G.H.C. Numéro 32 : Novembre 1991 Page 427
LE NOM PATRONYMIQUE EN GUADELOUPE
1) Les prénoms deviennent noms de famille. Souvent,
l'usage s'était établi dans l'atelier de considérer le
prénom officiel comme un nom propre et l'individu était
connu par son surnom qui devint son prénom. Ce fut donc
une officialisation de l'usage établi.
2) Le surnom avait un rapport avec un trait de carac-
tère ou une particularité. Il devint le nom patronymique
comme PROMENEUR, LEBORGNE, etc.
3) Le nom rappelle l'origine africaine. il est attribué
à des individus nés souvent en Afrique. Il peut désigner
l'ethnie, comme IBO, MONDONGUE, BAMBARA..., la région,
comme GABON, DAHOMAIS, ZOU..., la ville, comme ABOMEY,
YOKO, etc.
4) Toute une série de noms donne un éclairage sur la
personnalité de l'officier d'état civil et met en valeur
l'enseignement classique de cette époque. Ce sont tous ces
noms, assez nombreux, qui font référence aux personnages
de l'Antiquité gréco-latine. Ainsi, M. de SAINT-CYR, qui
inscrivit les nouveaux libres de Morne-à-l'eau, fit en
grande partie appel à ses souvenirs scolaires en donnant
des noms comme ALCIBIADE, ROMUS, ROMULUS, PLINE, TACITE,
NUMA, AMON, ARCHIMèDE. D'autres firent appel aux souvenirs
religieux et donnèrent des noms de lieux et de personnages
bibliques comme ABSALON, JUDA, JUDéE.
5) D'autres sont des noms de ville ou de région, comme
à Bouillante où Abraham LESUEUR attribua des noms comme
MADèRE, FUNCHAL, LAPONIE, LAUSANNE, LIBAN, BAIROUT (sic).
Il semble qu'il ait utilisé un dictionnaire car, souvent,
plusieurs commençant par la même lettre se suivent. Mais,
le plus souvent, ces noms de ville sont localisés dans une
même région, celle de l'officier d'état civil. M. de
SAINT-CYR, originaire du sud de la France, donne des noms
comme LA CIOTAT, MARTIGUE, CASSIS, BEAUCAIRE.
L'abolition accordée, d'autres populations, venues
d'horizons lointains, furent introduites pour remplacer
les anciens travailleurs agricoles qui ne voulaient plus
travailler la terre, symbole de leur condition passée.
Les quelques Chinois qui arrivèrent laissèrent peu de
patronymes, comme TSéKINPIO (TSé-KIN-PIO), TSéKINTUO ou
THEXKOUTH. Ce sont surtout les Indiens qui renouvelèrent
et enrichirent le stock de noms. Ils sont facilement
reconnaissables et l'on peut distinguer ceux qui étaient
hindous et ceux qui étaient musulmans. Ces derniers
portent des noms qui rappellent la religion de l'ancêtre,
comme ABDALLAH (fils de Dieu) ou des noms commençant par
CHEK, qui se prononce Chiir en arabe et qui désigne un
lettré en science coranique (CHEKMODINE) ou des noms
composés à partir de celui du prophète MAHOMED ou MAHOMED-
SAïB.
Au début du XX° siècle, quelques familles originaires
du Proche-Orient, comme les SARKIS, SAADI, et d'Italie,
mirent un point final (?) au renouvellement des noms
familiaux.
Il va de soi que ce sont les grands courants qui se
détachent ainsi en couches successives car, tout au long
de la période qui va de l'origine de la colonisation à nos
jours, un apport continu s'est ajouté. Il était constitué
selon les périodes de marins, de marchands, de magistrats,
d'administrateurs, de fonctionnairers dont certains repar-
tirent mais d'autres finirent par s'installer et faire
souche.
D'autre part, les Guadeloupéens émigrèrent eux aussi.
Le surplus démographique partit s'installer ailleurs et on
retrouve des noms guadeloupéens dans l'ensemble du bassin
caribéen.
Les départs les plus importants se situent à la fin
du XVII° siècle vers l'ensemble des îles anglaises et
hollandaises, départs des protestants qui refusèrent
d'abjurer; dans la deuxième moitié du XVIII° siècle, vers
Trinidad, "monde vide" par rapport au reste de la zone;
vers Panama à la fin du XIX° et au début du XX° siècle,
pour le creusement du canal, et, plus près de nous, de
Saint-Martin vers Aruba et les îles Vierges américaines,
sans oublier l'émigration vers la Métropole, qui s'est
intensifiée vers les années 60 et 70.
L'onomastique, science annexe de l'histoire, nous a
amenés aux fondements de notre société moderne. Elle donne
un éclairage particulier et inhabituel à certains évé-
nements historiques et sur l'ensemble des individus qui
composent la société. Elle permet de rattacher chacun à un
passé commun par ce qui, apparemment, le singularise.
Les différentes strates de notre communauté locale se
décantent ainsi, mais se mêlent aussi, en formant un tout
dans un "melting-pot" qui ne serait pas complètement
achevé.
(1) NDLR C'est une idée largement répandue mais qui, à
notre connaissance, ne s'appuie pas sur un nombre
significatif et prouvé de cas et, au contraire, il était
illégal de prendre, à l'affranchissement, le nom du maître.
NOUS AVONS RECU
de Françoise Griscelli
Deux livres reliés :
- "Mémoire justificatif des hommes de couleur de la Marti-
nique, condamnés par arrêt de la Cour de cette colonie,
contenant l'histoire des hommes de couleur dans les
colonies françaises" Paris, Imprimerie E. Duverger,
novembre 1826, 377 pages (sur l'affaire BISSETTE).
- "Procès d'un patroné de la Martinique" Paris, Imprimerie
Dezauche, 1833, 56 pages (sur l'affaire LOUISY) et
"Plainte des mandataires des hommes de couleur de la
Martinique contre M. le contre-amiral DUPOTET, gouverneur"
Paris, Imprimerie P. Dupont et Laguionie, 1833, 11 pages
et "Consultation pour M. HERMé DUQUESNE, juge d'instruc-
tion à la Martinique" Imprimerie Everat, 1833.
Révision 26/08/2003