclave et donne
l'ordre d'inscrire le "nouveau libre" ou "affranchi" sur
les registres de l'état civil.
L'arrêté d'affranchissement indique le prénom (et
éventuellement le patronyme) que portait l'esclave, son
âge, parfois son lieu de naissance ou l'habitation
sucrière, caféière... de rattachement , ses caractéris-
tiques physiques (créole, quarteron...) sa qualité parfois
(libertés étrangères), la personne qui a sollicité
l'affranchissement, enfin le métier. Quand il y en a,
l'arrêté indique l'existence d'enfants.
Il faut ensuite rechercher dans quelle commune est
inscrit le nouveau libre : une fois trouvée cette
référence, le chercheur peut conclure que la commune de
naissance est celle où le nouveau libre s'est fait
inscrire sur les registres d'état civil; tandis que la
mention de la commune indiquée dans l'arrêté d'affranchis-
sement vise davantage la commune et le lieu (habitation,
quartier...) où l'ancêtre a été esclave.
3 - Particularités.
Au cours de mes recherches généalogiques, j'ai glané
diverses informations relatives aux affranchissements
d'esclaves et aux conditions de l'inscription des mentions
concernant des esclaves ou des libres de fait dans les
registres de catholicité et d'état civil des colonies
françaises.
Je les indique ci-après entre guillemets.
3.1 - Thèse de doctorat de madame DUVAL.
Les citations suivantes - 3.1 a) à g)- sont tirées de
la thèse de doctorat d'Etat présentée et soutenue
publiquement le 23 mai 1975 par madame MEZIN Christiane
épouse DUVAL : La condition juridique des affranchis en
Martinique sous l'Ancien Régime.
(jury : président M. Michel de JUGLART . assesseurs : MM.
Pierre TIMBAL et Jean de MALAFOSSE), université de droit ,
d'économie et de sciences sociales de Paris II.
3.1 a)- le droit et la filiation.
L'article 13 d'un règlement enregistré le 23 décembre
1789 (A. D. Martinique, Conseil supérieur, folio 235) pose
que "si un homme de couleur libre épouse une esclave dont
il aura eu des enfants, lesdits enfants ne seront point
censés affranchis par le mariage subséquent" (cf. aussi le
mariage du grand-père de Wilfrid Camprasse).
Tout change avec l'ordonnance royale du 11 juin 1839:
l'affranchissement est de droit par filiation.
"Il est arrivé que des mères esclaves réussissent à faire
baptiser par les curés (tenant les registres paroissiaux)
leurs enfants mulâtres comme libres, sans justification de
leur propre liberté. Ces enfants étaient fils de soldats
ou de marins quasi inconnus. Inscrits ainsi sur les
registres paroissiaux réservés aux gens libres, ces
enfants se prévalaient alors de leur condition de libres".
3.1 b)- affranchissement et services militaires.
"Affranchissement après huit ans de services militaires en
temps de guerre, de 1702 à 1832".
3.1 c)- registres d'affranchis.
"Une ordonnance royale du 15 juin 1736, renouvelée le 5
février 1768 par une ordonnance locale de la Martinique,
défendit aux religieux de baptiser comme libres des
enfants dont il n'aurait pas été prouvé que leur mère fût
libre . Les curés devaient mentionner aussi l'affranchis-
sement sur les registres de baptême" (cf. aussi l'acte de
baptême de Jean Charles Camprasse le 5 juillet 1789 à
l'église du Moule , Guadeloupe).
"Une ordonnance locale de la Martinique en date du 31 août
1778 impose aux curés de spécifier, sur les actes de
baptême des gens de couleur, leur état et le degré de
couleur" (jusqu'en 1831, date de l'abrogation de ces
mesures discriminatoires).
"Un arrêté local (de la Martinique) en date du 1er avril
1831, pris sur ordre du Ministre de tutelle des colonies,
abrogea l'ordonnance royale du 15 juin 1736 et son ordon-
nance locale d'application du 5 février 1768".
"Les listes et registres des affranchis, des hommes de
couleur libres et les actes d'affranchissement se trouvent
(sont déposés, à l'époque ?) à la direction des Domaines
et au greffe de l'Intendance de chaque colonie, puis au
greffe de la Préfecture coloniale".
"En 1843, les registres d'affranchissement ont été
fusionnés avec les registres de l'état civil proprement
dits".
"Une circulaire ministérielle du 11 avril 1856 recommande
de ne plus insérer dans les actes de l'état civil de
mention relative à l'esclavage et aux affranchissements".
3.1 d)- patronyme, prénom et surnom.
"L'esclave n'avait qu'un prénom sous lequel il figurait
dans les dénombrements annuels de son propriétaire. Lors
de son affranchissement, il devait prendre un nom."
"Les mulâtres adoptaient souvent le nom de leur père
naturel blanc; les Noirs, ceux de leur ancien maître. Mais
une ordonnance locale de la Martinique en date du 6
janvier 1773 interdit expressément ce genre de pratique,
ainsi qu'une nouvelle ordonnance du 4 juillet 1774 et un
arrêté local du 15 mars 1803. Néanmoins, des gens de
couleur libres refusèrent de changer de nom : ex. les
Dumas à la Martinique."
"Ces différents textes furent abrogés par arrêtés locaux
des 12 novembre 1830 et 1er avril 1831."
"L'enfant légitime ne portait pas toujours le nom de son
père".
"L'ordonnance royale du 29 avril 1836 prescrit que les
déclarations d'affranchissement énoncent le nom patrony-
mique de l'affranchi, ainsi que les prénoms des affranchis
qui devaient être issus du calendrier grégorien, ou étant
ceux de personnes connues dans l' Histoire ancienne".
"Le surnom avait une très grande importance dans les
colonies françaises : à l'époque coloniale, le prénom
était sujet à des changements fréquents, donc nombreux,
liés à l'indécision".